Chronique | CASEY - Love Is Not Enough (Album, 2016)


Casey - "Love Is Not Enough" (Album, 2016)

Tracklist:

1- Bloom
2- Little Bird
3- Darling
4- Sleep
5- Happy
6- Haze
7- Passion Flowers
8- Ceremony
9- Cavities
10- Doubt
11- Mourning

Extrait en écoute:



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"I still miss you like the moon misses the warm kiss of the sunWhen the earth dances between them and steals away its love"

- Paroles de 'Teeth' - 


 Si il y a bien une chose qui m'a toujours beaucoup intéressé chez les passionnés de musique, c'est ce qu'ils recherchaient dans cette dernière. Une certaine atmosphère, de la technique, des émotions, de l'expérimentation ou bien même parfois une idéologie précise… Il va de soi qu'il existe d'innombrables raisons pour lesquelles écouter de la musique. Pour ma part j'ai toujours fait primer la catharsis, considérant que la musique, non sans être un vecteur artistique considérable, avait un potentiel défouloir absolument incommensurable. Et plus que ça, cette « catharsis musical » élève l'art au stade de l'intime et du personnel.

 Et pour ça, ce ne sont pas les différents styles musicaux qui manquent. Notamment le DSBM, style sur lequel j'ai passé un temps considérable, mais qui s'est avéré être a moitié rempli de mensonges et de futiles acteurs ne faisant que singer des légendes. Pas mal de Doom également, mais aussi de l'émo, du screamo, du hardcore, de l'indie rock… Tous styles qui ne s'imposaient que très peu de barrières, qui ne se restreignaient pas aux jugements des auditeurs les plus abrutis, les mêmes qui qualifiaient le DSBM de Black Metal de « tapette », ou bien un autre qualificatif péjoratif du style.

 Et puis il y eut un jour où je suis tombé sur ce petit groupe Britannique du nom de Casey. La jeune formation nous avait déjà délivré un EP en 2015, « Fade », qui m'avait littéralement transcendé en plus de m'avoir touché au plus profond « des feels », comme on dit. D'ailleurs, pour ceux qui n'auraient encore point lu ma chronique, je vous invite à le faire avant celle ci, vu qu'aujourd'hui c'est le petit frère qu'on va étudier, et de très près. 

 Ceci étant dit, « Love Is Not Enough » a beau être le petit frère, il ne l'est que chronologiquement. Mais abordons déjà l'aspect extérieur avant de disséquer cette confession qu'est cet œuvre. Arborant un rose pâle chaleureux et sobre, cette pochette comporte aussi deux entités qui semblent liées. Peu d'autres éléments sont à relever, cette pochette m'a toujours touchée par sa simplicité déconcertante d'efficacité. Un premier contact intimiste avec une couverture qui prend beaucoup de sens une fois l'album écouté et compris. J'insiste d'ailleurs sur le mot « compris » mais j'aurais l'occasion d'y revenir.

 Commençons d'ailleurs par ce qui fais le plus défaut à cet opus : l'instru. Mais entendons nous bien, quand je dis «fais le plus défaut » je veux dire « Est la partie la moins importante de l'opus ». Ce que je veux dire par là, c'est que Casey, d'un point de vue musical, n'apporte rien d'incroyablement novateur au style. On est sur un hardcore mélodique d'excellente facture, avec des parties post-rock complètement envoûtante, teintées d'un désespoir commun à toute l’œuvre des britanniques, notamment avec le titre « Darling ». Mais malgré ce côté relativement générique de l'instru déployée par la formation Anglaise, il y a un certain nombre de détails qui n'échapperont pas à votre audition au bout de quelques écoutes. Notamment les lignes de basses parfaitement chiadées qui ponctuent certains morceaux, avec les quelques notes décalées de l'ensemble sur « Sleep ». De crescendos en parties contemplatives, on explore un univers qui ne m'inspire que peu de choses si ce n'est de l'émotion pure et incroyablement de sincérité. On n'oubliera pas non plus les breaks parfois écrasants qui sont là pour ajouter un côté encore plus passionné et jusqu'au bout-iste à la violence des émotions communiquées dans la musique de Casey.


