Il
est 13h40, la voix dans le micro grésille, invitant les
accompagnateurs sans billets à bien vouloir descendre du train.
Dehors c'est la grisaille. Vite oubliée la journée de la veille.
Brest est redevenue elle-même. Reste juste un vent étrangement
chaud, un dernier reliquat d'un éphémère passé. Journée maussade
donc. 13h45, le train démarre. La voiture est vide et j'ai le cœur
lourd. Mauvaises pensées, mauvaise nuit. Tous les ingrédients sont
réunis pour une bonne soirée goth. J'aime les clichés, ils sont si
amusants. Le paysage défile et mes idées également. Rêves d'un
ailleurs, espoir de la rencontrer. Je saurais que c'est la bonne au
premier regard, je resterais hypnotisé, sans voix.
Chameleons
Vox. La
« Voix » justement, rajouté au nom de ce groupe culte,
est là pour nous signifier qu'il ne s'agit pas de la formation
d'origine. Plus je
regarde le flyer représentant le logotype du groupe,
avec cette tête stylisée, et plus je deviens mélancolique. Le
reste de la journée semble s’effacer. Je me retrouve donc au Bus
Palladium, il est déjà 21h30. J'ai l'impression d'avoir été avalé
par le vortex du temps lui même. Bon, loin de devenir le Grand
Méchant Loup (comprenne la référence qui pourra), je me suis
retrouvé sans défense, comme un fragile agneau, totalement
désorienté, parmi un public assez hétéroclite.
Des
habitués, de nouvelles têtes, du beau monde comme mrlamort (Nova
& Vetera) et Andy
Julia (Soror Dolorosa),
ainsi que des gens pas vraiment issus du milieu goth. Il y avait de
tout. J'explique cela par la direction plutôt « pop » du
groupe qui va se produire dans quelques minutes, une direction
musicale plus ouverte, moins élitiste peut être même, dans tous
les cas, attirant un public extérieur aux habitués du gros
post-punk qui tache. Avant toute chose, je vais vous prévenir que je
ne suis pas fan des Chameleons,
je ne l'ai jamais été et ne le serais probablement jamais. Désolé,
mais je préfère être franc et expliquer dans la foulée le manque
de longueur de ce report.
En
guise de première partie, la prestation habituelle. Cette fois-ci,
Le Boucanier nous a dégoté Mike Garcia, un artiste performeur
utilisant moult laser et effet pyrotechniques. Feux d'artifices dans
le dos, lasers au bout des doigts, ce dernier s'est présenté au son
d'un electro-indus martial, habillé façon Sam Fischer de
Splinter Cell, comme une créature cyberhybride. Un show très
visuel entre étincelles, limaille de fer incandescente projeté sur
un public euphorique, pétarades et jeux de lumière. Très visuel
certes, mais je l'avoue, je me suis ennuyé. En même temps j'ai déjà
vu Punish Yourself qui m'avait proposé sur scène le même
genre d'artifices en bien plus poussé, plus violent.
À
l'heure des Chameleons
Vox, c'est une
véritable marée humaine qui s'est précipité vers la scène. Je
n'avais pas vu la salle aussi remplie depuis le concert de Christian
Death. Et moi, quand
je suis coincé comme cela, ça ne va pas. Cette claustrophobie
augmentée par un public peu sympathique, j'y reviendrai, ne m'a pas
du tout aidé à rentrer dans le concert. J'ai quand même de bonnes
choses à dire sur le groupe, n'ayez crainte, car dans l'ensemble,
les membres des Chameleons
ont été bons, je n'irais pas dire le contraire, et bon nombre de
gens ont apprécié, voire plus.
La
formation est donc plus « pop » que ce que j'ai
l'habitude d'écouter. La voix de Mark Burgess était juste,
accompagnée de ce qu'il faut d'effet, ni trop, ni trop peu.
Musicalement rien à redire, c'est propre, net. La distorsion sur la
voix est amené de la bonne manière, le tout permettant une bonne
introspection. La basse est bien présente et donne l'élan
nécessaire sur lequel les autres instruments se greffent. La
batterie est à un niveau sonore juste, ni trop, ni trop peu. La
guitare virevolte et nous entraine avec enchantement.
Les
titres sont mélodiques mais savent tout de même rester énergiques.
J'ai retrouvé quelques intonations faisant indiscutablement penser à
The Cure,
Joy Division,
Jesus And Mary Chain,
Echo And The Bunnymen,
etc...
Le
groupe a fait montre de peu de jeu de scène. En même temps ce
n'était pas vraiment le propos. Ajoutez à cela une interprétation
des titres phares, et une reprise de « Transmission
» de Joy
Division et vous avez
l'impression que le groupe n'a fait que le minimum syndical. Il n'en
est rien. Il y avait de l'empathie, des sensations, d'émotion, de
ressenti. Le show fut court, et pour être encore une fois franc,
j'en fut grandement soulagé. Pourquoi ? Parce que pendant ce
concert, le Bus Palladium s'est transformé en temple de la
fragilité.
Je
m'explique. Un public hétéroclite, une marée humaine, des gens
euphoriques. Mettez cela dans une petite salle, secouez le tout et
ajoutez une pointe d'irrespect et vous obtiendrez un cocktail
explosif. Du pogo. Les gens, sérieusement ? Du pogo sur du
Chameleons,
et pourquoi pas du pogo sur du Chopin,
du Kraftwerk
ou du Sopor Aeternus
pendant que l'on y est ? Il n'y a qu'en soirée goth sur Paris
que j'ai vu ça. Déjà se faire bousculer et envoyer du premier au
vingtième rang... « Placement libre » qu'on me crie.
Certes, mais le respect ça existe aussi, surtout quand on est serrés
comme des sardines. On me dit dans l'oreillette que non.
L'euphorie
ne pardonne pas tout. Qui pour payer les factures des mes côtes
cassées ? Je fais 50kg tout mouillé, problèmes articulaires,
on me traite de fiotte, mais zut, j'ai encaissé les coups, les
tirages de cheveux, les gens qui vous poussent dans le pogo et les
insultes sans broncher. Au centre ça s'énerve sévère, limite à
se mettre sur la gueule... À six ou sept seulement en plus... Pas
sûr que les plus fragiles sont ceux à qui on pense... J'ai eu moins
de problèmes avec le public de Korpiklaani,
c'est dire. Désolé pour mes amis qui y étaient, au centre
justement, mais la prochaine fois j'opte pour l'euthanasie
automatique de tous ceux qui se mette à pogoter.
Une
fois le concert fini, la salle se vide... Juste une dizaine de
personnes à 2h... Probablement le fait que beaucoup s'en vont
travailler le matin même, que d'autre sont trop fatigués, ou que le
DJ de cette soirée, le même que celui de la soirée après Skeletal
Family, ne soit vraiment pas bon. Et ce n'est pas que moi qui le dis. Désolé pour
lui. N'en pouvant plus, moi aussi j'ai pris mes jambes à mon cou.
Je
reviendrai, bien évidemment, car une mauvaise expérience ne doit
pas vous gâcher les autres. Quand je repense au concert des Sex
Gang Children, je me
dis qu'il n'y a pas de raison qu'une telle soirée ne se reproduise.
Je ne vais donc pas enfoncer plus le clou et je vous le redis à
tous, ce n'est que partie remise. J'en suis persuadé.
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