Borgne - Règne des Morts (album, 2015)
Tracklist :
01. Void Miasma
02. Αιώνιοι Φόβοι
03. When Swans Are Choking
04. Everything Is A Fallacy
05. Abysmal Existence
06. Fear
07. L'Odeur De La Mort
Extrait en écoute : Fear
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Qu'est-ce que chroniquer si ce n'est confronter deux visions, deux subjectivités, celle du rédacteur face à celle des musiciens? Chercher une impartialité c'est ce fourvoyer dans l'illusion que les émotions de la musique sont perceptibles de la même manière par tous. De ce fait l’intérêt de la chronique s’évanouirait. Lire une chronique c'est chercher à ressentir par procuration les émotions d’une écoute particulière, celle du chroniqueur qui s'efforce avec son vécu émotionnel de partager une expérience singulière.
S'il est ici question de la vision c’est que dans les lignes qui vont suivre cette idée tient une place importante, « Le Règne des Morts » est la vision particulière de Borgne(s). Cette formation helvète – à l'origine projet solo de Bornyhake (ex-Kawir, Enoid, Pure) – marque rien qu'avec son nom l'importance du regard. Les morts se sont d'ailleurs regroupés sous la houlette de l'homme à l'origine du projet pour interpréter et diffuser son règne, sa vision, avec la sortie de ce nouvel opus qui marque la fin d'une trilogie débutée en 2010 avec « Entraves de l'âme » suivie en 2012 du « Royaume des Ombres ».
Cette œuvre monolithique de plus d'une heure et quart est l'expression musicale d'une chute de nécropole dans un esprit. Borgne marque de sa lourde empreinte l'auditeur. Il ne cherche par à nous prendre par la main, nous conduire doucement vers les atmosphères qu'il cherche à développer. L'introduction de l'album qui est censé faire cela n'est qu'un moyen de rendre cette confrontation encore plus violente. Les claviers à la limite du Drone font directement chuter notre entendement dans la violence musicale du groupe. Le jeu de batterie assuré par un programme renforce le côté Indus et machinal, mêlant toute la force et la puissance dont elle fait preuve avec le calme apparent d'un chant entre le guttural et le narré. Chaque mot est déclamé et se détache de la musique avec soin pour aller s'incruster au fer rouge. Au même titre que cette chronique, Borgne ne cherche pas à convaincre, il expose ses atmosphères et ses ambiances, libre à celui qui écoute ou lit ses lignes de les appréhender et/ou de les comprendre. Les métaphores ne sont là que pour illustrer les nombreux effets musicaux qui ponctuent les morceaux. Nous pourrions dès lors discourir et palabrer, rivalisant de comparaisons et d’hyperboles pour chercher toujours le ressenti que peut procurer par exemple l’atmosphère industrielle qui plane sur l'album. Rien ne peut décrire précisément cette influence planante qui se détache de l'idée même que l'on se fait du Black Metal Industriel. Les nappes de clavier Noise/Drone jouent sans nul doute une part importante de son ressenti, tout comme le côté froid, clinique des parties de guitares ainsi que les éléments Électro/Indus. La musique est une aseptisation corrompue, un scalpel stérilisé à un Black Metal déliquescent qui absorbera l’atmosphère du monde qui vous entoure. C'est toute la force de ce mélange qui mêle des parties calmes pour rendre le tout encore plus puissant et violent. Ces moments d'accalmie vous font effleurer la douceur d'un Black Metal Atmosphérique et mélancolique compos de guitares sèches et de claviers aériens voire spatiaux. Il ne s'agit que d'épisodes qui servent le dessein de l’expérience empirique de la violence qui revient avec une nouvelle force.
Si nous nous sommes point attardés sur des morceaux en particulier c'est lié à la façon dont a été appréhendé, l'album, c'est à dire en un seul bloc. Ne nous fourvoyons pas il s'agit bien d'un élément composé de plusieurs parties avec ses caractéristiques propres, où chaque morceau est différent, une vision autre qui forme un règne unique. Que ce soit le très electro/indus, 'Abysmal Existance', le Black Drone de 'Void Miasma' le quasi aquatique 'Fear' avec son chant entre Coldwave et Black Metal. Il s'agissait surtout d'un ensemble qui coexiste pour construire « Le Règne des Morts ». L'entreprise avait de quoi faire peur aux plus téméraires, mélanger l'Indus au sens large avec du Black Metal Atmosphérique le tout avec un morceau en Grec, un autre en Français dans un album dominé par la langue de Shakespeare. Ne nous arrêtons point là et invitons Dirge Rep (Gehenna, Enslaved) à écrire des paroles ainsi que Spellgoth (Horna) au chant. Borgne étant Borgne, il s'en tire à merveille avec un album complet qui tire sa force de sa complexité et de son efficacité.
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Auteur : Morgan
Un bon groupe de black métal.
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