Quand on m'a demandé de
faire mon top 10 de mes albums préférés de 2016, ma première
réaction fut de me questionner sur comment j'allais bien pouvoir en
écrire un vu que j'avais passé l'année à écouter de vieux
albums. 2016 me paraissait vide et peu intéressante niveau sorties
post-punk. Je me trompais lourdement. Plus je listais et plus je me
rendais compte de mon erreur. Au final je me suis retrouvé dans la
situation inverse, à devoir éliminer des albums, sans savoir
lesquels mettre véritablement en avant. Un vrai casse-tête. C'est
pourquoi j'ai décidé d'écrire ce commentaire en tenant compte de
toutes les pépites qui ne se retrouvent pas dans mon top.
Je suis assez bon
public en général, et niveau post-punk cette année, un seul
album m'a véritablement laissé de glace, d'où son éviction
logique de ma liste : Skeleton Tree de Nick Cave And
The Bad Seeds que j'ai trouvé plat et sans saveur. Je sais que
l'artiste était dans une mauvaise passe après le décès de son
fils et que cet album est une sorte d’exutoire à sa douleur mais
je ne m'y suis pas retrouvé.
Ceci étant dit, passons
aux albums écartés par leur genre non post-punk, s’éloignant
ainsi de mon domaine de prédilection, mais qui sont tout de même
intéressants à découvrir. Si vous versez un peu dans le délire
steampunk ou que cette culture vous intéresse, je vous conseille
Quintessential, des mimes robotiques de Steam Powered
Giraffe, dans lequel ils
prennent des risques par rapport à leur musique originelle en y
intégrant des sonorités issues d'autres univers musicaux comme la
rétro synthwave. En parlant synthwave, je vous conseille également
Neon
de Savlonic qui fait
un virage en passant de leur synthpop humoristique à une musique
synthwave particulièrement travaillée et bien évidemment The
Uncanny Valley de
Perturbator, qui
reste une référence dans le genre.
Passons
maintenant aux albums qui auraient pu faire partie de ce top mais qui
n'y sont pas intégrés car je ne les ai simplement jamais écoutés.
Du moins pas encore. Il y en a un certain nombre. Je ne développerais
pas vraiment pour le coup, mais je vous donne les titres si jamais
vous avez envie d'y jeter une oreille par vous-même : Choke
- Soft Kill ;
Unterwelt
- The Doctors ; Human
Taxonomy - Winter
Severity Index ;
Everywhere I Go Is
Silence - Box
and the Twins ; No
Hard Feelings et This
Fog That Never Ends –
HANTE ; Mystère
- La Femme ;
Echoes Of Summer
- Salvation AMP ;
Nocturnal Koreans
– Wire ; MÜ
– Joy/Disaster ;
Winter
- New Model Army ;
Holygram (EP)
– Holygram ;
Not The Actual Events
- Nine Inch Nails...
Il y en a sûrement d'autres bien entendu, mais je ne peux avoir la
tête partout.
Nous
arrivons maintenant aux albums qui ont raté de peu le top. C'est un
vrai déchirement, mais c'est la contrainte de l'exercice qui
l'exige. On commence donc par Blackstar
de David Bowie que
j'ai écarté, non pas à cause de ses qualités musicales, mais
parce que je savais qu'un autre membre de Scholomance l'intégrerait
à son top (Allez jeter un œil au classement de Marion). Petite
pensée pour l'artiste qui nous a quittés au début de l'année.
Ensuite viennent And Also The Trees
avec Born Into the Waves,
toujours dans la continuité de la discographie du groupe, sans
réelle surprise donc, et les rennais de DEAD
qui continuent leur avancée cold/noise avec Voices.
Sans rancune les gars. Écoutez absolument les paysages froids et
électroniques des islandaises de Kælan Mikla,
dans leur premier album éponyme, et suivez le retour des papes du
goth rock The Mission
avec Another Fall From
Grace. Goth not dead.
Bien.
Maintenant que cela est fait, passons au top 10 en lui-même. Nous
commençons donc par les sonorités arides et tribales d'un groupe
français dont je suis les pérégrinations depuis un certain temps.
Un groupe qui, dans leur nouvel album, Lightnings,
à l'artwork dépouillé et ésotérique, transmet toute l'énergie
d'un post-punk sec empreint de magie, de fantômes et d'ombres
accueillies par les rythmes chamaniques. Bienvenue dans le monde de
Nova Et Vetera qui se
retrouve à la dixième place.
À
la neuvième place Frustration,
on ne les présente plus, et son Empire
Of Shame. Le groupe
français explore encore un peu plus son univers en gardant sa
coldwave énergique et son grain habituel tout en poussant un peu
l'exploration sur les bords du post-punk voire au-delà, vers les
horizons de la dark folk et autres sonorités du même acabit.
L'album plaira sûrement aux novices comme aux habitués.
Ash Code
se hisse à la huitième place avec Posthuman.
J'ai vraiment apprécié cet album mais il se retrouve aussi bas dans
le classement tout simplement car il s'agit, pour moi, d'une simple
redite de Oblivion,
leur album précédent. La rage y est tout de même présente, les
expérimentations sonores aussi. Le son coldwave électronique
matinée de guitares, typique de la formation, saura tout de même
vous transporter vers les confins de la civilisation, dans un monde
aseptisé, et saura vous questionner sur votre propre humanité.
