Chronique Rétrospective | Bring Me The Horizon



Bonjour bonjour,

Voici une nouvelle forme de chronique qui adopte une approche beaucoup plus générale d'un groupe en particulier pour en parcourir toutes les facettes. Une sorte de rétrospective qui s'efforce d'analyser la progression artistique d'un groupe tout au long de sa carrière, aussi courte ou longue soit-elle. Il s'agit, contrairement à une chronique d'album ordinaire, de dresser un véritable portrait musical chronologique et de déceler puis d'analyser une structure morcelée en autant de pièces que la discographie ne comporte d'albums. Ce n'est pas un simple catalogue des événements survenus au cour de l'existence du groupe mais bien une chronique avant tout et non content de comporter une chronique par album, c'est aussi l'occasion d'élaborer une réflexion en rapport avec l'évolution musicale du groupe en question. Les axes choisis dépendront des auteurs de ces chroniques, des raisons particulières qui les ont poussés à effectuer un tel travail de recherche sur telle formation et pourquoi son évolution peut être intéressante à étudier. N'hésitez pas à nous donner vos retours concernant ce nouveau type de chronique, quels éléments voulez-vous voir apparaître dans les futurs écrits, etc...

Ainsi, quoi de mieux pour inaugurer tout ça qu'un bon coup de pied dans la fourmilière, le gros pavé dans la mare qui éclabousse tout le parterre incrédule et oblige l'interrogation. Bring Me The Horizon n'est certainement pas le groupe que vous pensiez voir apparaître ici. C'est pourtant lui qui a été choisi pour ce baptême, une pure facétie qui trouve son éventuelle justification dans le traitement apporté par l'auteur, que voici.






Nom : Bring Me The Horizon

Genre(s): Deathcore, Screamo, Alternative Metal, Electro-Rock

Pays d'origine : Angleterre

Années d'activité : 2004 - aujourd'hui

Période approchée dans la chronique : 2006-2013

Discographie

2004 - This Is What The Edge Of Your Seat Whas Made For (EP)
2006 - Count Your Blessings (album)
2008 : Suicide Season (album)
2010 : There Is A Hell, Believe Me I've Seen It. There Is A Heaven, Let's Keep It A Secret (album)
2013 : Sempiternal (album)
2015 : That's The Spirit (album)

I/ 2006 : Count Your Blessings



"Count Your Blessing", 2006


Tracklist

01 - Pray for Plagues     04:21
02 - Tell Slater Not to Wash His Dick     03:30
03 - For Stevie Wonder's Eyes Only     04:29
04 - A Lot Like Vegas     02:09
05 - Black & Blue     04:33
06 - Slow Dance     01:16
07 - Liquor and Love Lost     02:39
08 - (I Used to Make Out With) Medusa     05:38
09 - Fifteen Fathoms, Counting     01:56
10 - Off the Heezay     05:38
11 - Eyeless (Slipknot cover)     04:04

Extrait


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Tous se souviennent du phénomène qui entoura Bring Me The Horizon vers les années 2008-2009, à l'occasion de la sortie de leur deuxième album qui les propulsa au devant de la scène alternative mondiale grâce à sa fan base pour le moins expansive et expressive, à défaut d'être convaincante dans certaines situations verbeuses. Directement catalogué en tant que Screamo juvénile de mauvais aloi par un public peu réceptif à la montée désopilante du groupe, BMTH n'a pourtant pas toujours été cette bande "artistiquement chaotique" menée par un nasillard de première classe à la coiffure subrepticement arrangée.

"Count Your Blessings" est radicalement différent et à démarquer du reste de la discographie de BMTH. En tout point plus élaboré que ses jeunes frères, l'album le plus violent, le plus létal. Oliver Sykes hurle et crachote à tel point qu'on a du mal à croire au même chanteur sur ce premier jet. Nous parlons souvent d'entente entre les différents instruments dans les chroniques, un argument qui facilite l'expression d'un ressenti et donne sa marque de fabrique à un album, une manière de composer débouchant sur l'affiliation d'un groupe à sa musique. Pour le coup, il n'est pas sûr que ce principe de reconnaissance quasi automatique soit à incuber à "Count Your Blessings", tant la différence de son est nette avec les autres albums, le groupe étant davantage reconnu pour les albums qui ont suivi celui-ci.

