Chronique | SKÁLD - Le Chant des Vikings (Album, 2019)


Skáld - Le Chant des Vikings (Album, 2019)

Tracklist :

01. Enn átti Loki fleiri börn - 01:23
02. Rún - 02:40
03. Valfreyjudrápa - 03:06
04. Níu - 03:05
05. Flúga - 02:32
06. Gleipnir - 04:07
07. Krákumál - 03:20
08. Ó Valhalla - 03:35
09. Ec man iötna - 01:59
10. Yggdrasill - 03:34
11. Ódinn - 03:08
12. Ginnunga - 04:08
13. Jóga - 03:34

Extrait à écouter :


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Tell Odin, Wardruna surplombe la scène Nordic Folk. Sa stature de groupe culte et sa musique planant sur la série Viking en ont fait aux yeux de tout une partie de son public la référence, occultant nombre de nouvelles formations, ou même de plus anciennes. Mais les Sagas Nordiques continuent d'inspirer la vie et la musique de nombre de personnes. C'est le cas de la formation française Skáld qui sort en cette année 2019 sa première offrande. Le Chant Des Vikings puise ses racines dans l'Edda ; à l'image d'Egill, ils sont poètes, vikings et magiciens.

Reprenons les mots de Régis Boyer lors de sa présentation de « L'Edda Poétique », : « Il s'agit d'une sorte de manuel d'initiation à la mythologie nordique destinée aux jeunes poètes. » Le Chant Des Vikings reprend ce chemin tracé dans l’obscurantisme chrétien. Le terme « Viking » fait ici référence à son utilisation commune, qui désigne les peuples scandinaves dans leurs généralités, non pas dans son sens premier, qui désigne la période où les scandinaves partaient en raid.

Si l'on s'attarde ici sur l'utilisation des termes et de la démarche de Skáld, c'est pour éviter une incompréhension qui pourrait nuire à l'appréciation de la musique. Il ne s'agit pas d'un groupe de reconstitution fidèle mais d'une volonté de vivre et refaire vivre une vision mythique, chimérique parfois bien éloignée de la réalité historique. Mais avoir l'Edda en source c'est ça aussi, prendre la liberté de moderniser ces mythes, « qui ont couru de bouche à oreille pendant des siècle, avec toutes les incompréhensions, tous les ajouts, refontes, interpolations et déformations que cela suppose. » (R. Boyer / p.73). L’essence de la mythologie, de la culture et de la musique Scandinave ne cessera jamais de se dérober, et restera fascinante de par son mystère vieux de siècles entiers. Cette idéalisation ainsi que les textes des anciens scaldes peignent une musique mystique, des paysages sonores entre l'histoire et la BO de Skyrim. Une forme chimérique de légendes anciennes et de modernisation populaire que l'on retrouve dans des titres comme 'Ó Valhalla', 'Yggdrasill' ou encore 'Ódinn' qui jouent directement sur les références et les symboles les plus marquants et répandus.

Skáld au même titre que l'Edda devient une porte d'accès à cette univers musical chamanique et guerrier, où la mélancolie côtoie les marches de guerres. 'Enn Átti Loki Fleiri Börn' est cette première page ouverte, avec la lyre, douce, qui accompagne le narrateur. Tel un conte près du feu, après une chasse dans les forêts enneigées.

Le rêve s’installe, chaque titre est un poème épique où les sonorités rappellent le travail de Basil Poledouris sur Conan le Barbare. Les morceaux de Skáld sont affaire de forme au même titre que la poésie orale. La musique se grave, les ambiances, les instruments soutiennent les chants gutturaux ou lyriques : « Comme une basse continue, le savant lacis des sonorités sans cesse reprises sous-tend le récit et le guide. » (R. Boyer / p.75). Le chant, en vieux norrois, plus que chanté est psalmodié, invoque des lieux à la fois familiers et inconnus. L'histoire a ici revêtu ses habits oniriques, les faits ont laissé place aux légendes.

« C'est caractéristique des civilisés. Quand ils sont incapables d'expliquer quelque chose à l'aide de leurs connaissances scientifiques assez douteuses, ils refusent d'y croire. » (Au-delà de la rivière noire – 1935, Robert E. Howard). Le Chant des Vikings ne s'explique pas, il est le fruit des fantasmes de leurs auteurs. Une histoire qu'ils veulent conter comme bon leur semble, un moyen de transmettre leur amour, leur vision sans nul doute pas historique mais de ce fait personnelle, évitant de devenir un Wardruna du pauvre.

« C'est moi, son chroniqueur, qui seul peut raconter son épopée. Laissez-moi vous narrer ces jours de grandes aventures. » (Mako, Conan le Barbare, 1982, écrit par John Milius et Oliver Stone)

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Morgan


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