Live Report | Cernunnos Pagan Fest IX le 11/02 @ La Ferme du Buisson (Noisiel)


   Après une année de pause, le Cernunnos Pagan Fest a organisé sa neuvième édition le 11 février 2017. Et il se trouve que pour marquer l'évènement, l'équipe du festival a effectué de nombreux changements. Le plus notable concerne la délocalisation du site, de la Machine du Moulin Rouge à Pigalle à la Ferme du Buisson de Noisiel, en banlieue parisienne. Le fait que les festivités aient lieu en ces contrées reculées du RER A auraient pu rebuter quelques spectateurs parisiens casaniers, mais cela n'a pas été le cas au vu de l'affluence. Par ailleurs, les conséquences de ce changement ont été fort bénéfiques pour la tenue du festival, ce centre culturel proposant plusieurs salles de spectacle, dont deux seront utilisées en ce samedi. Là où la Machine du Moulin Rouge s'avérait être beaucoup trop petite pour accueillir à la fois des concerts et une vraie fête médiévale proposant des animations, de la restauration et du merch, la Ferme du Buisson s'est révélée parfaitement adaptée à la mesure de l'évènement. 
   L'affiche de cette neuvième édition a attiré un public principalement métalleux, vu les groupes programmés, mais aussi, comme c'est souvent le cas, des curieux sont venus découvrir les cultures traditionnelles liées au folklore médiéval ou celtique, étant donné que la fête médiévale était située dans une zone "Tout public", contrairement aux salles de concerts. Bien entendu, comme à chaque édition, de nombreux festivaliers jouent le jeu du thème du festival et bravent les intempéries en kilt, en braies, voire en tenue de chevaliers, tout de même couverts de peaux de bêtes pour les plus frileux. 

   Je me dirige tout d'abord vers le théâtre du complexe pour y interviewer un groupe que le webzine suit d'assez près depuis sa formation, j'ai nommé les Franciliens de Griffon et leur Black Melo de qualité. Aharon - le chanteur - et Sinaï - le guitariste et compositeur - répondent avec mes questions de manière synthétique, on doit faire court puisque la session ne dure qu'un quart d'heure.
   Forts de leur récente tournée française avec Wyrms et des bons souvenirs et expériences qu'ils en retiennent, les deux musiciens me font part de leurs bonnes relations avec cette autre formation française, Ted ayant réalisé la pochette de leur premier album paru en janvier 2016, qui représente le prophète Elie égorgeant les prêtres de Baal sur le mont Karmel. Une thématique chère à Aharon - rédacteur des paroles - qui associe des extraits des Ecritures tels l'Apocalypse de l'évangile de Saint Jean à des thématiques modernes, par exemple celle de l'écologie, comme c'est le cas dans le morceau 'Tout est accompli'.
   Les thèmes religieux sont également rattachés à l'Histoire, le titre 'Souviens toi Kerbala', un nouveau titre issu d'un prochain split, étant une référence directe avec le massacre de 680 en Irak, baptême de sang des Chiites au court duquel le prophète Al-Hussein a été tué: "J'aime beaucoup m'intéresser à ce que c'est que de voir sa religion mourir au profit d'une autre. Si le premier album était très axé sur la mort du paganisme au profit du christianisme, 'Souviens toi Kerbala' occupe une place différente puisqu'il relate l'assassinat du petit-fils du Prophète par des Musulmans, les futurs sunnites, un fait embêtant pour cette religion monothéiste. J'apprécie énormément la culture chiite et irakienne."



   N'ayant pas le temps de traiter de cette question plus avant, les musiciens m'informent également que 'Souviens toi Kerbala' figurera sur un prochain split, qui durera une trentaine de minutes, avec trois chansons globalement plus techniques, avec davantage de changements, et un morceau entièrement acoustique qui fera office de transition en reprenant les thèmes de chaque morceau. Le groupe a l'habitude d'évoluer entre chaque production, tant au niveau des thématiques qui varient, qu'au niveau musical, comme Sinaï le rappelle en évoquant 'À la Lisière' et ses éléments blackgaze, qui ont d'ailleurs suscité des réactions diverses et variées parmi les critiques à la sortie de l'album.