A proprement parler, "Count Your Blessings" comporte beaucoup plus de matière technique que les autres. Des changements de dynamiques omniprésents rendent les morceaux sauvages, le scream insalubre du chanteur instaurant une certaine arrogance, dans le sens impétueux du terme. Une psalmodie saccadée donnant un corps à la musique, de même que les attaques perçantes de la guitare soliste amorçant dans le même temps un revirement de la batterie et fait s'enchaîner ces différentes dynamiques, jonglant entre le rouleau compresseur des breakdowns lourds et les mélodies frénétiques de la batterie et la guitare rythmique.
Du Deathcore certes, mais un Deathcore dont le breakdown n'est pas l'ingrédient secret. On décèle du Hard Rock, du Progressive, du Metalcore bien trempé ("Black and Blue"), un soupçon de Hardcore, le tout saupoudré d'un vrai désir de se démarquer grâce à un effort de composition hétéroclite presque pittoresque, pour l'époque et pour le genre. "Pray For Plague" et "Black and Blue" se calquent sur le même schéma en proposant des pirouettes rythmiques et en renouvelant constamment les mélodies, diluant de ce fait les refrains dans les couplets et inversement. Il n'y a d'ailleurs aucun refrain dans tout l'album, s'abstenant de cette convention pour mieux relever le caractère fanatisant et destructeur de sa composition. C'est bien ce parti-pris qui rend l'album si significatif dans sa sphère d'influence, 

Hormis la capacité subjacente de Sykes à fournir une nervosité sans pareille, "Count Your Blessings" se dote d'une batterie et d'une guitare soliste aux antipodes de la formalité habituelle du genre, affectionnant généralement la même structure musicale pour se focaliser sur les variations du chant de plus en plus effacées au fil des groupes qui se succèdent. Ici, BMTH se laisse aller à la dérive volontaire par une ponctuation de mélodies variables et variées qui entrecoupent chaque succession de mesure accordées sur une dynamique, pour au final la balayer d'un revers de main et passer à une autre, tout en gardant un esprit collectif. Un phénomène observable sur presque tous les morceaux de l'album, dominé par la batterie menant cette petite danse de rythmiques contraires. Ce jeu de baguettes qu'on ne retrouve dans aucun autre album de Deathcore avant les années 2010 est l'élément clef de cet album, à écouter attentivement.

Un Deathcore très expéditif comme peu avant lui. Oliver Sykes et BMTH ne reviendront malheureusement jamais à leurs premiers amours fulminants.

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II/ 2008 : Suicide Season


"Suicide Season", 2008

Tracklist

01 - The Comedown     04:09
02 - Chelsea Smile     05:02
03 - It Was Written in Blood     04:03
04 - Death Breath     04:21
05 - Football Season Is Over     01:56
06 - Sleep With One Eye Open     04:16
07 - Diamonds Aren't Forever     03:48
08 - The Sadness Will Never End     05:22
09 - No Need for Introductions, I've Read About Girls Like You on the Backs of Toilet Doors    01:00
10 - Suicide Season     08:17

Extrait


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C'est là que ça commence à déraper. "Suicide Season" marque vraiment l'entrée de BMTH dans le marché. Son album le plus commercialisé permet au groupe de se faire connaître à l'échelle mondiale. Parler de chambardement ne serait pas un euphémisme compte-tenu de toutes les conséquences qu'a engendré cette production diamétralement opposée à "Count Your Blessings". De plus en plus populaire, en vogue chez le public pré-pubère qui s'empresse de propager les artistes dans les mémoires à grands renforts d'étranges babillages sur l'aspect purgatif de "Suicide Season", sans réel enjeu argumentatif qui tienne au delà de la simple flagornerie capricieuse. Peu à peu, "Suicide Season" et BMTH deviennent les parangons d'un nouveau genre de public, les "posers", de ceux qui affirment haut et fort sans parvenir à assimiler les canons, au grand daim de leur nemesis, les ronchons, ceux qui affirment haut et fort sans parvenir à atteindre la demi-mesure.

Pour les connaisseurs du premier album, les spéculations vont bon train. Le changement brutal de tonalité pour le chanteur laisse à penser plusieurs hypothèses, allant de la bête reconversion artistique à l'opération chirurgicale faute de problèmes de cordes vocales. Personne ne sait vraiment, si ce n'est le fait que les cordes vocales de Sykes ont été émoussées suite à "Count Your Blessings", l'opération étant alors justifiable. Quoi qu'il se soit passé, Bring Me The Horizon a changé du tout au tout d'un album sur l'autre, passant du Deathcore furieux à un Screamo beaucoup plus léger et, à mon humble avis, musicalement moins puissant. C'est bien cette voix aujourd'hui si reconnaissable qui donna le grain à moudre à la caste des ronchons, protestant sur son caractère agaçant dénaturant par la même occasion l'aspect primitif et violent du Metal. 

