Saigon Blue Rain - "Noire Psyché" (Album, 2016)
Tracklist :
01
– Fading Fantasies 4:30
02
– In Other Climes 5:12
03
– Noire Psyché 3:38
04
– Whispering Eyes 3:24
05
– Mori Chimaeris (L'Offrande Pt.2) 3:30
06
– Dancing Trees No Longer Cry 2:23
07
– The Unknown 3:12
08
– Bliss 3:30
09
– Midnight Blue 3:00
10
– Pearly Haze 4:30
Extrait
en écoute :
_______________________________
J'étais
tranquillement chez moi à faire un brin de ménage avec, en fond
sonore, ma playlist aléatoire. Rien de bien passionnant en somme.
Quand tout à coup résonnent les premières notes d'un titre que je
ne connais pas. « Tiens,
c'est marrant, on dirait du Saigon
Blue Rain »...
Et là, ça fait tilt dans mon cerveau. Il s'agit de « The
Unknown », un
titre de leur nouvel album "Noire
Psyché". Il y
a des mois que je leur ai promis une chronique, et comme un boulet
que je suis, ça m'était sorti de la tête. Ni une ni deux,
j'abandonne mon activité de rangement et je me plonge dans le nouvel
opus du groupe de coldwave éthérée parisien.
Retournons
donc, dix chroniques dans le passé : « Il
était une fois Saigon
Blue Rain, ex
Stupid Bitch Reject, un groupe aux sonorités coldwave façon The
Cure, Joy
Division ou And
Also The Trees,
mélangées à un bon tiers d'ethereal wave façon Cocteau
Twins ou All
About Eve, mais
qui possède son individualité propre. ».
"Noire Psyché" est donc le deuxième opus du groupe. Un
album autoproduit cette fois. On retrouve encore Franck à la guitare
et Ophelia au chant, sa voix toujours aussi envoûtante. Le groupe
n'a pas l'air d'avoir dévié d'un iota de son son originel puisque
j'ai été capable de reconnaître le groupe au bout de deux notes.
Est-ce une bonne chose ? Je me pose vraiment la question avec un
brin d'incertitude.
Encore
une fois la pochette est de toute beauté. Il s'agit d'un mélange de
deux photographies d'Ophelia, son visage, yeux clos, et son corps
voûté, penché dans une sorte de transe. Dans un tout autre style
que celle de "What I Don't See", l'album précédent, mais
toujours d'une très belle facture. Cette fois je ne sais pas qui
s'est occupé de l'artwork, mais c'est inspiré. Toutes les
photographies présentes dans le livret sont dans ce même esprit de
superpositions de plusieurs clichés, toujours dans des tons
violacés. Je trouve ça tout simplement beau, poétique et
résolument éthéré. L’éther, c'est l'un des maîtres mots du
duo.
Contrairement
à la dernière fois, je vais faire une présentation titre par titre
pour que vous compreniez bien l'évolution de mon ressenti sur cet
album. Dès les premières notes de « Fading Fantasies »,
c'est la neige qui tombe à gros flocon. On retrouve Saigon Blue
Rain dans ce qui sait faire de mieux. Mais de prime abord ça me
gêne, car le titre fait un peu redite. Là j'ai peur, je tremble à
l'idée que ce nouveau disque ne soit qu'un clone du précédent
opus. Heureusement la fin du morceau, un peu plus rythmée et moins
versée dans un doux pathos, me fait prendre conscience que le
problème vient peut-être de moi.
J'écoute
le deuxième titre « In
Other Climes »
et même constat, je n'arrive pas à dissocier le son de ce nouvel
album, de l'ancien. Plutôt que de jeter autant de talent au bûcher
de mes appréciations hâtives, je préfère arrêter là mon écoute.
Je réfléchis un moment, je réécoute « What I Don't See ».
Je prends encore une pause, je tourne en rond. Je prends une nuit de
sommeil. Je reprends depuis le début.
