Chronique | THE SARCOPHAGUS - "Beyond This World's Illusion" (Album, 2017)


The Sarcophagus – "Beyond This World's Illusion" (Album, 2017)

Tracklist:

01. Reign Of Chaos
02. Ain Sof
03. Dymadiel
04. The Profanity Rites
05. Sapremia Of Earthly Creatures
06. Triumphant Divine Terror
07. Armoured Death
08. Flaming Key To Divine Wisdom
09. Apocalyptic Beast Extrait en écoute

Extrait en écoute:



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J'ai découvert The Sarcophagus il y a de ça un ou deux ans par la biais de ''Towards Eternal Chaos'', leur premier album qui se révèle être aujourd'hui un de mes albums de référence. J'avais été assez sauvagement subjugué par ce black metal qui se savait à la fois très catchy, épique et mélodique à la fois tout en conservant sa fiévreuse aura de ténèbres. Encore plus surpris j'avais été d'apprendre plus tard que c'était le fameux Niklas Kvarforth (Shining ..) qui effectuait les vocaux, que j'apprécie finalement bien plus ici qu'au sein de son projet suédois.

La formation du groupe remonte ainsi à 1996, fondée par Burak Sümer (alias Nahemoth) en Turquie, et compte comme l'un des groupes phares de cette contrée. Après le départ de Kvarforth, c'est un membre de la formation russe Todestriebe qui rejoint The Sarcophagus pour officier au chant. C'est par conséquent avec sa participation que sera enregistré le présent album qui vient de sortir sur le label russe Satanath Records après une signature chez les français de Osmose productions pour les deux précédentes sorties (comprenant l'EP ''Hate Cult'').

L'artwork est quand à lui signé de Paolo Girardi, qui il faut le dire, devient un artiste incontournable de l'illustration d'albums avec un style très reconnaissable et souvent du plus beau des effets sur les pochettes de metal extrême. La créature représentée ici y est particulièrement gargantuesque, quelque peu lovecraftienne, avec de grandes ailes, des yeux s'apparentant sévèrement à des crânes humains et un certain nombre de pattes courtes rappelant un arthropode. Aussi, sa bedaine s'ouvre pour former une entrée monumentale, ou une gigantesque gueule. Voyons voir un peu ce que ça donne, du côté de la musique.

L'ouverture de l''album avec 'Reign Of Chaos', le premier morceau, donne un peu le ton de l'album avec une composition assez typique du groupe, c'est à dire une certaine dose de blast, de mid-tempo avec un break ainsi qu'une guitare lead mélodique très entraînante. Et au niveau de l'exécution, c'est remarquable, on est loin de l'approximation. On approche donc ici le satanisme anti-cosmique qui tiendra une place assez importante dans l'album en y mentionnant les onze « wrathful gods of chaos » me faisant immanquablement penser au plus récent album de Acrimonious, intitulé ''Eleven Dragons''.

Ainsi, j'ai pu avoir accès aux paroles du livret que Nahemoth m'a gentiment fait parvenir, je compte ainsi tenter (comme d'habitude) d'éclaircir un peu les thèmes abordés. 'Ain Sof' offrira quant à lui une ambiance beaucoup plus ritualiste et mystique que véritablement vindicative, avec des sonorités utilisées très évocatrices. D'ailleurs « Ain Sof » est un terme kabbalistique pour désigner la divinité en tant qu'être sans fin, enfin tout du moins cela renvoie à la notion d'infini.

Le morceau suivant 'Dymadiel' fait allusion au satanisme anti-cosmique et au « Temple Of The Black Light » dont « Dymadiel » représente une bougie noire symbolisant l'énergie du chaos et une des 5 armes rituelles disposées sur l'autel, avec le pentacle, le calice, la baguette et la dague. Il s'agit la d'un de mes morceaux favoris de l'album, d'une efficacité sans concession avec une formidable rythmique, évoluant plusieurs fois au sein du morceau et un break enchaînant sur une partie mid-tempo à la fois chaotique et jouissive.

C'est une ode à la sorcellerie qui est maintenant exécutée avec 'The Profanity Rites', et on y fait référence à 3 femmes pour le moins démoniaques, avec Hecate triformis (aux trois formes que j'avais déjà abordée lors de ma chronique sur l'album de Kawir), Naamah et Lilith, deux personnages qu'on pourrait associer à des démons de type succube. Les 3 sorcières sont mises en scène pour un vicieux sacrifice rituel dans l'aspiration de canaliser un sort de destruction, le tout dans une ambiance volontairement occulte et rituelle, appuyée par des enchaînements de notes dissonantes en arpèges et des tremolos déterminés comme une lame sacrificielle.