Ce
problème de redite se retrouve également dans Noire
Psyché de Saigon
Blue Rain. Un album de coldwave
féerique, digne successeur de What
I Don't See. Un album
qui m'a en effet enchanté mais aussi déstabilisé, coincé entre
les sonorités de l'opus précédent et l'expansion vers autre chose,
un ailleurs. Noire Psyché
est sombre mais pas si obscure. Noire
Psyché est éthérique
mais pas si détaché. En fait l'album est juste à fleur de peau. Du
grand art.
Nous
arrivons maintenant dans le top 6. Considérez que les cinq prochains
albums sont à égalité tellement leur niveau est bon et ce qu'ils
proposent tellement différent qu'il m'est impossible de les
départager véritablement. Viens d'abord le duo d'Essaie
Pas avec Demain
Est Une Autre Nuit, un
album transcendant, mêlant habilement coldwave hantée et désabusée
et techno hypnotique. Un pur bijou de ténèbres habillées de
rythmes robotiques, d’ambiance glacées et de désillusions
amoureuses.
Viens
ensuite Monographic
et son album éponyme. Du post-punk certes classique, mais avec une
interprétation de toute beauté. On sent vraiment que la formation
est habitée par des spectres. On est en présence d'un post-punk
aride et dure, d'une coldwave blasée mais forte. Ce premier album
éponyme est très prometteur pour la future carrière du groupe. Une
carrière que je leur souhaite longue.
Dans
le même genre, mais un peu plus travaillé, moins brut, on retrouve
la formation italienne de HAPAX,
avec Cave. Un groupe qui m'a mis une véritable claque en concert,
par sa musique et cette voix grave et marquante. L'album démarre
très fort avec des rythmes post-punk très appuyés. Puis la rage
fait place progressivement au désespoir puis aux regrets dans une
chute inexorable, la musique se faisant moins dure, plus aérienne,
plus dépressive. Nous ne sommes qu'un grain de sable dans un désert.
C'est ce que je retiendrai de cet album.
Voici
venir l'OMNI, « objet musical non identifié » de mon
top. J'ai nommé l'album éponyme de Sphyxion.
J'ai déjà écrit un article sur cette pépite, mais j'adore
toujours en parler. Si le côté obscur de la force vous parle,
alors cet album en serait l'expression la plus douce et la plus
suave. Un album claustrophobique, spatial, spectral, hypnotique.
Les nappes d’ambiant se mêlent à des éléments coldwave et de
drone, donnant au tout, au-delà de l'aspect technoïde, une
sensation de douce chaleur. Sphyxion,
ce sont les ténèbres englobantes, c'est l'histoire de la création
du monde, loin de l'image de grand fracas et du tumulte
assourdissant. C'est l'Univers qui accouche de lui-même.
Mes
amis de Trouble Fait'
se font détrôner à un mois de la sortie de ce top et se retrouvent à
la deuxième position avec leur nouvel album The
Black Isles.
Contrairement à Comet
Camden qui était dans
un registre plutôt coldwave/rock anglais, me déstabilisant à
chaque chanson en apportant toujours un petit je-ne-sais-quoi à
leurs compositions, le groupe ici se fait plus incisif, plus brutal
quelque part, plus tranché. Quelle claque. Le petit
je-ne-sais-quoi est en tout cas toujours là mais l'accent est mis
sur le côté goth rock, en tout cas son influence se fait sentir.
« Beads Of
Emerald »,
« Christiana »,
« Sweet Perfumes »,
autant de titres qui resteront gravés dans les annales du post-punk
underground français. Oui Trouble Fait'
fait partit des références actuelles de cette scène
malheureusement trop peu valorisée, aux côtés d'Electric
Press Kit, Follow Me
Not, AinSophAur,
Nova Et Vetera et
tant d'autres... Des groupes qui vous feront passer de terribles
« Post Punk Night
In Paris » (et
ailleurs).
Le
numéro un de cette année est vraiment sorti de nulle part. Personne
ne l'attendait. Personne n'aurait jamais osé imaginer qu'un tel
projet puisse exister. Et pourtant... Après plusieurs années
d’errance, Richard Melville Hall s'est extirpé de sa torpeur.
Celui que l'on connaît sous le nom de Moby, s'est réveillé. Moby
en numéro un de mon top ? Oui, il a un passé punk et c'est
avec son nouveau groupe, Moby & The Void Pacific Choir,
que le trublion nous sort une sorte de suite de Animal
Rights, nommée These
Systems Are Failing. Une
ode post-punk/synthpunk contre la bêtise de notre société de
consommation, de nos systèmes de gestion, de pensée. Politique à
coup sûr, le disque aborde évidemment un sujet cher à l'artiste, à
savoir la protection animale à travers le véganisme. Un album brut
et puissant, sans concessions, qui vous martèle « Ne soyez pas
passifs. Agissez ».
Finalement
cette année est pour moi l'année de tous les changements, de toutes
les découvertes. Elle le fut sur le plan personnel, il est normal
qu'elle le fût sur le plan musical. Une scène française
particulièrement mise en avant car je pressens que tout est en
transformation et que tout se joue pour le renouveau du post-punk
hexagonal en ce moment. C'est la tête dans les étoiles et le corps
dansant sans répit sur la piste que je laisse cette année derrière
moi, espérant que l'année prochaine me retourne encore, d'une autre
manière.
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