Cependant, le concept de catharsis dont la Musique ne peut se détacher est bel et bien la source de tous les déconvenues, ce qui est "bien" pour les uns ne l'est pas pour les autres. Il est rigoureusement impossible, voire interdit, d'établir une charte de la véracité cathartique d'un art dans sa globalité, décider de ce qui est assez fort pour être perçu comme touchant. "Suicide Season" est aussi légitime dans la discographie de BMTH que "Count Your Blessings", toute autre considération relève de l'ordre du goût personnel, à l'origine de bien des débats. C'est là que la rubrique de la Chronique Rétrospective trouve sa place, non pas tirer le meilleur et le pire de chaque groupe, mais prendre une discographie pour la considérer comme une oeuvre dans son entièreté, ne pas effacer complètement une période ou un album avec la loyauté aveugle pour seul mobile. "Suicide Season" n'est pas moins sujet au défoulement que "Count Your Blessings", il est différent (comme ce que te disait ta maman quand tu étais petit).

Différent par son traitement, moins de nervosité, l'album se pose un peu plus, incorporant des constructions beaucoup plus "sûres" que l'expression désordonnée. Presque plus de growl de la part de Sykes, remplacé par d’aigus beuglements pour seul habillage sur les breakdowns passifs, devenus plus nombreux pour l'occasion. On discerne une certaine régression quant à la teneur technique des instruments, qui ne servent plus qu'à renforcer la portée du chant, bien loin de l'infernal débit de "Count Your Blessings". Pas de piques provenant d'autres genres pour palier à la soumission de la batterie face à l'évolution vocale. Peut-être y a t'il corrélation entre la mise en avant d'un chant plus haut placé et "compréhensible" à la production par rapport aux instruments et la nouvelle popularité du groupe, un public sont l'oreille ne peut s'aventurer au delà du premier échelon. Une réduction trop grossière qui résulte d'une mutation musicale trop brutale.

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III/ 2010 : There Is A Hell, Believe Me I've Seen It. There Is A Heaven, Let's Keep It A Secret



"There Is A Hell, Believe Me I've Seen It. There Is a Heaven, Let's Keep It a Secret", 2010

Tracklist

01 - Crucify Me (feat. Lights)     06:20
02 - Anthem     04:50 
03 - It Never Ends     04:34
04 - Fuck (ft. Josh Franceschi de You Me At Six)     04:55
05 - Don't Go (ft. Lights)     04:58
06 - Home Sweet Hole     04:38
07 - Alligator Blood     04:32
08 - Visions     04:09
09 - Blacklist     04:00
10 - Memorial     03:10
11 - Blessed With a Curse     05:08
12 - The Fox and the Wolf (ft. Josh Scogin de The Chariot)     01:43

Extrait


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Pour les doigts de l'auteur et sa santé mentale, le titre de l'album sera présenté en temps que "cet album" sur cet écrit.

Cet album est le plus doux de BMTH. Passant définitivement dans la case Screamo, tout ce qui faisait le sel de "Count Your Blessings" est désormais révoqué. Les intros s'établissent avec l'entrée des accords de guitares et initient une structure beaucoup plus classique que ce que pouvait proposer le groupe auparavant. Il y a toujours cette petite espièglerie concernant les dynamiques mais leur détournement ne coïncide plus vraiment avec une optique de tumulte acéré. La batterie si significative ne se contente plus que de battre la mesure en même temps que les guitares mais se permet quelques embarquées bien sympathique sur "Alligator Blood", une petite pointe torrentielle bienvenue qui vient tordre le coup à l'aspect Screamo édulcoré. L'album est dans son ensemble moins grandiloquent, plus discret malgré une omnipotence plus développée du chant. Oliver Sykes s'aventure beaucoup plus sur le terrain, tentant même de reproduire un scream plus grave sur certains passages, en même temps que les cleans habituels depuis l'album précédent. Il semble plus en accord avec son album que sur "Suicide Season", plus impliqué dans l'affiliation tonitruante entre lui et les autres membres. On ne peut reprocher à Sykes de délaisser sa participation à ses projets, mettant toujours sa pleine énergie afin de ressentir le maximum des possibilités offertes, certes moindres que "Count Your Blessings" mais tout aussi symboliques pour lui-même et le groupe.

Globalement plus énergique que "Suicide Season", l'album ne tombe pas dans la vraie facilité, celle qui fait abandonner ses intentions pour nourrir un pathos commercialisant. Le frisson est nettement perceptible, des titres comme "Alligator Blood" et "Blessed With A Curse" rattrapant le côté débilitant des quelques éléments des autres morceaux, héritage de "Suicide Season". Car même si plus inventif que celui-ci, cet album reste assez inégal, ne laissant derrière lui que trop peu de morceaux marquants en dehors de "Blessed With A Curse". BMTH s'aventure quelque peu en eaux Metalcore et Pop-Metal pour parfaire une atmosphère oscillant entre subtilité modérée et exaltation. Le point noir restant cette trop grande incidence du chant de Sykes à vouloir partir dans une direction moins minutieuse.

