Chronique | ANTAEUS - "Condemnation" (Album, 2016)


Antaeus - Condemnation (2016)

Tracklist:

01. Something Wicked This Way Comes (Intro)
02. Shadow Fires
03. Flesh Ritual
04. Angels of Despair
05. Watchers
06. Condemnation
07. Symmetry of Strangers
08. End of Days
09. Abeyance 
 
Extrait en écoute:

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Dix ans, voilà le temps qu’il aura fallu attendre, dix putains d’années pour voir apparaître un nouvel album d’Antaeus qui porte le doux nom de "Condemnation". Pour ceux débarquant sur terre, Antaeus est une des légendes de la scène Black Metal française.

Fleuron d’un genre qui a oublié ce que les termes haineux, chaotique, dévoué, intègre, possédé et violent veulent dire, le groupe revient pour remettre les pendules à l’heure avec ce quatrième opus. Après avoir sorti la merveille "Blood Libels", aller au-delà de cette réussite semblait compliqué. Attendu comme le messie, cet album est une nouvelle pierre angulaire du genre.
Toujours articulé autour de MKM et Set, le groupe s'est, pour l’occasion, adjoint les services de Melkor  (Nightbringer, Lvcifyre…) à la batterie, mais l’âme du groupe reste bien le duo maudit, Set & MKM. Antaeus traverse les âges et se bonifie, "Condemnation" sonnera donc votre glas.

Bon, on va couper court au suspens de suite, ce nouvel album est une réussite.
J’ai beaucoup entendu que le groupe n’apportait aucune surprise, oui Antaeus n’est pas un groupe d’Avant-garde Black Metal, désolé pour les frustrés. En même temps, ça n’est pas ce qu’on lui demande, avouons-le, on veut du sale, du violent, du chaotique et de la haine. Ces neufs titres qui représentent "Condemnation" s’enchevêtrent parfaitement bien les uns aux autres, offrant une continuité de titre en titre, n’entrainant aucune lassitude, mais permettant plutôt de s’immerger entièrement dans cet univers hermétique.

Après une courte intro aux sonorités martiales apportant une atmosphère glaciale, le titre ‘Shadow Fires‘ démarre et donne le ton d’emblée. Attaquant directement dans le vif du sujet, ses riffs incisifs ne laissent place à aucune poésie, le tout se voulant être accompagné par le matraquage des fûts de manière lourde et virulente, offrant à cette première piste une impression de lourdeur et de noirceur qui sera le fil conducteur de cet album. Des riffs hypnotiques sublimés par le chant de toujours aussi intense et malsain de la part de MKM, la recette est toujours autant efficace.

Arrive le tour de ‘Flesh Ritual’ qui reste l’un des titres fort de "Condemnation" de par son aura obscure  engendrée par le chant dévoué sur cette piste. Un chant qui saura mettre en avant un climat malfaisant, même putride par moment grâce au ralentissement de tempo agrémenté d’effets d’ambiances ensorcelant qui vous plongeront dans des retranchements de votre âme que vous ne soupçonniez pas. Je disais plus haut que le groupe n’apportait aucune surprise, mais c’est faux, ce titre dépasse les huit minutes, une première pour le groupe, lui permettant ainsi de jouer sur différentes émotions. Notons que le titre se conclue comme sonne l’intro, par des sonorités martiales, comme nous le retrouvions sur "Blood Libels" d’ailleurs. Ce qui crée l’osmose de ce titre, c’est l’équilibre entre ces riffs subjugués par ces blasts hargneux. C’est avec ce titre que l’on prend conscience qu’Antaeus n’est pas qu’un simple rouleau compresseur dénué de feeling. Non, sa musique se veut bien plus profonde que le profane ne semble vouloir le croire.

Au tour de ‘Angels of Despair’ titre somme toute plus classiques, se calant dans la lignée de ce que le groupe nous aura offert dans le passé, une musique brute de décoffrage, directe et d’une rare violence, rappelant les titres présents sur "De Principii Evangelikum", pour vous faire une idée de ce qui vous attend. Ce n’est rien d’autre qu’un gros rouleau compresseur qui vous broiera au travers de ces blasts et riffs incisifs et perfides, qui vous resteront en tête pour mieux vous torturer.

