Chronique | Mono - "For My Parents" (Album, 2012)


 Mono - "For My Parents" (Album, 2012)

Tracklist :

1. Legend
2. Nostalgia
3. Dream Odyssey
4. Unseen Harbor
5. A Quiet Place (Together We Go) 

Extrait en écoute :


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Vous les avez peut-être découverts ou redécouverts grâce à leur récente tournée européenne avec Solstafir et The Ocean, lors de laquelle ils ont foulé plusieurs fois les scènes de l'hexagone ; qu'ils l'aient déjà retenue ou non, les japonais de Mono méritent en tout cas votre attention. Après des fêtes de fin d'année probablement passées en famille, l'écoute de leur album paru en 2012 pourra être une dernière étincelle de féérie avant l'abandon du confort de ces instants chaleureux au profit d'une routine plus terne. For My Parents, petite perle de post-rock, est présenté par ses compositeurs comme cet inévitable regard en arrière vers les racines, vers l'origine et vers l'amour de ceux à qui nous devons souvent tant. 


La plus grande force de cette oeuvre purement instrumentale réside dans son mariage entre majesté sonore et sentiment d'intimité ; à la grâce et à la plénitude des masses orchestrales, exclusivement composées d'instruments à cordes, se mêlent des mélodies délicates, presque hésitantes et candides. Nul grand discours éloquent et pompeux ne vient ici entraver les phrases sincères et tranquilles, qui s'accomodent d'une lenteur paisible et d'un élan tout naturel. Les lignes mélodiques sont généralement exposées dans les aigus d'une guitare scintillante quoique timide au premier abord, pour prendre progressivement leur envol dans l'éclat et la souplesse des violons.

Une sensation de légèreté se dégage de cet opus au charme aérien, dont les titres ne semblent être qu'un enchaînement de calmes exercices de voltige ; pour cause, un mixage qui minimise à l'extrême la section rythmique, en ne laissant qu'une place très limitée aux basses et surtout en étouffant considérablement les percussions et la batterie. De longs flots de notes ininterrompus évoluent ainsi librement comme des bourrasques de vent du sud, sans attache terrestre. La mélodie est l'unique maître du jeu ; les touches de piano, comme des flocons s'enfonçant un à un dans un sol engourdi, constituent les rares éléments ponctuels de cette large harmonie. 
La batterie ne rappelle souvent sa présence que par ses cymbales, qui contribuent elles aussi à l'installation d'une atmosphère planante où les repères rythmiques s'estompent : là où Claude Debussy voulait noyer le ton, Mono semble essayer de noyer le temps. Tout en travaillant à cette dissolution temporelle, cependant, les cymbales viennent de temps à autre à saturer l'espace sonore dans les hautes fréquences. Le groupe semble toutefois assumer de ne pas proposer un son parfaitement propre et éthéré : en atteignant leur zénith, certaines compositions sombrent presque dans un mixage brouillon, où l'emphase de chaque section instrumentale fait obstacle à la clarté globale de l'instant. Maladresse, si l'on veut, ou apport à l'impression de tourbillon sonore que répand ce disque, à la différence d'une musique orchestrale contemporaine dont l'instrumentarium pourrait être similaire, mais où le son serait plus soigné, et où la majesté, moins sauvage, se rapprocherait plus rapidement d'une forme de grandiloquence. 

Mais For My Parents, qui mise sur des morceaux aux thèmes cycliques, assénés chaque fois avec plus de puissance, finalement traités à la manière d'Anathema par exemple, présente-il réellement assez de subtilités pour échapper à cet écueil de la grandiloquence lorsqu'il ressasse inlassablement ses mélodies, sous couvert de développement magistral qui ne ferait que démontrer la force émotionnelle d'une idée musicale? S'il convient d'écarter la plus humble et diversifiée "Dream Odyssey" d'une telle suspicion, le débat reste ouvert concernant les autres titres, dont les limites seront dictées par la sensibilité de chacun. Ce mode de composition, par la répétition à outrance, qui se fait plus insistante à chaque nouvelle occurence de la mélodie, atteint sans doute son application extrême dans la première moitié, manquant sûrement de finesse, de "Unseen Harbor". 

Néanmoins, si le groupe n'avait pas lui-même exagéré ses propres méthodes, le charme de cet album serait resté intact, et il reste à prouver que cela ne soit pas toujours le cas, en dépit des limites évidentes de cette musique malgré tout accueillante et envoûtante. For My Parents reste une oeuvre emplie de tendresse qui sera toujours la bienvenue pour réchauffer les coeurs en ces temps hivernaux. 

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Marion




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