Miss Parker – "Halo AD 30" (EP, 2013)
Tracklist :
01 – For All The Kids 4:19
02 – It Comes 4:30
03 – On December 4:09
04 – Something 5:16
05 – God 5:08
06 – Colder 3:19
Extrait avec le titre, 'god' :
Extrait avec le titre, 'god' :
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On est de plus en plus espionné, fliqué par tout et n'importe quoi. Sur la terrible toile de l'Internet, nous sommes comme des mouches engluées dans un réseau de plus en plus évolué qui cible de plus en plus efficacement vos goûts, vos aspirations, quasiment votre âme. Ces tentatives d’hameçonnage du consommateur, que l'on tente de nous dicter à être, sont parfaitement désagréables à mes yeux et à mes oreilles. Entendez par là que je n'aime pas la publicité. Du moins pas la pub agressive que l'on nous force à gober à longueur de journée en des lieux et des temps qui, selon moi, ne sont propices non pas à la création d'un besoin consumériste, mais bien qu'à l'urticaire, aux nausées, à la détestation. Bref, je n'aime pas que l'on me force la main. Je n'aime pas que l'on m'espionne.
Mais parfois, je dois bien l'avouer, il peut en ressortir du bon. Vous vous demandez probablement comment ? En traînant mes guêtres sur un réseau social bien connu, je me suis rendu compte que plus je « like » de pages d'artistes post-punk, plus ce dit réseau me propose, dans les publicités et les suggestions, d'autres groupes du même acabit. Et pour quelqu'un comme moi qui est toujours assoiffé de découvertes du genre, cela se transforme en filon aurifère. C'est ainsi que j'ai découvert Miss Parker, au détour d'un rafraîchissement de ma page web.
Miss Parker, rien à voir avec le personnage de la série « Le Caméléon », ni avec les Chameleons d'ailleurs, est un projet marseillais mené par Chris.R à la guitare et la batterie, Stéphane la basse, et SF à la guitare et au chant. Ce premier EP est sorti en janvier 2013.
Mon œil a tout de suite été attiré par le visuel de Halo AD30. Une illustration façon carte de tarot de Marseille, probablement la représentation d'un démon. Tout y est, symboliquement parlant : l'humanoïde à tête de chouette, probablement représentant la connaissance cachée, le chapelet avec le crâne au bout, soit la Mort et la religion, le soleil et la lune. J'ai longtemps cherché de quelle entité il s'agit. Mais à vrai dire, après avoir épluché Legemeton et autres ouvrages du même genre, j'ai bien été incapable d'identifier la créature. Peu importe, on sait de toute manière qu'il y aura dans la musique quelque chose d'ésotérique, d'occulte, de cryptique.
On ouvre le grimoire. La première page se nomme « For All The Kids ». A vrai dire je pensais tomber dans quelque chose de poisseux, de lourd, mais pas du tout. On est en présence d'un post-punk très doux, une coldwave non pesante, un rock mélancolique mais sans apitoiements. La basse est haute et très peu poussée, ce qui n’entraîne pas votre âme au septième cercle de l'enfer. La guitare est caractéristique du genre et est soutenue par quelques effets électroniques qui savent se faire discrets, ne dénaturant pas l'esprit de la chanson. La voix est mélancolique, du moins empreinte d'une certaine gravité sans, encore une fois, tomber dans le piège de la surenchère. On sent dans ce titre quelque chose d'authentique.
Avec « It Comes », on suit le même chemin. La batterie se fait plus présente et un peu plus dans l'esprit post-punk. En tout cas une chose est sur, ce n'est pas du pur jus à 100%. On est en présence d'un mélange de rock alternatif aux saveurs de coldwave, aux influences marquées certes, mais légères. Peu importe, Miss Parker réussit tout de même à me mettre dans une certaine ambiance et au-delà des étiquettes et des boîtes, c'est cela que je recherche en premier lieu.
Dès les premières notes de « On December », je ne peux m’empêcher de faire un parallèle entre le son du groupe de Marseille et toutes ces formations de coldwave mélodiques comme Lotus Feed, And Also The Trees, Accident, The Search, Joy Disaster, Duellen, Coldwave, The Last Cry, Emerald Park, Follow Me Not, Light In Your Life, Die Schatten, Monozid, et bien d'autres. La musique se fait plus lumineuse sur « Something », on lève les yeux vers le ciel et on respire à pleins poumons l'air ambiant en repensant aux bons souvenirs, même ceux qui, d'habitude, pourraient nous blesser. On a perdu beaucoup, mais il reste une vie à remplir derrière. C'est ce que je ressens en écoutant ce titre.
« God ». Du coup je me suis trompé. Cryptique non, ésotérique peut-être, à la recherche d'une réponse, sûrement. Le disque est un condensé de sentiments désabusés. Halo AD30 est comme une lettre. Pas une lettre d'adieu désespérée, non juste une lettre que l'on écrit quand on ne se sent pas dans son assiette et que l'on couche sur papier ses désillusions, ses espérances, ses fautes, quand on fait amende honorable. Une repentance. Une prière.
Halo AD30 aurait très bien pu se terminer sur cette note de légère frustration, mais que nenni. Ne jamais laisser une colère vous mordre plus d'une journée. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Bible. Car oui, tout ceci sent comme les vieux missels du catéchisme. Pendant que certains se noient dans l'apprentissage du dogme ou que d'autre en rit, quelques-uns, d'étranges personnages, respirent l'odeur du vieux parchemin, regardent la poussière soulevée dans les raies de lumière, entendent le bruit des crayons qui roulent sur le sol, le craquement du bois des pupitres, ressente le froid de la pièce et finalement trouve leur réconfort dans ce genre de tableaux vieillots.
Le titre « Colder » me fait ce même drôle d'effet. Un morceau qui détonne par le paradoxe total entre le titre et la musique qui est en réalité plutôt gaie. Ma vie repasse en boucle devant mes yeux et me fait sourire. C'est ainsi que l'on referme le grimoire dont nous avons tourné les pages. Pages qui se sont lues de manière fugace je dois bien l'avouer et qui s'achèvent un peu précipitamment.
Franchement rien ne me fait plus plaisir qu'une bonne surprise, de me tromper sur quelque chose. Je m'attendais à une musique lourde d'effets, une ambiance poisseuse et gluante de mélancolie grasse et dégoulinante. Ma surprise est donc totale et je ne peux que recommander cet EP à toutes et à tous, celles et ceux, qui pensent que la coldwave est forcément au bord du précipice et que tous ces acteurs ont déjà un pied dans le vide. Il n'en est rien. Le hasard veut que Miss Parker ait sorti son premier album éponyme au début de cette année 2016. Je replongerai volontiers.
La mélancolie n'est pas un sentiment négatif et doit être prise comme une force motrice, créatrice. Quoi de plus beau qu'un vieux tableau impressionniste, une vieille chanson sur phonographe qui crépite, un vieux souvenir qui vous arrache un léger sourire au détour d'une ruelle grise ? Miss Parker l'a très bien compris et nous transmet par ce disque cette étincelle, ce baume apaisant qui nous manque souvent quand on traverse la ville froide comme des fantômes, que nous serons un jour, mais que nous ne sommes pas encore.
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