Chronique | K.F.R (كافر) - "Death March", 2014


K.F.R - "Death March" (Album, 2014)

Tracklist:

1. Der Antikrist
2. The Devil Has Come Home
3. Stab the Bitch
4. Bound To Die
5. Death March
6. Death March (Epilogue)
7. Welcome My Son
8. Funeral
9. Bonus Track: Astral Light

Extrait en écoute:


__________________________


On pourrait se demander s'il est possible de faire plus bizarre et dérangé qu' ''ANTI" et "Nekro", mais   l'album "Death March" sorti en décembre dernier, est une autre expérience parmi les trois que comptent la discographie de K.F.R, sans compter les deux Eps et le split tous enregistrés en 2014. C'est en réalité le dernier à ce jour puisque "Nekro", sorti en 2015, a été enregistré en 2013; Maxime Taccardi a entièrement enregistré "Death March" en une semaine seulement (composition, mix et enregistrement), totalement guidé par son instinct. Ça donne quelque chose de tout aussi inquiétant et funèbre, mais moins sale et beaucoup plus industriel et martial: l'artiste oeuvre concrètement dans un style EBM/electro dark, sans vraiment se fixer de limite. On découvre donc dans cette marche funèbre, un autre aspect du style de K.F.R., beaucoup moins dans l'esprit Black du premier album, mais au moins aussi nauséeux et barré. 


Maxime Taccardi souhaite faire coïncider ses oeuvres avec sa musique en réalisant ses propres artworks, ses propres court-métrages qui font partie intégrante de tout le projet, et d'ailleurs chaque morceau a son équivalent pictural. La pochette ici diffère nettement des autres, qui inspirent davantage la terreur. Je dirais que c'est un autoportrait mais je n'en suis pas certain. Dans le cas d'un projet comme K.F.R., le résultat sera réussi si les différents éléments se complètent pour former une unité qui fait qu'on ne peut enlever quelque chose à cette oeuvre si l'on veut qu'elle reste exhaustive. En observant cette pochette, je m'attends à quelque chose de macabre mais de plus personnel, autobiographique, pour reprendre l'idée évoquée dans ce même paragraphe. 

"- C'est qui le Šayṭān? - Le diable" - K.F.R., 'Stab the Bitch'
On se retrouve avec un album à tendance electro indus rempli de samples très inventifs qui mettent en valeur les textes de Maxime et sa voix, toujours aussi sordide et traumatisante. Les rythmes se rapprochent souvent de chansons type 'Three' de The Cure, par exemple. On remarque également la présence de voix féminines, notamment dans le morceau 'The Devil Has Come Home', qui incarne parfaitement la symbiose entre ce à quoi K.F.R. nous a habitués depuis sa création, un Black Metal/Dark Ambient à l'esprit "Légions Noires" -, et l'apparition de nouveaux éléments rendant le tout moins crasseux et plus simple rythmiquement. Ce n'est donc pas un virage à 180 degrés, la voix reste encore très inspirée par le Black Metal. Mais c'est tout simplement différent et envisagé d'une autre manière. Les guitares et la batterie sont occultées au profit des samples qui prennent beaucoup d'importance, bien que la voix déchirante et torturée qui fait l'identité du groupe soit toujours là, et souligne bien le côté rampant et mortifère de cette marche funèbre. Cette dernière est introduite dans 'Der Antikrist' par un passage à l'orgue particulièrement bien placé et accompagné par des lamentations blasphématoires. Attirés par l'obscurité, nous avançons dans un tunnel, guidés par les échos de cette voix funeste qui nous appelle et nous rend complètement dingues. 

"Death March" s'apparente à un songe, un cauchemar qui nous enfonce dans la folie; la mort vient aspirer notre âme qui, captive, tente désespérément d'échapper à cet enfer où règne la souffrance engendrée par l'Antichrist. 'The Devil Has Come Home', un des morceaux les plus dépressifs et sinistres composés par K.F.R., s'apparente presque à une scène d'exorcisme et de conflit alors que c'est une scène d'allégeance à Satan. 'Stab the Bitch' en revanche, est une compo beaucoup plus directe et entraînante qui pourrait paraitre surprenante pour quelqu'un qui découvre le groupe avec "ANTI". Cet album, dans son ensemble, est peut-être plus varié et moins monolithique, ici les morceaux ont des traits communs mais certains, par exemple, se passent totalement de la voix de Maxime Taccardi. Le titre éponyme de l'album et son épilogue, sont sûrement les plus marquants que l'on puisse trouver dans cet album: les accélérations rythmiques, les délires dans lesquels nous plongent les claviers et des cris à glacer le sang, nous emportent dans le flot de démence et les fantasmes de notre esprit. Le long solo de keyboards dissonant et épileptique donne un côté expérimental au morceau et  va remarquablement bien avec l'ancienne pochette de l'album, qui représente une horde de teletobies menaçants entourés de fleurs géantes putréfiées par un soleil déclinant.




'Welcome My Son', le dernier titre enregistré dans la session, vaut vraiment plus qu'un simple coup d'oeil. L'amateur de Black Metal est de nouveau pris au dépourvu avec des passages chantés et d'autres vraiment mélodiques, harmonieux musicalement, intimes et plus apaisés, qui se poursuivent dans la conclusion Dark Ambient de l'album. 

En un sens, "Death March" est un album  plus diversifié que les autres, et dévoile le champ de directions possibles que pourrait prendre K.F.R par la suite. L'édition digipack de "Death March", qui sera disponible en mai, deux mois après la parution de la tape, sortira avec 'Astral Light', un titre bonus composé en hommage à Edgar Froese, l'un des pionniers de la musique électronique, fondateur de Tangerine Dream, qui a été influencé par la peinture de Salvador Dali: "En voyant la façon qu'il avait de parler et de penser, je me suis rendu compte que tout était possible. Et je me suis dit que ce qu'il était en train d'accomplir à travers la peinture, j'allais essayer de l'accomplir à travers la musique". C'est donc un projet qui ressemble beaucoup à celui de Maxime Taccardi. 





K.F.R est donc un groupe qui n'a pas fini de nous surprendre et qui progresse rapidement parmi la masse de groupes de la scène française underground. Si rien n'est plus assez macabre et percutant pour vous et que vous en avez marre d'écouter du DSBM, allez-y, jetez vous sur cet album. Plus accessible que ses prédécesseurs, il n'est pourtant pas moins chargé en violence émotive que les autres. Une claque potentielle est en vue. 



"Life's a bitch
Life's a whore
You claim for justice
There is no more
You fake your life
Just to justify
You don't ask 
For a reason why
You're full of shit
You get fucking high
No redemption
You're just bound to die
Everything is bound to end
Everything you'll understand"

(K.F.R - 'Bound to Die')



Tom

___________________________






Commentaires