   Après cette brève entrevue, je fonce assister au show de Möhrkvlth, qui eux prennent le parti de chanter leur Black Metal en breton, évoquant des thèmes ayant trait à l'histoire de leur région, à la chouannerie, à la mythologie celtique, sans pour autant faire appel à des instruments de la musique traditionnelle pour faire vivre leur identité, un peu à la manière de Kampfar, comme l'expliquent très justement les musiciens, dans une interview qu'ils nous ont accordé il y a quelques mois. C'est une véritable cérémonie à laquelle nous assistons, le chanteur restant assez statique pour évoquer justement cette atmosphère de dévotion, cette préparation au passage des âmes des trépassés et ce culte de la mort qui est le concept autour duquel gravitent les thèmes proposés par le groupe. Ayant cet aspect de la prestation à l'esprit avant le concert, je profite un maximum de leur scénique impeccable, avec des décorations et de l'encens brûlé qui favorisent l'immersion dans les méandres de leur Black Metal épique et parfois mystique avec ces incantations, mais qui reste brut en privilégiant l'efficacité. Ce concert aura su sonner juste dans cet évènement où la recherche d'authenticité devrait être à chaque fois le maître-mot selon moi, et pas forcément selon la forme à laquelle on s'attend.

Setlist:

Gwin Ar C’hallaoued
C’hwezh Ar Gwad
O C’hortoz Galv An Doueoù
Arnev
Kan An Anaon
Imram Brendan
In Your Sorrow’s Mysteries (reprise de Grim Monolith)
A-dreñv Brummen An Istor



   Je quitte la salle et découvre sa très spacieuse grande soeur, la Halle, qui s'apprête à accueillir les Roumains de Dordeduh, un groupe compte d'anciens membres des célèbres Negura Bunget. C'est sans appel, le groupe est LA raison de ma venue et il s'avère que ce spectacle a été le point d'orgue de ma journée, sans hésitation. Équipé de mon gobelet d'hydromel chaud - il fait un froid glacial à l'extérieur, agrémenté de flocons de neige fondue - je profite à fond de ce Folk Metal où les instruments traditionnels ont cette fois-ci la part belle.


   Je commence par apprendre que les habitants des Carpathes possèdent l'équivalent du cor des alpes, deux des artistes faisant démarrer le show sur une note sortant de ces tubes gigantesques. Comme sur leurs albums, ils enchainent sur de longues compositions aux accents psychédéliques, qui sonnent comme des voyages dans un passé teinté de mysticisme et de spiritualité. Les ambiances varient aisément entre contemplation sereine et atmosphères lugubres, voire occultes, les musiciens nous rappelant qu'ils viennent de formations plus extrêmes en lorgnant parfois sur des passages Black Metal comme sait si bien le faire Negura Bunget. Mon avis reste le même que sur CD, Dordeduh propose un Folk Metal extrêmement riche et développé, avec un usage approfondi de divers instruments comme le toacă ou encore le xylophone (honnêtement, je ne me souviens plus s'il s'agissait d'un hammered dulcimer ou d'un xylophone sur scène). Une superbe immersion dans les forêts millénaires des Carpathes qui a réussi à me mettre dans un état de transe, et a suscité mon plus grand enthousiasme. Un moment à marquer d'une bière blanche.


Setlist:

Dojana
Zuh
Cumpat
Pandarul
Jind de tronuri    

   Je me déplace ensuite afin assister à la prestation de Perkelt (photo ci-dessous), mais les quelques minutes passées dans la petite salle bondée auront raison de ma personne; la musique celtique, acoustique et médiévale des Britanniques, bien que sympathique, ne parvient pas à me happer, la faute à l'intensité du concert envoûtant que je viens de vivre. Il est temps d'aller manger un morceau, l'occasion d'aller faire un tour à la fête médiévale qui bat son plein à une centaine de mètres, quelque peu éloignée de la foule. Les artisans y vendent le fruit de leur ouvrage, de l'hydromel aux vêtements en cuir et bien sûr les traditionnelles cornes à boire, tandis que des danseuses égayent l'atmosphère en parcourant la halle en échasses. Le Metal Païen rencontre bel et bien ses racines ancestrales, c'est la raison pour laquelle le Cernunnos n'est aucunement réductible à un festival de musique. Pour ce qui est des victuailles, au lieu d'un classique sandwich jambon-beurre il était clairement plus profitable d'aller se restaurer à cet endroit et de s'installer sur les tables prévues à cet effet dans une ambiance conviviale, aux allures de taverne, d'autant plus que les restaurateurs ont pensé aux végétariens (on me souffle néanmoins que de fâcheuses pénuries de nourriture ont été déplorées en début de soirée).






