Interview | Malcuidant - mars 2016


Né dans les terres de Bourgogne durant l’année 1997, Malcuidant (signifiant « qui nourrit de mauvaises pensées ») n’a de cesse depuis cette époque-là de répandre sa parole.  Après un premier album « L’hymne de la Ghilde » qui aura su faire parler de lui dans le milieu underground, le groupe aura mis du temps à donner naissance à son successeur « Et les Cieux s'assombrirent... » et depuis le groupe n’a cessé de donner de l’ampleur à son art. Le groupe n'en finit pas de progresser pour offrir à chaque nouvelle sortie un effort d’une qualité supérieure.



01. Bonjour Ayhromm, on se connait relativement bien depuis ces années, étant donné que nous sommes de la même région, même si depuis tu as migré. Mais pour les lecteurs qui vous connaitraient peu voire pas du tout, pourrais-tu nous dresser un bilan de l’évolution du groupe ? Et notamment sur le nom de Malcuidant, pourquoi ce terme ?

Le groupe est né dans les sombres forêts de la Nièvre entre 1996 et 1997 puis son voyage commença par investir la capitale bourguignonne, Dijon. Après quelques années de composition, une démo « Le Malcuidant » sortit en 1999 au format K7 en autoproduction.
Plusieurs années plus tard, toujours à Dijon mais avec un line-up différent « L’hymne de la Ghilde » arriva sous la bannière suédoise de THR.

Les années s’écoulèrent mais le voyage ne s’arrêta pas à Dijon puisque, attiré par le Nord, je déménageai dans d’anciennes terres bourguignonnes, la campagne de l'Artois.
L’arrivée de Garrgl dans Malcuidant fut pour le groupe et mon rapport à la musique un événement majeur.

Après plusieurs années de complicité dans la composition et la recherche précise de l'esprit du Malcuidant, nous sortîmes alors « Et les cieux s’assombrirent... » en autoproduction. Nous voulions gérer l’ensemble de la production, l'enregistrement et le visuel.

Nous étions soutenus par plusieurs labels pour la distribution et l’un d’eux, APPARITIA RECORDINGS, nous proposa de signer le groupe et de ressortir nos précédents albums sous sa bannière. Un nouvel horizon s’ouvrait donc pour le groupe avec ce label reconnu de tous dans le milieu UG.

En parallèle de cette signature, l’envie de produire notre musique en live nous poussa à chercher de nouvelles recrues. L’arrivée de WALDHORN et AZGRTH fut le deuxième événement majeur du groupe. La qualité de leur jeu amena une foule de possibilités dans la création et permit d'affiner l’identité de Malcuidant.

Concernant le terme « Malcuidant » comme tu le disais dans ton introduction c’est « celui qui nourrit de mauvaises pensées ». Ce choix vint de mon désir d’avoir dès le début du groupe un nom sortant des clichés, ayant une identité forte en rapport avec l’histoire et la culture française. Ce nom issu du théâtre médiéval du XIV siècle français était également souvent utilisé pour désigner le diable qui ne pense qu'au mal.

02. Votre premier album est sorti sur le défunt label suédois Total Holocaust Records, comment êtes-vous parvenu à une signature sur ce label à cette époque ? C’est surprenant qu’aucune structure plus proche ne vous ait signé, les labels n’étaient pas intéressés ? Surtout que votre premier album a eu beaucoup de retours positifs, quel regard portes-tu sur celui-ci après plus de 10 ans ?

A l’époque c’était surtout surprenant. J’avais envoyé une version non masterisée du premier album à Hakan de THR, sur le conseil d’Eymeric (WOLOK, LDM, FOEDUS…), et celui-ci avait répondu dans la foulée, voulant absolument sortir l’album. C’était très encourageant après ces années d'errance. Le plus surprenant fut que ce cd a été sold out en quelques mois chez THR.
Suite à cette sortie un label Allemand, Diaphora Underground, me contacta et sortit « L’hymne de la ghilde » en version LP puis, toujours sans aucune promotion de ma part, WAR production me contacta pour sortir une version tape.

Mon regard sur cet album a toujours été le même : trop d'empressement dans son enregistrement et un travail du son vraiment minimal. Malgré tout, ce qui est fait doit être assumé et cet album a un charme chaotique proche de la folie, assez comparable à mon état d'esprit de l'époque.





