Troisième journée, et dernière étape de cette première édition du Ragnard Rock Festival. Si on attend Nokturnal Mortum de pied ferme, c'est une affiche diversifiée qui nous est proposée avant la première venue des musiciens ukrainiens sur le sol français.
Ce dimanche débute sous les hospices du Folk Metal de Cerevisia, formation montante de la région, qui a sorti pour le moment un seul album, Trails of a Walker, et que j'avais déjà pu découvrir lors du Cernunnos Pagan Fest de cette année, à la Machine du Moulin Rouge. Le groupe délivre une musique de bonne facture, festive et épique sans pour autant tomber dans le kitsch inhérent à de nombreux combos de cette scène dont l'inventivité reste la plupart du temps assez… statique.
Cerevisia ne prétendent pas faire les originaux, les structures des compositions restent somme toute largement classiques pour le grener qui nous intéresse ici, mais les musiciens les exécutent bien en live, avec force de mélodies et de riffs épiques. Tout pour bien commencer la journée !
Messaline : le seul groupe véritablement local de cette affiche, puisque cette formation totalement déjantée nous vient de Bourg-en-Bresse. Ce sont quatre chevaliers costumiers qui viendront prêcher la bonne parole en ce début d'après-midi suffocant avec des hymnes emplis d'humour, tels 'Souffler dans le Cul de Lucifer', pour citer le final…
Le chant français et le Hard Rock parodique de ces joyeux lurons aura transporté le public en des horizons qu'il n'aurait pas eu idée de trouver à ce festival. Cette prestation a en fait très bien été reçue par le public qui se laisse prendre au jeu sans broncher en scandant les paroles de refrains catchy. Un pari réussi que cette venue de Messaline en terre viking !
Aktarum est un groupe belge formé en 2005 à Wavre, qui a un album à son actif pour le moment. Les musiciens, qui ont choisi la thématique des trolls - originalité level 8000 - dégagent une bonne humeur contagieuse grâce à des morceaux dansants et joyeux comme seuls les groupes de Folk Metal les plus kitsch savent le faire. Clavier et guitares sont à l'honneur, et l'ambiance est au rendez-vous. Là aussi, on ne fera pas une énorme découverte, tant l'inspiration de ce milieu tend à s'épuiser d'année en année. Mais ne nous mentons pas, nous aurons tout de même passé un agréable moment grâce à une performance impeccable et un très bon jeu de scène.
Après Messaline, nous sommes maintenant prêts à pénétrer dans l'univers Heavy néoclassique de Fortunato. Ce groupe français nous présente une musique puissante et mélodique, aux relents parfois mélancoliques. Admirons donc la technicité mais aussi l'aisance de Markus, chanteur-bassiste actif dans le milieu Metal français depuis la fin des années 1980, qui a su s'entourer de très bons musiciens pour la scène. Ce combo mériterait d'être beaucoup plus connu que cela, au regard de la richesse des mélodies et des riffs mémorables qu'il a su nous offrir durant ces trois quarts d'heure de show. Epoustouflant d'un point de vue technique, à voir d'urgence d'un point de vue de mélomane.
Il est maintenant l'heure de faire honneur à Agressor, formation mythique du Death/Thrash Metal old-school à la française, au même titre que la veille avec Mercyless. C'est un show carré que nous offrent les musiciens, menés par Alex Colin-Tocquaine, leur guitariste-chanteur et frontman communicatif. Malgré quelques problèmes techniques rencontrés au cours du set, nous aurons du plaisir à écouter les classiques du groupe, extraits pour la majeure partie d'entre eux des deux album, Towards Beyond et Medieval Rites. De véritables rouleaux compresseurs percutants et virtuoses comme seuls quelques groupes savent le faire.
Les leads de guitare se succèdent tandis que nos nuques se brisent dans un écueil de riffs acérés. C'était la seconde fois que j'assistais à un show d'Agressor, et c'est avec joie que je tenterais bien une troisième.
On se demandait où étaient passés Din Brad après leur annulation du vendredi soir. On retrouve donc en ce milieu d'après-midi ensoleillé ce groupe de Neofolk roumain qui compte dans ses rangs Negru, leader de Negura Bunget, ainsi que son collègue Adrian, au synthé. C'est de la musique à la fois atmosphérique et traditionnelle qui nous attend, mais peu fidèle à l'image que je m'en étais faite à l'écoute de l'album Dor, unique album en date des musiciens.
En effet, de nombreux éléments intéressants disparaissent de l'album, comme les parties instrumentales folklorique assurées par une flûte absente du concert. Cela a rendu le contenu relativement insipide et ennuyeux, ce qui est dommage. Notons que je fais la même remarque au show de Negura Bunget de la veille, même si la prestation du groupe avait été nettement meilleure. Au niveau vocal, la discrétion et le manque d'assurance de la chanteuse Alma, pourtant talentueuse et charismatique en studio, ne nous ont pas aidé à nous sentir impliqués outre mesure… Une légère déception pour ma part.