   C'est avec un sentiment mêlé d'appréhension et de curiosité que j'attends le show de Dalriada dans la Halle, les Hongrois ne m'ayant jamais séduit outre mesure sur CD. En plus de disposer d'une qualité de son franchement approximative, les musiciens nous gratifient une prestation honnête mais qui me laisse sur ma fin, car j'éprouve de grandes difficultés à accrocher à leur Folk Metal festif et direct, auquel une grande partie répond présent avec le traditionnel wall of death. Bien que le caractère épique des compositions soit plaisant, il en faut bien davantage pour me satisfaire, le résultat me paraissant un peu "easy-listening", pour ne pas dire niais à certains moments. Un show qui, malheureusement, finira pour ainsi dire dans les oubliettes de mon esprit.

Setlist:

Amit ad az ég (Álmos búcsúja)
Kinizsi mulatsága
Napom, fényes napom
Áldás
Ígéret
Szent László 
Borivók éneke
Hajdútánc

   Le retour des bonnes choses se profile à l'horizon avec les préparatifs de Griffon, endimanchés de leur maquillage de rouge et de noir, qui vont nous asséner quarante-cinq minutes de Black Mélo de grande qualité. Pour les avoir vus un bon nombre de fois, je suis ravi de constater que tout est carré. Aharon est comme d'habitude littéralement habité par les paroles des chansons qui sont jouées ce soir-là, tandis que les autres membres du groupes se concentrent sur leur jeu, sans dissimuler leur enthousiasme, se déplaçant avec parcimonie sur la scène. Après Möhrkvlth, les Franciliens ont renouvelé au public du Cernunnos leur dose de Black Metal teinté de paganisme, à la fois incisif, technique et captivant, le groupe alternant efficacement entre des plages contemplatives, parfois chantées au chant clair avec le renfort de Sinaï, et des instants de pure rage, défendant de manière idéal son premier album "Har Hakarmel". Une grande réussite pour les seuls représentants locaux de cette édition du festival et un temps fort de la journée pour les amateurs de Metal extrême!

Setlist:

Har Hakarmel
Souviens toi, Karbala
La Cité est perdue
Wig Ah Wag
L’Arbre Blanc
Tout est accompli


   Naheulband, un groupe que je ne connaissais que de nom et qui m'a laissé un souvenir ma foi très sympathique. Le groupe est dérivé de la saga MP3 Le donjon de Naheulbeuk, créée par le leader Pen of Chaos, et parodie l'heroic fantasy avec beaucoup d'humour, relatant des épopées burlesques faisant intervenir des personnages aussi ridicules qu'attendrissants. Des blagues aux clins d'oeil à l'actualité, les joyeux drilles de Naheulband nous content en musique leurs histoires volontairement stupides, et c'est un bon séjour dans les terres de Fangh dont ont bénéficié les festivaliers, les plus convertis reprenant en coeur des refrains des titres les plus connus, et malgré quelques ratés au niveau de la narration, le groupe s'interrompant parfois pour cause d'oubli de paroles... Une expérience pour le moins dépaysante!

Setlist:

La Vie d’Aventurier
A l’Aventure, Compagnons
Nanana de l’Elfe
Massacrons-nous dans la Taverne
Pub : Chiantos
Manifestations monstrueuses
Crom !
Chicken Quest
Pub : les Épées Durandil
 Le Laridé du Poulet
Marche Barbare
Mon Ancêtre Gurdil
Bugger Off !