03. Le groupe n’aura eu de cesse d’évoluer, mais depuis quelques années on note une certaine stabilité, notamment au poste de batteur qui a longtemps été un souci pour vous. Comment tu expliques cette difficulté ?


Effectivement, depuis une petite dizaine d'années maintenant le line-up est fixe est chacun est très investi dans le groupe. En fait il n'y avait pas vraiment de difficulté particulière à trouver un batteur. Nous l'avions trouvé depuis un moment déjà. Il ne lui restait plus qu'à avoir le déclic. Maintenant, je pense que nous avons le meilleur line-up possible pour le groupe.

04. justement suite à l’arrivée de manière officielle de Waldhorn vous avez décidé de réenregistrer votre album « Et les cieux s’assombrirent… » Pourquoi cette initiative ? Et d’ailleurs Waldhorn s’occupe aussi des chœurs, je suppose que ça apporte un grand plus?

 WALHORN nous a rejoint peu de temps après la sortie de l'autoproduction " Et les cieux s’assombrirent… ". Ancien batteur de Belenos, il fut conquis par le travail sur le ressenti et la noirceur pure du groupe et trouva dans Malcuidant cette flamme qui est aujourd'hui un brasier dans chacun de nos esprits.

Dans un premier temps, nous avons travaillé les morceaux de l'album pour pouvoir les reproduire sur scène. Le hasard voulu qu' APPARITIA RECORDINGS nous propose une ressortie des deux premiers albums au même moment. L'implication de WALDHORN fut alors un investissement total et il était évident pour nous que cette ressortie se ferait avec lui.
Les chants clairs sont un travail énorme de Garrgl et Waldhorn qui apportent un élément indispensable à l'ambiance finale d'un morceau.


05. Cette interview a lieu suite à la sortie récente de votre nouvel album « Et la Terre brûla » (dont la chronique se trouve dans nos pages), ce qui m’a surpris, c’est que malgré sa qualité effarante je n’ai vu que peu de retour, voir peu de com autour de celui-ci. Comment expliques-tu cela ? Et par la même occasion quel est ton regard sur le travail d’Apparitia Recording pour cet album qui vous suit depuis la réédition de votre second album ?

Si notre travail est d'une telle qualité, il sera récompensé un jour ou l'autre, mais nous ne courons pas après.

Notre musique est essentiellement pour nous et pour les personnes cherchant une musique authentique, intègre et faite avec les tripes. Nous ne sommes pas des clones de tel ou tel groupe à la mode, comme trop de groupes à mon goût... nous sommes Malcuidant !

Apparitia Recording est clairement le plus gros soutien que le groupe a reçu à ce jour et même si nous souhaiterions toujours plus d'investissement pour le groupe, il faut aussi avoir la tête sur les épaules et savoir qu'aujourd'hui peu de personnes achètent les albums. C'est bien plus simple de les télécharger gratuitement.

Concernant la promo, le label s'est concentré sur les zines papiers de la scène UG internationale. C'est vrai que nous sommes assez discrets sur le net, mais il y a un début à tout avec cette interview.

06. A mes yeux cet album est vraiment votre apothéose, la maturité que votre musique aura su gagner est impressionnante, peux-tu nous en expliquer la genèse et l’influence que le batteur aura eu sur les compos ? Et en quoi ça a changé votre travail de composition ? Car depuis son arrivée on sent que votre musique a gagné en richesse.

La maturité est essentiellement due au travail acharné de Garrgl. Outre le poste de guitariste/chanteur, il est aussi l'ingé son du groupe et son professionnalisme se ressent clairement dans le son de ce nouvel album.

L'arrivée de Waldhorn n'a rien changé dans la composition de la base des morceaux, c'est toujours une association des idées de Garrgl et de moi-même qui crée cette base. Bien sur avec l'arrivée de WALDHORN et AZRGTH dans le groupe, leur avis est devenu très important. Nous sommes très enclins à l'autocritique et c'est ceci qui permet d'avoir des morceaux de si grande maturité. C'est bien l'ensemble du groupe qui crée l'atmosphère de notre musique et chacun est à l'écoute des remarques faites.

Bien sûr, concernant la batterie, Waldhorn apporte une richesse rare dans le style présenté ; des plans aériens aux blasts ravageurs. Il a surtout su mettre sa personnalité dans notre musique.