Et
là, boom, c'est l'explosion, je me laisse étrangement emporter sur
les rivages transcendants de "Noire Psyché". J'ai
compris mon problème. Comme pour DEAD, je n'étais juste pas
en phase avec les sentiments que Saigon Blue Rain voulait me
transmettre à ce moment-là. Cette fois, et ce n'est pas coutume
quoi qu'on en dise, ma chère Brest s'est couverte d'un manteau
nuageux d'un gris argenté profond. La ville, par ses bâtiments
couleurs ciment, semble se prolonger dans le ciel. Je regarde par la
fenêtre. Je crois être parfaitement mûr. Je ferme les yeux, comme
sur la pochette. "Noire Psyché" me fait danser.
En
me réécoutant l'album une deuxième, troisième, énième fois, il
paraît évident qu'en réalité les deux premiers titres font la
liaison entre "What I Don't See" et "Noire Psyché".
« Fading Fantasies »
et « In Other Climes »
sonnent comme deux petits nuages qui nous entraînent progressivement
vers le plus doux des rêves, la transition se fait petit à petit.
C'est cela que j'ai toujours apprécié chez Saigon
Blue Rain, cette
propension à nous envelopper avec les nappes musicales. "What I
Don't See" n’était pas uniquement le reflet d'âmes en
souffrance, c'était une musique d'espoir. Et bien ce second opus se
fait également le porte-parole d'une coldwave doucereuse,
mélancolique mais loin de tirer les larmes. En témoignent les deux
titres suivants, le plus post-punk « Noire Psyché »
et le plus pop « Whispering Eyes ».
La guitare virevolte, le rythme est entraînant.
Si
tout le début de l'album ne présente pour le moment aucun véritable
étonnement, on se laisse tout de même emporter par les vagues, les
flots enchanteurs avec « Mori Chimaeris (L'Offrande Pt.2) »,
qui fait suite à « L'Offrande », morceau final du
précédent album. Toujours les réverbérations, le rythme lent. Pas
de piano cette fois, ce qui donne un aspect plus chaleureux à cette
suite. On est bercé et on s'endort. On rêve des chonères. Oui, ce
mot n'existe pas, mon correcteur d'orthographe fait des siennes, mais
je le laisse car ce mot fait tellement chimérique justement...
Pas
d'étonnement ? Je suis obligé de retirer ce que j'ai dit. Avec
« Dancing Trees No Longer Cry », on est dans une
autre dimension, non explorée. Je me surprends à comparer ce titre
instrumental avec la space music que j'écoutais plus jeune. Du Jean
Miche Jarre façon ethereal wave, plus proche d'un "Albedo
0.93" de Vangelis que d'un "Treasure" de
Cocteau Twins. Dans tous les
cas, ça y est je m'y retrouve enfin avec « The
Unknown » dont les
accents électroniques me correspondent peut-être plus.
On
retourne aux notes Cocteau Twinesques avec « Bliss »,
qui me fait indéniablement penser à un autre titre, d'un autre
groupe, dont mon fichu cerveau est bien incapable de retrouver les
noms. Dans la catégorie étonnement, les sonorités asiatiques de
« Midnight Blue » sont rafraîchissantes. On
termine en mélancolie avec « Pearly Haze » à
l'intro aux accents Xymoxiens, où l'on retrouve tout ce qui fait le
charme du groupe.
Voilà
pour ce qui est de ce nouvel opus. Saigon Blue Rain continue
progressivement son ascension dans le ciel de la coldwave francophone
et de la scène post-punk européenne, partageant tout de même la
scène avec le groupe de goth rock suisse The Beauty Of Gemina
sur plusieurs dates, ce qui est loin d'être négligeable. Le duo
nous sert encore une fois un album soigné, sur lequel j'ai retrouvé,
avec un grand plaisir, la voix cristalline d'Ophelia et le jeu
maîtrisé de Franck, la réverbération féerique et les sonorités
du premier album dont ce "Noire Psyché" est un
prolongement logique.
Faire
la chronique de "Noire Psyché" est une opération délicate
car il ne faut ni tomber dans la redite ni perdre de vue qu'il s'agit
bien encore d'un album personnel, à fleur de peau, dont le titre
reflète parfaitement l'état d'esprit dans lequel il a été
composé. Avec mélancolie, avec passion, avec douceur, mais toujours
avec une certaine noirceur. Pas une de celles qui vous glace le sang,
non, une de celles qui vous pousse à avancer inexorablement, en
quête d'un peu de chaleur.
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Aladiah
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