Chronique | Gevurah - "Hallelujah!" (Album, 2016)

Gevurah - "Hallelujah!" (Album, 2016)

Tracklist:

01. The Fire Dwelling Within
02. Cosmic Putrefaction
03. Un feu indomptable
04. Lifting the Veils of Da'at
05. Temple Without Form
06. Dies Irae – Lacrimosa
07.הַלְּלוּיָהּ

Full album :

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Il y a des albums comme ça qu’on attend impatiemment. Tellement dans l’attente que l’on ressent une certaine appréhension, celle de savoir comment le groupe aura su donner vie à une œuvre allant au-delà de la qualité de ses œuvres précédentes.Une peur guidée par l’échec de tant de groupes qui avant eux avaient sortis une demo remarquable et qui n’avaient pas réussi à passer le cap. Bon, connaissant X.T je n’avais quand même que peu d’appréhension, je le reconnais. Gevurah a su marquer de son empreinte la scène québécoise par son Black éthéré, occulte, froid et touché par la grâce de Lucifer. Après deux demos et un ep qui ont fait parler d’eux, la formation franchit le cap de l’album avec « Hallelujah !» qui porte divinement bien son nom tant l’empreinte spirituelle est présente sur cet opus et tant il marque la célébration de la victoire des ténèbres sur la lumière. J’avoue que le voyage a été intense, tant cet album est touché par la grâce.

Dès les premiers instants on est transporté dans l’univers du groupe, par cette courte introduction hypnotique qui suffit à nous laisser voir le chemin que le groupe veut tracer. Des incantations qui sauront nous amener au pied du monstre qu’est « Hallelujah ! » ces cœurs nous expédiant dans un univers décharné. En fait cette première piste ‘The Fire Dwelling Within’ est l’exemple même de ce qu’est Gevurah. Tout comme sur la piste ‘Un feu indomptable’, la force première de ce titre est l’intensité qui s’en dégage, tant par sa musique que par ses déclamations, qui nous guident à travers les ténèbres pour parvenir à trouver le chemin, notre chemin : celui qui mène à la compréhension et au savoir. Et lorsqu’arrive cette seconde partie calme, on se laisse doucement entraîner dans les abimes de notre esprit, nous obligeant à nous retrancher dans les confins de ce qui nous sert de raison. Vraiment le chant de X .T à ce petit quelque chose qui se veut être hypnotique.

Depuis son Ep « Necheshirion » le chant de X.T a évolué, il gagne en intensité mais aussi en noirceur, laissant transparaitre une haine indicible qui pourrait bien devenir la marque de fabrique du groupe. Le chant rugueux  sait aussi se montrer par moment apaisé, nous permettant de nous faire absorber par la musique du groupe et ainsi nous orienter vers le chemin qu’il veut vous faire suivre, celui de la « Lumière », de sa « Lumière ». Et lorsque la batterie se montre plus tribale et qu’elle est accompagnée par les chœurs, comment ne pas se laisser subjuguer et transporter par cette musique totalement dévouée aux ténèbres ? D’autant plus que le passage où X.T déclame ces mots, est purement magique et transcendant, transportant l’auditeur l’espace d’un instant dans le monde de Gevurah :

« O Satan !
Onto your altar, we sacrifice the unborn child
Cut the delicate threads of life…”

On retrouvera d’ailleurs beaucoup de moments similaires dans l’album, apportant à celui-ci une intensité incroyable. On ressent toute la ferveur de X.T à travers ces passages, ce qui ne m’était que rarement apparu ces derniers temps au niveau des sorties Black Metal.

Et lorsque l’album s’enchaine sur « Cosmic Putrefaction » on voit que le groupe en fait synthétise toutes ses œuvres précédentes au sein de cet album, avec la voix de la maturité, digérant ses influences et relâchant sa haine en direction des cieux. Une piste qui saura alterner les passages violents et purement démoniaques avec des tempos ralentis, lourds, oppressants, vous pliant sous leurs jougs. En fait toute la construction de l’album se fait ainsi, offrant un équilibre parfait entre la violence et la délivrance.

Il faut tout de même noter que cet album est une œuvre qui dure près de 64 minutes. Une durée qui pourrait se montrer indigeste si le groupe n’avait su maitriser ses ambiances et aussi ses compos. Mais en fait il faut se rendre à l’évidence c’est ce qu’il fallait à Gevurah pour installer un vrai univers, ne laissant aucun détail au hasard.

Par exemple, l’interlude ‘Lifting the Veils of Da’at’ offre à l’auditeur un moment de répit, tant l’intensité de la musique a été à son paroxysme jusque-là. Quand je dis répit, ça ne veut pas dire ennui, bien au contraire, car cet interlude s’instaure comme une continuité à la quête spirituelle du groupe, et nous retranche dans un moment d’accalmie. En fait c’est une fourberie, car cette piste transcende les hommes que nous sommes, nous emmenant dans une sphère plus « spirituelle » qui nous permet d’atteindre un nouveau stade de dévotion.

Et que dire des deux pièces qui suivent ‘Temple Without Form’ et ‘Dies Irae – Lacrimosa’ tant elles sauront vous faire découvrir quelque chose qu’il est rare de croiser de nos jours, une véhémence  idolâtre. En composant des musiques virulentes et belliqueuses couplées à des atmosphères de dévotions mystiques, Gevurah a donné vie à une œuvre puissante, comme l’ont fait les auteurs contemporains, offrant à cette album une cohérence inébranlable. Je veux dire par là que le groupe y a mis son énergie et son âme offrant à « Hallelujah ! » une intégrité totale, quelque chose que je n’avais pas retrouvé dans un album depuis fort longtemps. Un album intimiste, qui vous pousse dans des retranchements rarement atteints.

L’opus se termine sur ‘הַלְּלוּיָהּ’ une chanson qui dure presque vingt minutes, une apothéose parfaite pour « Hallelujah », Cette dernière piste nous apporte la lumière, mais pas celle des cieux: celle de la libération, celle qui saura nous faire prendre conscience de qui nous sommes, de ce que nous sommes, avec ces chœurs vous transportant dans une sphère religieuse rarement atteinte sur un album de Black Metal. Ceux-ci sont réellement intégrés au processus de composition et nous permettent de nous imprégner d’une aura qui vous broiera sous sa chape de plomb.

Petit cadeau pour les détenteurs du LP, ‘Havan-Gevurah’ la piste bonus du LP qui pour sa part dure plus de 20 minutes qui se veut être 100% ambiante, ce qui au premier abord pourrait se montrer indigeste, mais la grande idée du groupe est d’avoir utilisé cette piste comme conclusion, entrainant l’auditeur vers une fin dénouée de toute forme d’humanité. Cette plage ambiante fait vivre une expérience nouvelle voire libératrice, nous faisant parvenir à un état de grâce que nous ne pouvions pas soupçonner. Il faut reconnaitre l’incroyable génie du groupe qui à travers ce contre-pied nous permet de nous sentir apaisé alors qu’il ne fait que nous entrainer au plus profond des ténèbres pour nous guider sur la voie de la sagesse et de la libération.

Cet album représente l’échec de Dieu.

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 KhxS

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