Chronique | XCIII - "Enlighten" (Album, 2016)


XCIII - "Enlighten" (Album, 2016)

Tracklist :

1. Zeit(los)
2. The Frost
3. (e)scapegrace
4. Pseudobezoar
5. Tomorrow Knows?
6. Banquet
7. Zeit(geist)

Extrait en écoute :





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La scène avant-gardiste française nous réservera décidément toujours d'étonnantes surprises. Le label francilien Anesthetize, spécialisé dans le metal mais aussi dans les musiques électroniques, s'occupe depuis quelques années d'une troupe très prometteuse dans ce domaine. XCIII nous présentent cette année leur deuxième full-length, Enlighten, qui vient certes illuminer la discographie du groupe par son inventivité sans bornes, mais qui amorce aussi un tournant vers des contrées plus sombres et intrigantes. Petit joyau de metal avant-gardiste torturé aux influences darkwave, ce disque saura habiller d'une fascinante aura nébuleuse vos premières soirées hivernales.
Les débuts progressifs et délicatement mélodiques des niçois appartiennent bel et bien au passé. Le pari est désormais d'envoûter l'auditeur avec un son qui ne parait jamais tout à fait familier, qui cherche constamment à nous perdre dans son épais brouillard. Cet environnement sonore brumeux et presque lointain vient notamment du travail singulier des studios d'enregistrement Earth in Sound, qui ont par exemple accueilli Agalloch ; la proximité acoustique avec la musique de ces derniers n'aura pas échappé aux amateurs. Associées à ce travail de fond primordial, les nombreuses dissonances et répétitions hypnotiques de cet album achèvent de bâtir une nouvelle dimension hors du temps et hors de l'espace pour XCIII, une dimension moins euphonique, mais à sa manière tout aussi captivante que celle du précédent EP du groupe, Event Horizon.

Ce dernier misait sur une assez large variété dans les compositions ; Enlighten, dans sa frappante étrangeté, se fait plus unitaire, et s'enferme dans sa propre bulle. Tout y est finement équilibré, des aspérités sonores qui savent rester plaisantes aux ostinati crispants mais dont le charme tortueux ne manque pas de nous ensorceler après quelques écoutes. Les motifs circulaires constituent des fonds sonores sans ligne directrice, et nous plongent dans un délicieux tournis entretenu par les échos des voix, ces voix aux textures si diverses, du murmure rugueux aux harmonies déroutantes, en passant par les répétitions d'onomatopées ou même les pures déclamations poétiques.

XCIII refuse le chemin de la facilité. L'objectif est bien de brouiller les repères de l'auditeur : la basse est par exemple extrêmement mobile, et prive les compositions de toute stabilité rassurante. Les segments vocaux, instrumentaux ou même bruitistes s'enchaînent, se superposent, se croisent et tourbillonnent jusqu'à ce qu'on ne puisse plus les distinguer les uns des autres. Ces thèmes séducteurs bien que troublants ressurgissent parfois d'un morceau à l'autre, créant ainsi l'une de ces sensations de déjà-vu hallucinatoire. C'est ce qui se produit dans "Tomorrow Knows?", qui renvoie ainsi au premier morceau de l'album, mais aussi au "Tomorrow Never Knows" des Beatles, auquel il apporte une réponse subtile, plus aérienne. La force de Enlighten est évidente dans ce type de titre : XCIII possède un véritable don pour nous emporter dans des ambiances bien distinctes, tout en soignant un son qui conserve des caractéristiques parfaitement cohérentes tout au long de l'album.

Ne vous y trompez pas : Enlighten ne vous acceptera pas nécessairement dans son univers dès la première écoute. C'est un disque oppressant, qui résonne comme une menace sourde et glaciale. Plus que d'une progression avec un début et une fin, il s'agit d'un long tableau sonore pointilliste dans lequel votre esprit se noiera, sans doute plus vite que vous ne le pensez.


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