On continue dans une atmosphère apaisante avec les très attendus The Moon and the Nightspirit. Un concert envoûtant et féérique s'annonce. Un morceau, ça va, deux, ça commence à être lassant, trois, nous avons tout vu. Les compositions se ressemblent toutes, et même si le contenu se révèle agréable à l'écoute, les musiciens ne réussiront pas à me faire accrocher à leur musique répétitive mais relaxante. Les parties de violon n'auront de cesse de me charmer, mais les refrains tournent un peu en rond et les morceaux ont tous la même structure. Certes, le public se montre réceptif et enthousiaste, mais nous finissons par nous embêter un peu tout de même. Bref, The Moon And The Nightspirit, ce n'est tout simplement pas mon truc, ni mon registre.
Himinbjorg, l'un des groupes que j'attends le plus en ce début de soirée, ayant adoré le dernier album du combo tançais, paru cette année. Si vous aimez le Black/Viking Metal, foncez écouter cette pépite nommée Wyrd parue cette année chez European Tribes.
Sur scène, le groupe accueille en son sein Baptiste Labenne de Boisson Divine, qui nous gratifie de parties de cornemuse, et parfois de guitare. Les musiciens parcourent leur répertoire d'une main de maître, mettant à la fois en avant le dernier opus et les classiques du groupe, avec un esprit pagan rendant hommage à l'histoire de l'Europe et à la mythologie scandinave. Le frontman Zahaah alterne à merveille les parties vocales claires et harsh; notons également que les artistes savent très bien adapter les morceaux studio aux performances live, remplaçant certaines parties de cornemuse par des soli de guitare formidablement bien exécutés. C'est puissant, c'est épique, c'est prenant. On finit par une reprise de 'The Horny and the Horned' d' Impaled Nazarene pour mettre le public d'accord et ça donne un set quasiment parfait !
Ah, la venue tant attendue de Nokturnal Mortum ! LE grand moment de ce festival et étape historique pour les Ukrainiens puisqu'il s'agit de la première date française de ce groupe de Pagan Black Metal légendaire.
Après la prise de parole de l'équipe organisatrice qui nous rappelle l'importance de l'évènement, le groupe entre sur scène… Et c'est la liesse. Vaggoth et ses collègues axent leur show sur les dernières sorties du groupe, comme Weltanschauung et Голос сталі. Notons également les magnifiques décorations et les costumes de scène, qui nous immergent encore un peu plus dans cette ambiance folklorique et symphonique. Les "hits" s'enchainent, tels l'incontournable 'Ukraine' ou encore le magnifique 'Kolyada'. Le groupe parcoure son répertoire et nous présente même de nouveaux morceaux inédits que l'on retrouvera sur les prochaines productions. Certains auront été déçus de ne pas entendre davantage de vieux morceaux tirés de Lunar Poetry ou Нехристь, mais la setlist était globalement satisfaisante.
Le seul élément qui m'a gêné est l'absence de claviériste live, ce qui a donné un show samplé qui enlevait à la performance une partie de son intérêt. Malgré tout, on prend notre pied à découvrir en concert de manière inédite un combo que nous n'aurions jamais cru voir un jour. Merci, le Ragnard Rock !
Un show final avec les Norvégiens d'Enslaved, que demander de mieux pour terminer le festival en apothéose? Etant un grand amateur de la période davantage progressive des musiciens, je ne redoute pas une éventuelle platitude du set comparé à l'atmosphère dantesque du précédent.
J'ai trouvé le show d'Enslaved bien plus Black Metal que celui auquel j'avais assisté au Fall Of Summer 2014. La setlist est une sorte de best of de la discographie imposante des Norvégiens, regroupant des morceaux d'albums comme les excellents Ruun et Riitir. Il n'y a pas grand chose à redire de cette performance satisfaisante : les musiciens, même s'ils sont arrivés en retard pour entamer leur concert à cause d'un problème de circulation (me semble-t-il), exécutent avec succès la lourde tâche de clôturer le Ragnard Rock Festival. Motivés et énergiques, Ice Dale et ses compères se montrent joviaux et heureux d'être là en plus de nous délivrer une musique tantôt épique, tantôt éthérée et progressive. Du très bon Enslaved.
_______________________________
C'est heureux et satisfaits que nous retournons au camping avant de plier bagage le lendemain. Encore un grand bravo à une équipe organisatrice qui n'a pas démérité malgré une avalanche de soucis de dernière minute et de problèmes météorologiques, et qui nous a proposé une affiche impressionnante pour une première édition, sans oublier un village viking et des combats organisés hauts en couleurs. On leur dit à l'année prochaine, et en avant pour une seconde édition qui s'annonce déjà unique!
Report : Tom
Photos : Didier Coste
Commentaires
Enregistrer un commentaire