Chronique | SPIRE - "Entropy" (Album, 2016)


Spire - "Entropy" (Album, 2016)

Tracklist:

01. Ends
02. Labyrinthine
03. (Remake)
04. Void
05. (Unmake)
06. Entropy

Extrait en écoute:




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Premier album du groupe australien Spire, "Entropy" est une bien belle découverte de Black Atmosphérique cette année. Très lent et sombre, l'album s'aborde comme une véritable plongée émotionnelle dans le quotidien d'un homme malade, qui n'arrive plus à trouver sa place. Actif depuis 2007, le groupe a produit deux ep déjà très conceptuels et aboutis, l'un portant sur le thème de l'espace et des étoiles ("Spire", sorti en 2010), l'autre sur les insectes et la métamorphose ("Metamorph", sorti en 2011). Sur ces ep, la formation proposait déjà ce qui sera sa marque de fabrique : un black metal progressif, axé sur le développement d'une atmosphère nihiliste, noire et pesante.



2016 est une année prolifique pour le groupe qui nous propose non seulement son premier album, mais aussi une participation au split tribute à la regrettée maison de disque de dark ambient Cold Meat Industry, aux côtés de Vassafor, Sinistrous Diabolus, Antediluvian, Grave Upheaval et Temple Nightside, presque tous issus de la scène australienne et néo zélandaise, très prolifique niveau death/black atmosphérique.

"Entropy" revient aux fondamentaux d'un Black Metal émotionnel, au développement lent et épuré. Débutant sur une ballade avec 'Ends' (titre paradoxal et antipathique pour une entrée en matière), au riff puissant et hypnotique, où la basse est assez forte et mélodieuse (ce qui donne une profondeur non négligeable à la composition), Spire nous invite dès les premiers instants à entrer dans une atmosphère malade et chaotique. Le travail sur les voix est quand à lui très spécifique: les chants ne sont pas mis en avant de manière agressive, mais bel et bien fondus dans la musique, faisant corps avec les autres instruments. Les voix forment comme un ensemble de lamentations sourdes allant et venant, avec une impression générale de plongée dans un abysse compact et sombre. La production vient éclaircir le tout, pour aider au discernement, car elle est plus maîtrisée et nette que sur les précédents ep. L'album est riche en contrastes, tour à tour lourd et plus fluide, saturé et clair. Ainsi, quand les morceaux '(Remake)' et 'Void' nous apportent une énergie vindicative et agressive avec des riffs mid tempo développés, rehaussés par des chants plus en avant que sur d'autres compositions, les deux derniers morceaux '(Unmake)' (totalement instrumental) et 'Entropy', viennent calmer le rythme, comme pour démontrer un renoncement, un repli sur soi même. L’ascension supposée du protagoniste débouche donc sur une souffrance qui ne prendra finalement pas fin. Pour cela, les guitares enchaînent les notes ascendantes et descendantes dans le dernier morceau, afin de former une ballade chaotique qui répond en miroir au premier morceau. Le chant quant à lui se termine sur de longs râles de souffrance humains, en chant quasi clair, que rien ne vient réussir à éteindre ou apaiser. On est alors presque dans un doom très linéaire et sans espoir. Le groupe ne se formalise pas des étiquettes et franchit avec aisance les différentes frontières de style.

Ce premier album forme donc sans conteste un aboutissement pour le groupe, qui a pris plusieurs années afin de le peaufiner et le travailler. En effet, Spire a su cerner son objectif et nous livre ici une atmosphère très développée qui prend largement le pas sur le côté plus metal. Avec une énergie dépressive émanant du chaos, le groupe semble se détacher de plus en plus d'un black metal purement agressif et prévisible, pour se concentrer sur une exploration sans voile des émotions profondes, qui nous fait littéralement décoller. Ainsi, le thème d' "Entropy", la retranscription en musique des émotions ressenties par un malade chaque jour (et sa transformation progressive), nous amène au cœur d'un sujet sérieux et plutôt bien choisi pour une telle musique. Par ailleurs,il est intéressant de noter que le groupe aborde la musique comme un art entrant dans une expression émotionnelle plus globale. Il y a donc une volonté de transcender les genres, à l'image de l'oeuvre d'art total, en créant avec l'album et son artwork une plongée sortant des sentiers battus du black metal atmosphérique classique. Après avoir abordé les thèmes de l'espace, du nihilisme, et de la matière en constante évolution, Spire aborde un autre propos, plus humain : le chaos de la souffrance.

Par sa volonté de créer une atmosphère très primitive et touchante, le groupe nous livre donc ici un très bon premier album, qui vient significativement enrichir une scène Black death atmosphérique australienne déjà très marquante et novatrice. L'homme positif a déserté l'univers d' "Entropy", pour n'être plus qu'un sombre gosier sanglant ouvert et blessé, d'où s'échappent des relents puants et des âmes perdues, à la recherche d'un monde qui n'existera vraisemblablement plus. Une carcasse abîmée et laissée à l'abandon, voilà d'où émane la musique de Spire, cela étant parfaitement mené, pour notre plus grand plaisir.

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EXC

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