'Sapremia of earthly creatures' reste assez énigmatique pour ma part, ceci dit, « Sapremia » est un terme d'origine médicale renvoyant à une forme d'empoisonnement du sang après l'absorption d'éléments en putréfaction … ou bien par un organisme (comme une bactérie) se développant sur la matière organique en décomposition. On notera dans ce morceau une certaine lancinance des mélodies et un rythme de batterie inperturbable. Et, qu'entends-je, quelques petites notes de clavier magnifiquement bien placées entre le premier et le second tiers de la piste. Un morceau très recommandable tout comme le suivant 'Triumphant Divine Terror' qui insiste sur l'imposture de la religion et les atrocités commises sous la bannière de la lumière qui n'apporte que peste et désolation.

 C'est effectivement une ambiance assez martiale qui prend vie avec 'Triumphant Divine Terror', on imagine sans peine les légions d'anges vengeurs semant la mort sur Terre et le sang plus ou moins innocent coulant sur les lames étincelantes. Et mine de rien, il s'agit d'une mise en bouche tout à fait habile pour la piste suivante nommée 'Armoured Death' soit la Mort elle-même portant une armure. Avec pareil nom on fait référence ici aux chars d'assaut mais aussi plus généralement à la guerre moderne telle qu'elle se pratique depuis le XXème siècle, c'est à dire avec des chars, des bombardiers, des navires et des sous-marins, beaucoup de poudre, et autres technologies au service de notre propre dévastation. L'intro purement guerrière nous gratifie d'une mention de Mars / Arès, dieu antique de la guerre et de la destruction. On peut sentir la fureur de la guerre et la chaleur des explosions dès le premier riff avec un sample de sirène et puis de bombe sifflante suivie d'une déflagration, ça me rappelle d'ailleurs que trop bien le morceau 'Krater' sur le dernier album des norvégiens de Tsjuder ou même le fameux 'Baptism by Fire' de Marduk, qui se calque un peu sur cet esprit d'ambiance purement apocalyptique.

Avec 'Flaming Key to Divine Wisdom' nous revenons sur des thématiques plus directement spirituelles comme abordées au début de l'album, avec un rythme globalement assez serpentiforme et musicalement fort mélodique dans cette quête d'un savoir obscur constitué d'arts occultes interdits. Personnellement, l'évocation d'une clé flamboyante menant à la sagesse divine est une vision emprise de poésie que je ne peux soustraire à mon imagination rêveuse dont la musique est le moteur.

Le point final de l'album se marque avec 'Apocalyptic Beast', au nom assez évocateur et qui évoque l'exil du porteur de lumière dans de sombres fosses et atteint de visions d'une humanité en déclin et désespérée, moment correspondant à celui qu'il choisira pour refaire surface. À la fois mélancolique et rageur, ce dernier morceau traduit adroitement la préméditation d'une vengeance destructrice par le biais de ses mélodies résonnantes, de passages « occultisants » et de montées en puissance plus vindicatives.

Nous tenons ainsi là à mon avis le plus humble le digne et glorieux successeur du précédent ''Towards The Eternal Chaos'', ce dernier s'étant déjà révélé dans ma discothèque comme étant un artefact précieux n'ayant jamais eu le temps de prendre la poussière. ''Beyond This World's Illusion'' est dans la lignée directe de son prédécesseur, je ne saurais vraiment dire s'il lui est supérieur, mais chose certaine, il lui est au minimum égal. On retrouve par ici le même sens de la mélodie et des rythmiques entraînantes ne cédant pas non plus à la facilité technique. Toutefois on notera une musicalité un peu plus ritualiste avec ce nouvel opus ainsi qu'une production améliorée.

The Sarcophagus aime visiblement beaucoup rendre ses morceaux mélodiques et harmoniser avec la guitare lead la plupart des riffs joués qui prennent ainsi une dimension située entre l'épique et l'occulte. D'ailleurs, en parlant d'occulte, le groupe semble avoir une certaine prédisposition pour les thèmes abordant l'occultisme comme ceux traitant du satanisme anti-cosmique ou de l'ésotérisme kabbalistique. Souvent les morceaux abordent également la déchéance de l'humanité pour cause de religions, et les conflits sanglants qui en résultent, mettant en scène une humanité bestiale avide de sa propre annihilation. On constate ainsi une poursuite de l'intérêt du groupe pour des thématiques ayant souvent lien avec la spiritualité et le mysticisme comme on avait pu le voir avec le précédent album qui faisait aussi bien référence à la mythologie nordique, mésopotamienne ou encore grecque. On observe une volonté ainsi de puiser son inspiration dans les riches traditions spirituelles du passé témoignant d'une grande curiosité culturelle, tout en gardant cette attitude pessimiste et haineuse vis à vis de l'humanité, typique du black metal.

Il est important d'ajouter que je ne me suis pas ennuyé une seule minute avec cet album, The Sarcophagus semble connaître l'art de capter l'attention de l'auditeur sans pour autant en faire des tonnes, le temps est pris ici de développer des atmosphères et de créer des ensembles musicalement intéressants et captivants. Pour conclure, je tiens à saluer les membres du groupe pour la réalisation et la réussite totale de ce nouvel album. Ah .. je l'ai déjà écouté un nombre incalculable de fois ... 

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Stuurm




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