 Mais je pense que pour vraiment aborder Casey dans son intimité la plus profonde, il faudra d'avantage s'intéresser à son background. Projet qui semble être lié sur la vie du chanteur, Tom, qui s'est efforcé tout au long de ses textes, de dépeindre avec perfection une palette d'émotions toutes plus frappantes les unes que les autres. On y évoquera d'anciennes relations regrettées, ou bien même son frère atteint C'est comme si Casey n'avait pour vocation que de faire varier les différentes émotions liées à une rupture sentimentale ou bien à l'amour en général. De la haine à la pitié, en passant par la tristesse et la nostalgie, Tom passe son temps à déclamer des textes poétiques, couplés à une sensation de « à fleur de peau » qui rend le tout tellement plus… tellement plus vrai.

 « Though reservoirs of self-disgust have swollen up inside my lungs Pulmonary Oedema is no substitute for love that once lay its head upon my chest A comfort cradled motionless, but I have come undone My love is not enough»

- Paroles extraites de "Ceremony", que Tom expliqua comme étant liés à un sentiment de « self-depreciation » survenus des suites d'un choc émotionnel. Cela renverrait surtout la sensation de lourdeur sur les poumons liée à la maladie, métaphoriquement liée au poids des "loved ones" perdus. -

 Ces textes viennent résonner par dessus la musique déjà profondément émotionnelle de la formation britannique, le tout soutenu par le voix très versatile de Tom. De screams profonds et puissants au chant clair doux et réconfortant, Tom varie sa voix en fonction des lyrics déclamés et des parties instrumentales, apportant une cohérence encore plus grande au tout. Mais cessons d'encenser Tom Weaver, je vous laisserai aller écouter avec, à l'appuie, ses textes. La totalité de l’œuvre prend une tout autre tournure.

 Au final, interrogeons nous sur le réel concept de « Love Is Not Enough ». Parce que derrière ce Melodic Hardcore aux aspects tragiques et Ô combien introspectifs, se cache un concept autour d'un sentiment : l'amour. On pourrait presque parler d'une dissection de l'amour dans cet album. Je m'explique : non content de décliner à la perfection ce sentiment à travers bon nombre de musiques, « Love Is Not Enough » parlerait en fait des différents types d'amour qu'il serait possible de ressentir. Le titre viendrait appuyer le fait que cet « amour » élevé comme « la nécessité ultime » au sein d'un couple (je parle ici de sens communs) ne serait en fait qu'une partie d'un ensemble d'actions/émotions beaucoup plus vaste. L'amour se révélerait n'être qu'une variable parmi tant d'autre qui servirait à maintenir un édifice (un couple, une famille, une amitié?) en place. Tom utilise d'ailleurs à de nombreuses reprise la métaphore du foyer pour symboliser un couple, un foyer où des relations entières s’effondreront. C'est notamment ce qu'il retrace dans la très puissante « Haze ».

 « You buried it in the backyard of a house that we built with our bare hands Where you said we’d grow old together I felt safe there I knew every crooked frame and every creaking stair I could have stayed my whole fucking life But time, it was never a friend of mine »

- Partie des paroles de la piste « Haze » -

 De désillusions en souvenirs douloureux, c'est une mémoire qui meurt que l'on accompagne tout au long de l'écoute de « Love Is Not Enough ». Une mémoire qui s'appuie sur des souvenirs pour subsister, s'appuyant sur du vécu pour rester en contact avec la réalité. La justesse et les multiples significations des textes rendent cette œuvre bien plus que complète. Là où Casey retrace une mémoire s'appuyant sur le réel pour survivre, ils ont aussi construit un édifice entier sur lequel se soutenir lorsque le monde s'effondre. Car elle est là la réelle et essentielle conclusion sur cet album : il retrace ce que chacun connaît, s'invite au plus profond de nos êtres pour une expérience émotionnelle jusqu'ici jamais vécue.

 « Now nostalgia comes home once a week, drunk and delusional Slurring her speech, she talks about "trying again" Slumped heavy on the frame of the door to the room where I wait
 I barely said a word at all, scared to tell you how I felt  Has my memory decayed? I don't remember falling into love And it kills me every day I hope I never fucking hear your name again Carry me lifeless and afraid, back to our bed »

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DopeLord




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