Live Report | ASUNOJOKEI (明日の叙景), HEXIS et BLISS-ILLUSION (虚极) à Pékin, (1.11.18)


Entre deux ruelles, une route bétonnée qui mène à un gratte-ciel, la route est barrée par une grille roulante, un panneau lumineux affiche un sens-interdit. Un « Live House » est inscrit en doré sur une façade noire, en plus petit BSP, le nom de la salle au rez-de-chaussée de l’immeuble. C'est dans une petite salle qui fait aussi office de bar que se rencontre la tournée mondiale du groupe de Black Metal Hardcore Hexis, et la tournée chinoise du groupe de Post-Black / Post-Hardcore japonais Asunojokei (明日の叙景). La première partie n'est pas en reste puisqu'il s'agit de Bliss-Illusion (虚极), groupe chinois de Post-Black Metal Bouddhiste.

L'entrée se fait derrière une porte vitrée et de lourds rideaux noirs. C'est entre des bibliothèques, des CDs, un espace lounge et un bar que se fera le concert. Une scène est aménagée et Bliss-Illusion (虚极) se prépare déjà à jouer.
Leur logo, entouré de mantras et dans les mains de Bouddha, est projeté sur le fond de la scène. Le chanteur, encensoir à la main, commence le concert. Les membres du groupes sont maquillés de façon discrète, uniquement pour souligner les trais de leurs visages et rendre leur peau plus pâle. Seul le guitariste a un maquillage plus marqué avec le symbole du groupe sur le front, un air d'exaltation et de béatitude sur le visage lorsque les morceaux s'enchaînent. Tous sont habillés de vêtements sombres et traditionnels, sous celui du chanteur on devine un t-shirt Carpathian Forest. Ce dernier, son chapelet à la main, délivre un Black Metal puissant, entre souffrance et prières bouddhistes. Ces mouvements inspirés de groupe de DSBM reflète la douleur, la lame de rasoir, accessoire inséparable du DSBM, est remplacé par le chapelet qui devient l'échappatoire, le catalyseur. Les flûtes chinoises jouées sur scène soulignent ce contraste et cette complémentarité entre le Black Metal et le Bouddhisme. Le frontman prend un rouleau, l'ouvre, pointe le doigt sur une ligne et commence à réciter les mantras inscrits dessus. S'en suit un passage au chant guttural avant qu'il ne se mette à genoux, en position de recueillement. 

Le concert continue, le chanteur oscille entre moment d'abandon total, de fureur et de recueillement.

Une prestation prenante, puissante. Bien plus aboutie et maîtrisée que lors du 330 Metal Festival qui a eu lieu en mars dernier et qui m'avait donné l'occasion de les découvrir avant la sortie de leur premier album 又名 (Shinrabansho). Les problèmes de son et de larsens n'ont pas réussi à gâcher la prestation.









La première annonce du concert avait été faite, à l'origine, par Hexis, dans le cadre de leur tournée mondiale et donc de leur passage en Asie. Ce n'est qu'après l'annonce de la tournée chinoise d'Asunojokei (明日の叙景) que j'ai vu que leurs chemins allaient se croiser pour cette date. Étonné que le groupe de Black / Hardcore ne fasse pas la tête d'affiche, je me rappelle que la formation japonaise vient de sortir son premier album わたしと私だったもの (Awakening) et de rééditer son premier EP 過誤の鳥 (A Bird in the Fault) sur le label chinois Pest Productions.  

C'est donc presque un ans après leur passage à Antibes, à l'autre bout du monde, que je me prépare à revoir la formation danoise.

Les préparations sont chaotiques, et les balances expédiées alors que le chanteur s’énerve contre l'ingé son qui met le chant et la guitare trop basses. Les lumières colorées s'éteignent, le chanteur s'énerve encore une fois pour que le logo de la livehouse soit éteint lui aussi derrière la scène. Et c'est dans la pénombre à la seule lumière des stroboscopes, que le vrai chaos se déchaîne avec un chanteur remonté qui déverse enfin sa fureur. Toujours aussi violent, Hexis délivre un flot ininterrompu de Black / Hardcore qui tranche nettement avec les atmosphères introspectives du groupe précédent. Aucune touche de "Post", de la haine pure aux racines punk qui laisse une partie du public choqué. Rien de raffiné, du blast, des beats et de la sueur. Les problèmes techniques du micro et les larsens ne font qu'attiser la flamme du chanteur qui extériorise sa colère contre l'ingé son dans le concert.

Hexis aura marqué Pékin de son empreinte, la salle s'est vidée en partie, ne s'attendant certainement pas à se prendre un tel mur de son. Mais les personnes restantes viennent de goutter et d'apprécier ce qui se fait de mieux en matière de Black / Hardcore sur le vieux continent. 







Asunojokei (明日の叙景) doit être le groupe qui colle le mieux au cadre dans lequel se déroule le concert. Après le recueillement spirituel de Bliss-Illusion (虚极) et la violence primordiale d'Hexis, les japonais au look de jazzman branchés ne dénotent pas entre le piano et le velours des fauteuils. 

La musique commence. Un mélange raffiné de Post-Black et de Post-Hardcore aux accents Post-Rock, une musique lisse, totalement brisée dès que le chanteur commence à chanter. Le voir sortir un chant guttural puissant et malsain sur cette musique a l'effet d'une pierre dans un magasin de cristal. Son chant Black Metal est puissant alors que les mouvements de son corps se rapprochent plus de la mise en scène de Michel Jackson. La musique toute en douceur met en avant la haine, la mélancolie que porte la voix. Les touches Post-Rock / Jazzy qui pourraientt rappeler la douceur de Mono ou de Wang Wen (惘闻) ne servent qu'à rendre encore plus impressionnants les passages Grind du chant. La prestation d'Asunojokei (明日の叙景) est toute en nuances, en contrastes. Les lumières roses qui se reflètent sur la fumée rappellent les teintes de l'album わたしと私だったもの (Awakening). Le mélange et l’opposition de la musique et du chant sont enivrants et prenants, et on se laisse facilement guider sur les chemins que nous tracent les japonais. Un chemin aussi beau, délicat et mortel qu'un chant de pivoine....






Les problèmes de sons auront été finalement présents tout le long, montrant bien que la salle n'est pas habituée à recevoir des groupes de Metal extrême, bien que moins présent sur le dernier groupe. Merci à Unknown Art Productions d'avoir permis la venue d'Hexis et d'Asunojokei (明日の叙景) mais aussi d'avoir ajouté à la dernière minute Bliss-Illusion (虚极). De quoi rendre cette date encore plus mémorable. Une date qui montre bien la variété qui existe au sein du Black Metal et du Hardcore et qui permet de passer d'une émotion à une autre à chaque nouveau groupe.

Et merci à Marc Fan, pour ses photos !

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Texte : Morgan
Photos : Marc Fan

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