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IV/ 2013 : Sempiternal


"Sempiternal", 2013

Tracklist

01 - Can You Feel My Heart ?     03:47
02 - The House Of Wolves     03:25
03 - Empire (Let Them Sing)    03:45
04 - Sleepwalking     03:50
05 - Go to Hell, for Heaven's Sake     04:02
06 - Shadow Moses     04:03
07 - And the Snakes Start to Sing    05:01
08 - Seen It All Before     04:07
09 - Antivist     03:13
10 - Crooked Young     03:34
11 - Hospital for Souls     06:44

Extrait

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L'album le plus controversé par les fans, les ronchons ayant cessé l'écoute après "Suicide Season". Strictement rien à voir avec leurs débuts. "Sempiternal" est un mix assumé de Metalcore, de Screamo et de jams Electro-Pop auquel s'ajoute un chant clean encore plus apparent. Du Dead By April version Screamo, en moins mélodique, chose assez singulière à dénoter pour un groupe ayant démarré de cette façon.

Très planant sur des titres comme "Can You Feel My Heart" et "Sleepwalking", "Sempiternal" a été une surprise pour beaucoup de monde, dont des opinions négatives parfois virulentes, le caractère sacro-saint du Screamo/Metalcore basique ayant été sacrifié au profit d'une plus grande versatilité mélodique, qui rappelle quelque peu Linkin Park ("Go To Hell For Heaven Sake"), déjà débutée sur "Blessed With A Curse". Tous les morceaux ont cette vibe pseudo-symphonique grâce à l'utilisation de samples et de nappes de claviers qui viennent contrebalancer les moments trop enragés pour les choeurs ("Crooked Young"). Sûrement la décision la plus musicalement discutable pour BMTH, l'empathie pouvant se dissoudre bien rapidement avec la répétition trop acharnée des mêmes notes successives de guitares, que les silences que parviennent pas à équilibrer.

L'apport de l'aspect électro-mélodique à une texture Core à de quoi rebuter. Les enjeux musicaux ne sont plus les mêmes. Parler d'une évolution dans la discographie d'un groupe suppute des changements. Une analyse rétrospective d'AC/DC, Powerwolf ou Airbourne aurait moins de sens car radicalement homogène, avec une direction unique. On ne peut parler vraiment d'évolution pour ces groupes, dans la musique même, mis à part les changements de line-up éventuels. Bring Me The Horizon a choisi d'avancer à chaque album, toujours creuser le champ des possibles tout en restant dans leur propre mise en place de la musique, celle qui avait le plus de sens à leurs yeux (et leurs oreilles).

"Sempiternal" marque un aboutissement et une fin, celle de la période Deathcore et Screamo classique, pour se tourner vers un Electro-Metalcore atmosphérique, un choix louable tout autant que celui de Advent Sorrow ou Massakren/Starkill à sortir du style de Black Metal qu'ils s'étaient initié à la base.

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V/ Conclusion

Bring Me The Horizon aura fait couler de l'encre et de salive à force de considérations sur ce que devait être ou pas le Metal. Un dialogue de sourds qui continue d'opposer les partisans fanatiques alors que la question n'a pas lieu d'être, d'autant plus que BMTH n'a cessé de s'éloigner de ce genre d'album en album. Un premier excellent, extrêmement prometteur pour le Deathcore et influence pour beaucoup, un deuxième plus Screamo qu'autre chose, le pinacle du groupe en termes de public, un troisième qui reconsidère sa position, à cheval entre deux manières différentes de composer et de créer une passerelle émotive, un quatrième reprenant des codes empruntés à l'Electro et la Pop en plus de l'Atmospheric et un cinquième à venir, sûrement la suite logique de "Sempiternel", une nouvelle traversée vers un changement radical de dimension, au grand daim de certains (et de l'auteur).

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Classement personnel :

Count Your Blessings > TIAHBMISITIAHLKIAS > Sempiternal > Suicide Season

Personnal Best Of

- Pray For Plague (Count your Blessings)
- Chelsea Smile (Suicide Season)
- The House Of Wolves (Sempiternal)
- For Stevie Wonder's Eyes Only (Count Your Blessings)
- Alligator Blood (TIAHBMISITIAHLKIAS)
- Blessed With A Curse (TIAHBMISITIAHLKIAS)
- A Lot Like Vegas (Count your Blessings)
- Eyeless (Count Your Blessings)
- Suicide Season (Suicide Season)
- Black & Blue (Count Your Blessings)
- And the Snakes Start to Sing (Sempiternal)

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Kalhan


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