07. Comment se passe le travail de composition au sein du groupe ? Tant musicalement que textuellement.

En général, j'écris les textes, je passe des heures à chercher le mot juste, celui qui collera le mieux à l'univers du Malcuidant. A la différence de multitudes de groupes, mon inspiration ne vient pas de ma haine des religions ou d'écrivains comme Tolkien & co, mais d'une nature "pure". Chaque texte est une description de ce monde fantasmagorique où la Nature écrase l'humanité de sa force brute et sans aucune pitié.
Musicalement nous composons des morceaux complets, qui une fois validés par nos soins et nos diverses écoutes, serviront de bases solides pour poser les chants. Parfois le chant Black apportera la colère contenue dans les textes, parfois sa folie évoluera au gré de la musique. Chacun aura un ressenti différent et il faut donc écouter la musique pour la juger et extérioriser ses propres émotions.

08. Tout a évolué dans votre musique notamment ton chant, est-ce un processus qui t’est venu naturellement ou était-ce un « instrument » que tu souhaitais travailler plus ?

Mon chant évolue et se précise principalement grâce à l'expérience acquise en concert et en répétition. Le fait de travailler celui-ci pour exprimer des sentiments précis est un travail long mais qui ne pourrait aboutir sans une réelle rage enfouie au plus profond de ma personne. Mon chant est maintenant un ensemble d'émotions qui se traduit par plusieurs façons de les exprimer, je ne crois pas que mon chant soit original mais je sais qu'il est sincère et il n'y a que comme ça qu'il pourra faire ressortir les émotions des auditeurs. Certains sentiront la haine, d'autres la tristesse, d'autres la colère... mais au fond chacun y voit simplement son reflet.

09. J’aimerais revenir sur un point en particulier, ce sont vos textes qui sont empreints de nihilisme mais qui ont aussi trait à la nature. Quel est ton rapport avec celle-ci ? Peux-tu nous développer un peu plus la vision que tu portes justement à ce nihilisme ? Ce sont deux concepts très fort au sein de votre univers, est-ce que ce sont des choses que tu vis/ressens au quotidien ?

Pour faire simple, je rêve d'une nature puissante que rien n'arrête. L'humanité, nous tous, nous ne sommes que vermines, qui la consommons un peu plus chaque jour, mais elle vaincra tôt ou tard. Les océans se déchaîneront, les vents nous balayeront, le feu purifiera ce monde décadent... voilà ce qu'est le monde fantasmagorique du Malcuidant : l’apocalypse sans aucune renaissance pour l'homme.
Bien sur, je sais différencier cette vision du monde de mon quotidien. Je vis à la campagne pour m'éloigner au maximum de la populace. C'est nécessaire pour moi car j'ai un dégoût profond du monde "civilisé" et chaque jour nourrit ma rancœur.


10. Par ailleurs, en parlant de nature on voit que chacune de vos covers représentent une nature déserte de toute humanité, non altérée par l’Homme. Elle a l’air d’être une grande source d’inspiration pour toi non ?

Ces couvertures représentent cette renaissance où seule la nature règne dans toute sa puissance.
Il est évident que ces lieux de pureté sont la principale source d'inspiration de l'univers du groupe.

11. Le son que vous dégagez sur cet opus est vraiment idéal pour l’atmosphère que vous avez créée. Chez qui avez-vous enregistré ? Je suppose qu’il existe un grand changement entre ton premier passage en studio et maintenant ? Quel regard portes-tu sur cette époque et quelle évolution notable notes-tu ?

Le son, dans sa globalité, des prises au mastering final revient au travail minutieux et à la patience immense de Garrgl. Ses compétences se sont révélées avec cet album car ce son apporte une grosse part de notre identité.

Les prises batterie viennent simplement du grenier de chez moi (qui est aussi notre salle de répétition). Pour les prises grattes, basse et chants, c'est chez Garrgl que nous avons enregistré, à l'ancienne avec peu de matériel mais une grande maîtrise de celui-ci.

Personnellement, je n'ai qu'une seule expérience de véritable studio et le résultat est le son du premier album. Maintenant que Garrgl a pris les choses en mains, je ne crois pas devoir expliquer la différence. Écoutez les albums et jugez par vous même de l'évolution de notre musique.

