Live Report | Peter Murphy @ Le 3 Club 12/10/2016



Je n'avais jamais mis les pieds place de Clichy. C'est un endroit ouvert à tous les vents et à toutes sortes de personnes. Je traverse cette place de part en part, je croise un corbeau, deux corbeaux, une poignée de corbeaux. Nul doute, je suis au bon endroit. 3 place de Clichy. C'est ici, au 3 Club, que Peter Murphy va nous livrer la bonne parole. Un petit attroupement se créer devant les portes du lieu. On attend patiemment. Je scrute la populace. Il y a de tout, du deathrocker le plus hardcore avec ses cheveux crêpés, au mec lambda en t-shirt Morrisey, en passant par toutes les déclinaisons possibles du spectre de la couleur noire.

Me voilà aux portes du club. Je m'avance religieusement comme m'apprêtant à franchir le seuil de l'Hadès. Il y a un gardien, Cerbère ou Saint Pierre, c'est selon, qui protège l'entrée. Une rapide fouille et je suis autorisé à franchir la porte. Et c'est un escalier en colimaçon qui m'attend, plongeant vers le cœur de la terre. Pas de paradis pour moi, je glisserai vers le Shéol. Un drap noir se lève et me donne accès à la salle baignée d'une lueur bleutée. Petite anicroche, au 3 Club c'est vestiaire obligatoire pour manteau et sac. À 3 euros chaque, pas la peine de préciser que la grogne commence à gagner du terrain.

Je ne me laisse pas démonter en faisant un tour d'horizon du public et je tombe sur Babeth et Jicé Letter du groupe Trouble Fait'. Tout en discutant amitiés, musique, organisation, concerts et industrie du disque, on en profite pour se mettre devant, au plus proche de la scène afin de ne perdre aucune miette de la performance du « Grandfather of Goth ».

Justement, voilà qu'il entre sur scène, accompagné de ces deux musiciens, sous un tonnerre d'applaudissements. La salle, au début peu remplie, est maintenant pleine à craquer. Les gens se tassent et se bousculent, certains se faufilent sans ménagement ni politesse au premier rang. De quoi bien énervé un public déjà passablement électrisé. Et je rebondis sur ce dernier terme pour vous préciser que Peter Murphy ne nous livre pas ce soir un concert tout électrique mais semi-accoustique. C'est déjà une chose de voir l'ex-chanteur de Bauhaus en live, mais de se prendre en plus une formule dans laquelle je n'ai pas l'habitude de l'entendre, ça en est une autre.

Quand on parle post-punk et goth de manière générale, on pense souvent au nombrilisme, à la pédanterie, à l'égocentrisme voire à l'attitude hautaine que certains et certaines peuvent dégager dans cette scène. Je m'attendais donc à voir un personnage fantasque, quelqu'un dans le délire le plus post-punk, le plus caricatural qu'il soit, surtout que l'artiste commence à avoir de la bouteille et qu'il n'est pas facile de sortir des clichés qui t'ont donné le succès. Que nenni. Peter Murphy est arrivé, T-shirt noir, pantalon simili-cuir noir et petit torque à paillette autour du bras, sans faire de chichi, dans une simplicité élégante qui a su toucher le public. En tout cas moi ça m'a touché.




La légende s'est assise simplement sur un tabouret, devant son micro, sourire aux lèvres avant de débuter le show. Le « Grandfather of Goth » a perdu quelques plumes mais ses ailes ont encore un panache certain . Sa voix n'a pas perdu de sa superbe. On aurait pu s'attendre à quelque chose de vieillissant, fatigué, sur les rotules, se servant allègrement du succès passé de Bauhaus en piochant dans les anciennes compositions du quatuor de Northampton. Mais non.






Nous sommes happés directement par la majesté mélancolique de son interprétation et nous écoutons religieusement ce maître de cérémonie. Dès les premiers mots, les première notes, une bulle se créer. Les chansons proviennent quasiment toutes du répertoire solo de l'artiste. Des compositions épurées pour l'occasion afin de coller à la formation acoustique. Évidemment le spectre de Bauhaus plane sur scène et dans la salle et il ne faut pas beaucoup pour qu'au détour d'une chanson s'invite « Bela Lugosi's Dead », enflammant le public comme on embrase une brindille sèche. Un petit « King Volcano » et « Silent Hedges » et on laisse les souvenirs s'échapper avec la marée, entraînée par cette voix qui n'a pris une seule ride.






Peter Murphy ne joue pas les stars, il n'en a pas besoin. Il préfère parler de ses partenaires de scène, insistant sur leur talent et leur importance. Le bonhomme est sagesse et humilité. Les deux acolytes sont très bons dans leurs taches et sortent un jeu loin d'être ni peu technique ni peu empreint de cette touche de pathos. On voit les gens impliqués et sérieux dans leur démarche et dans la volonté de sublimer les musiques, de transmettre l'émotion. Question son par contre c'est là où le bât blesse. Malgré une excellente performance, la qualité sonore n'est pas toujours au rendez-vous, et cela indépendamment de la volonté du trio. Le son généré dans le 3 Club sature énormément sur les basses notamment, et gâche un peu l'immersion et le recueillement.





Le temps a défilé à toute allure malgré un rappel de quatre compositions supplémentaires, dont le sublime « Hollow Hills ». J'aurais aimé entendre « Cuts You Up » et « Blue Heart », mais on ne peut tout avoir. J'ai l'impression de n'être plongé dans le concert que depuis une trentaine de minutes. Il faut rajouter une heure qui semble avoir été aspirée dans un vortex sans fond. Simplicité, efficacité, authenticité. C'est cela que je garderai en mémoire toute ma vie. C'était bien plus qu'une simple occasion de voir Peter Murphy, c'était une occasion de communier avec soi-même, de se laisser embarquer vers des horizons froids sans artifices.

Aladiah
Photos : Babeth Letter


Setlist du concert:

Cascade
Secret
All Night Long
Marlene
Bewlay Brothers
Indigo Eyes
Strange Love
King Volcano
Kingdoms Coming
Silent Hedges
Never Fall Out
Gaslit
Lion
All We Ever Wanted
Three Shadows
Hollow Hills
The Rose


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