   Baldrs Draumar, dont j'avais eu l'occasion de chroniquer le deuxième opus il y a deux ans sur le webzine des Acteurs de l'Ombre, se met en selle pour transformer la seconde scène de l'Abreuvoir en champ de bataille. Le nom de la formation frisienne de Viking Metal vient des rêves prophétiques de Baldur, Ase de la lumière, la beauté, la jeunesse et l'amour dans la mythologie nordique. À l'image de l'album "Aldgillissoan", joué dans sa quasi totalité, les musiciens proposent un son ultra catchy, propice aux headbanging les plus fougueux. Rarement l'intensité faiblira durant ces quarante-cinq minutes où les Néerlandais feront référence à l'histoire de leur région à travers leur Folk Metal brutal, son massif guitariste nous abreuvant de riffs et solos épiques. La horde a su déverser sa furie comme il se devait, avec une puissance et une énergie contagieuses, incarnés dans l'hymne, 'Koppen Yn 'e Mist'.

Setlist:

Iselhiem
Koppen Yn ‘e Mist
Yn’e Meahal
Eala Freya Fresena
By Ty En Thuner
Wolvetiid
In Skym Yn It Tsjuster
Hel As Himel
Under it Skyld
Keningsting



   Les Suédois de Fejd sont des habitués du Cernunnos, déjà présents à la septième édition du festival. En ce qui me concerne, je ne les ai jamais vus se produire, avec une relative méconnaissance de leur discographie. Ce n'est pas grave, je découvre avec un grand enthousiasme leurs compositions enchanteresses, très orientées sur les instruments traditionnels tels le bouzouki, présents durant tout le concert. Les mélodies en acoustique sont entrainantes, avec ce parler suédois qui rajoute de l'authenticité et même, dirais-je de la musicalité à la chose, et cette guitare électrique qui s'intègre bien au reste des instruments, son ajout au sein de la musique du groupe étant, comme je l'ai appris, extrêmement récent. Un bel instant de répit, non dénué de rebondissements épiques cependant, qui contraste avec la prestation précédente.


Setlist:

Offerrök
Gryning
Den Skimrande
Hednaland
Storm
Trolldom
Härjaren
Drängen & Kråkan
Yggdrasil



   L'ambiance festive est au de nouveau au rendez-vous à l'Abreuvoir avec le show de Grimner. En dépit de sa flûte endiablée et bien présente, le groupe parvient à ne pas me crisper tout de suite. Je note même une influence finntrollienne sur certains morceaux comme 'Morkrets Hem', ce qui n'est pas pour me déplaire, mais ce genre de musique a le don de me lasser et de m'agacer très vite. Je me surprends tout de même à rester jusqu'au bout au milieu de ce public en feu.

Setlist:

Res er mina soner
Hinn heidinn sidr
Fard
Nordmannens Raseri
Midgard Brinner
Forna Dagar
Morkrets Hem
Eldhjarta



   La célèbre formation féringienne de Power Folk Metal qu'est Tyr était très attendue des festivaliers, et c'est sans surprise que le groupe donne le coup de grâce à la fosse de la Halle, survoltée pour ce dernier concert de la journée. Interprétant nombre de ses puissants et langoureux morceaux, la formation ne décevra pas son public ce soir avec ses refrains fédérateurs et son Metal mélodique. La voix claire et puissante de son frontman est une véritable bouffée d'air frais, et les passages heavy/speed sont un véritable argument à pogos. Le groupe n'a pas spécialement d'album à défendre ce soir, c'est pourquoi il pioche allègrement dans sa discrographie, sans oublier son dernier-né "Valkyria" paru il y a quatre ans déjà.  Avec une heure de show, Tyr et son Power Metal folkisant aux touches prog nous auront donc gavé en envolées lyriques et en leads de guitare entêtants, une belle conclusion à cette journée sous le signe des dieux nordiques et celtiques.

Setlist:

Gandkvæði Tróndar
Sinklars Vísa
Blood Of Heroes
Grindavísan
Hold The Heathen Hammer High
By The Sword In My Hand
Turið Torkilsdóttir
Wings Of Time
Lady Of The Slain
Tróndur í Gøtu
Mare Of My Night
Hall Of Freedom    

   Peu de défauts nous viennent à l'esprit concernant cette édition 2017 du Cernunnos Pagan Fest, on a même noté de grosses améliorations concernant le site, davantage bucolique par rapport à Pigalle et qui cadre mieux avec le concept de l'évènement, ainsi qu'une organisation bien menée qui nous aura permis de profiter de ce samedi sous les meilleurs auspices.


Report: T.
Photos: Deathslid


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