12. Ayant déjà eu l’occasion de vous voir sur scène plusieurs fois, la musique de Malcuidant prend toute son ampleur lors de ce partage cérémonial. Pour toi est-ce un passage obligatoire cet échange avec le public? On ressent que le groupe est à l’aise sur scène, entre la hargne et l’intensité qui s’en dégagent, mais il ne me semble pas que le groupe soit un habitué des lives ? Est-ce quelque chose que tu souhaites changer ?

 C'est clair que je recherche un maximum de dates dans l'esprit du Sequane Fest partout en France mais aussi en Europe.

Rien n'est obligatoire pour Malcuidant et d'ailleurs nous refusons pas mal de concerts. Nous voulons le meilleur pour le groupe et si les conditions et le matériel ne sont pas au rendez-vous, nous ne nous déplaçons pas. C'est pour ça que nous sommes encore peu présents sur scène malgré la maîtrise de notre set. L'aisance est due simplement à un gros travail de chacun des musiciens et à notre conviction que le groupe a quelque chose à apporter au public enragé et blasé de ce monde.

Si je pouvais changer quelque chose, ce serait les moyens fournis au groupe pour transmettre au mieux notre musique, comme avoir un ingé son et une personne aux lights, pour gérer comme nous le souhaitons la "cérémonie". Nous sommes loin du "Metal bizness" mais nous ne sommes pas fermé à l'idée de jouer sur de grosses scènes ou dans des festivals disons du gabarit du METAL MEAN en Belgique, voire de l'INFERNO à Oslo... nous pourrions ainsi porter fièrement l'étendard du Black Metal français, chose très rare dans la scène qui est plus ouverte aux groupes norvégiens, polonais ou allemands...

Je donne rendez-vous aux parisiens et autres personnes motivées le 22 mai pour une date dédiée à l' art sombre de France.

13. Toi qui est originaire de Bourgogne, comme des groupes tels que Nefastt ou Horrid Flesh en son temps, que penses-tu qu’il manque à cette région pour s’ouvrir au Black Metal ?

A mon époque, Malcuidant était le seul groupe de Black Metal originaire de Nièvre (c'est peut être toujours le cas).

Arrivé à Dijon quelques années plus tard, je découvris Astaarth qui de son coté était le seul groupe cohérent de Côte d'Or. Malheureusement ils se sont séparés après leur dernier album "Gloria Burgundia". Le Black n'était pas un style très en vogue, d’où peut-être sa rareté en Bourgogne.

Les années passant, le style Black devint comme le Thrash à son époque, une branche cohérente et reconnue de la communauté Metal. Plusieurs groupes se sont formés puis ont splitté. Je pense en particulier aux prémices de Nefastt. Le Groupe Senons avait un potentiel énorme et serait aujourd'hui un groupe majeur de la scène française si ses membres avaient réussi à s'entendre. Suite à ça, Nefastt apparut, et là encore, le potentiel de ce groupe était énorme. Personnellement, je trouve que leur album " La Malignité des Astres "est l'une des meilleures sorties en Black français. En tout cas, j'encourage Havoc Vulturus à reprendre le flambeau dès qu'il trouvera des musiciens sérieux !

14. Qu’est ce qui fait que presque 20 ans après Malcuidant continue d’avancer, de grandir ? Quelle est la motivation de la bête, son but ?

Malcuidant est une des rares choses qui mérite mon attention. Je suis quelqu'un de très pessimiste sur l'avenir, et la musique est une passion dévorante qui me permet d'ignorer ce monde.

15. Avec le recul de ces presque 20 années d’existence, comment perçois-tu le monstre que tu as créé, son évolution et son avenir ?

Aujourd'hui, même si je suis le créateur du monstre, j'ai trouvé une meute sauvage qui permet de percevoir une évolution sans limite pour le groupe. Nous portons fièrement le fanion du Black Metal français et il est clair que l'album "Et la terre brûla" ne sera pas la conclusion du groupe. Plusieurs projets sont présents dans nos esprits et comme à notre habitude nous allons travailler avec minutie et persévérance pour aboutir à un résultat correspondant à notre standard de qualité musicale, intègre et dans un esprit propre à l'Art sombre de France.

Je vais conclure cette interview en te remerciant pour ton soutien indéfectible à la scène Black Metal.
Malcuidant règne !

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Interview réalisée par KhxS en Mars 2016


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