Voici le second titre de cet album qui m’a marqué: ‘Watchers’, guidé par une section rythmique captivante, dont le ton est donné par ces riffs lancinants et hypnotiques. Ce qui fait la réelle magie de ce titre c’est le chant de MKM (qui à lui seul il saura vous captiver afin de vous entrainer dans les ténèbres) donnant toute l’étendue de son importance, fusionnant parfaitement avec les riffs envoûtants de Set. Le titre se conclue comme il a débuté, par un passage pesant crée par ces riffs lancinants et un des sonorités bruitistes instaurant un climat de malaise. En fait, ce titre, rien ne sert d’en parler, il suffit juste de l’écouter.

La brutalité est vraiment de mise sur cet album, il suffit d’écouter ‘Condemnation’ ou encore ‘Symmetry of Strangers’ pour s’en rendre compte. Ces pistes ne sont rien d’autres que des parpaings s’écrasant dans vos gueules, vous broyant par leur lourdeur et furie. Les quelques ralentissements n’ont leur place ici que pour mettre en valeur la haine dégagée sur ces titres. Je tiens à souligner le travail du batteur qui sur cet album aura su mettre en valeur ce sentiment de rage, une sensation qui aura accompagnée le groupe depuis ses débuts et qui ne l’a jamais abandonné. Quel regret que le groupe ait stoppé les prestations scéniques, car c’est lors de ces communions que tout le chaos émanant d’Antaeus prenait sa valeur, notamment dans la fosse.

Le travail effectué sur le riffing reste plus qu’intéressant, car il s’imprègne en vous tel un virus venu vous contaminer comme sur ‘End of Days’ avec ces riffs envoûtant, vous attirant dans une autre sphère à l’univers nauséabond où le sentiment de renoncement se fait ressentir. Ce que beaucoup ne comprendront pas c’est que la brutalité peut aussi apporter sa part de sensibilité pour peu que l’on soit captivé par les ténèbres. Les trente dernières secondes de ce titre sauront mettre à mal votre joie de vivre.

Comment conclure un album virulent et belliqueux autrement que par un titre tel qu’'Abeyance' à la musique oppressante, finissant le travail de fond effectué sur tout l’album et vous ruinant vos derniers espoirs d’apercevoir la lumière salvatrice. Non ce dernier titre est là pour enfoncer le dernier clou de du cercueil dans lequel vous avez enfoui vos espérances. Appuyant sur l’atmosphère grâce au jeu de Set qui aura su donner à cette piste une dimension supérieure, il aura su montrer une autre facette de son talent. Un titre fort qui conclut un album à la brutalité rare, un des éléments prédominants chez le groupe. Terminer un album par le contre-pied de ce qui a fait sa force jusque-là, remettant ainsi en cause le fondement de nos attentes futures, est d'une force incroyable.

Les trois points forts de cet album, vous l’aurez compris sont le travail de composition de Set, le chant de MKM et le jeu de Melkor. Le travail de Set sur "Condemnation" rend chaque chanson envoûtante et agressive tout en restant dans la continuité de ce qu’il aura sur nous offrir depuis les débuts du monstre qu’il a créé. Ces riffs répétitifs qu’il assène vous restent en tête dès la première écoute, assaillant votre esprit et ne vous libérant de leur étreinte qu’à la fin de l’album. Et encore, ils seront toujours présents dans un coin de votre esprit, comme s'ils vous avaient marqués au fer rouge. Second point fort, le chant de MKM, il est vrai que son travail n’est plus à présenter, mais ça ne veut pas dire qu’il n’est pas à souligner, ses lignes de chant sont toujours aussi vicieuses, perfides, crachant son fiel démoniaque sans retenue, avec des placements justes et efficaces. Aucun passage inutile, un chant qui s’imprègne en vous comme un venin dans vos veines. Ses vocaux me rappellent beaucoup le travail effectué sur "De Principii Evangelikum". Enfin le dernier point, le jeu de Melkor qui aura su mettre en valeur les compositions du groupe, offrant un relief supplémentaire à la dimension Antaeus. Il fait partie intégrante de la réussite de cet album, car sans lui le travail effectué par le duo aurait perdu de son emprise, il frappe juste, efficacement et alterne les tempos de manière a crée une atmosphère qui sied à la perfection au groupe.

"Condemnation" est la continuité de "Blood Libels", Antaeus aura su se concentrer sur les fondamentaux, s’appuyant sur ce qui fait sa force, c’est-à-dire ses convictions et grâce à cette droiture il aura su délivrer une nouvelle ode malfaisante, brutale et dévouée à des forces dépassant l’entendement.
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KhxS

 

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