La Série Noire : émergence d'un label indépendant.



« Que le lecteur non prévenu se méfie : les volumes de la Série noire ne peuvent pas sans danger être mis dans toutes les mains ».


  Nous sommes en 1948. La Série noire, collection de romans policiers et romans noirs publiée par Gallimard fête ses trois années d’existence. Pourtant, Marcel Duhamel continue de prévenir le lectorat français. A son premier avertissement il rajoute ceci : « Parfois, il n’y a pas de mystère. Et quelques fois, il n’y a pas de détective du tout… Mais alors. Alors il reste de l’action, de l’angoisse, de la violence ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui, à ce détail près qu’il faudra comprendre le terme « action » du point de vue de la physique, c’est à dire comme la force qu’un corps exerce sur un autre corps. Contrairement à ce que pourraient penser les vaniteux, notre enveloppe charnelle n’a décroché que le second rôle. Ce premier corps, la vedette en action, c’est le son. Mais peut-être devrions-nous dire « bruit » ?

 A première vue, c’est bien dans ce domaine – celui de la Harsh Noise – qu’officie La Série Noire, obscur label parisien dont la genèse remonte à l’aube du 70e anniversaire de la collection de romans policiers. C’est cette même structure que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui, en retraçant son évolution, en commentant son « catalogue ». A la manière de Marcel Duhamel nous devons vous mettre en garde ; le parallélisme qui coexiste entre les deux entités n’est pas anodin. Aussi, nous savons d’ores et déjà que vous serez nombreux à vous perdre en route.


.Worhs ‡ Le Temps des Blasphèmes.



  Si par un heureux hasard vous êtes familiers avec La Série Noire, vous aurez remarqué que le premier effort de Worhs ne fait pas partie de son catalogue. Le Temps des Blasphème n’a pas eu cette chance, par un ironique concours de circonstances. En effet, la sortie de l’album a précédé de neuf jours le lancement du label. Pourtant – et parce que le projet est étroitement lié à la structure susmentionnée – cette production est considéré comme « le patient zéro » de LSN.

 Né des cendres de Destroyers of History, Worhs vient justifier le sous-titre « Black Metal » que l’on aperçoit sur la bannière du label. Si le morne paysage qui se dessine dans le Temps des Blasphèmes ne nous surprend pas, il est intéressant de noter que l’album s’intéresse en partie Mustafa Kemal Atatürk, premier président de la République de Turquie. On pense ici au morceau « Aniktabir ou le Triste Constat », Aniktabir étant le nom du mausolée érigé en l'honneur d'Atatürk

  D’aucuns ont rapproché Worhs aux Légions Noires, comparaison qui se tient si l’on juge l’album par la qualité de sa production. Pourtant, et sans révolutionner le style, le Temps des Blasphème ne se cantonne pas au pur Black Metal. Les fanatiques du style seraient d’ailleurs surpris à l’écoute de certains passages du morceau « Les Yeux Ouverts ». Chaotique, imparfait et parfois approximatif, ce premier album n’en reste pas moins une belle découverte pour tous ceux qui, comme nous, sont charmés par la poésie des hommes torturés.


.WDNxH ‡ Teil I – Have A Nice Day.



  L’image actuelle de la Série Noire – celle qui se présente pour l’instant aux yeux des internautes – est celle d’un label particulièrement intéressé par l’univers de la Harsh Noise. C’est à l’aube de cette année 2015 que s’est dessiné cette représentation, avec la sortie de « Teil I – Have a Nice Day », premier effort d’un projet intitulé WDNxH. A l’instar de la dimension occulte de la structure et de l’album, ce dernier a été dupliqué en une édition limitée de 25 CD-R sous pochette plastique.

  Bien qu'il soit ici question de Harsh Noise, il est possible de rapprocher "Teil I - Have a Nice Day" de l'album éponyme de Thorns (Black Metal, Norvège) tout en restant cohérent. En effet, nous retrouvons dans N#1 et N#2 la dimension répétitive et les sonorités machiniques présentes dans des morceaux tels que "Shifting Channels". N#1, du haut de ses 36 minutes, allonge le format des norvégiens et se présente comme la bande sonore rêvée d’une Metropolis réaliste, dont la sombre intention ne serait pas gâchée par un Happy End imposé. La complexité de cette écoute repose dans l’abandon le plus total de l’individu au bruit. Il faut accepter de se laisser emporter par la répétition ; autoriser le bruit à exciter nos sens. En somme, il faut être en position d’accueil.

  Lugubre et lancinant, « Teil I - Have a Nice Day » est sans doute une des meilleures façons d’approcher la Harsh Noise. Au sein du bruit, WDNxH relève le défi de développer une certaine musicalité. C’est d’ailleurs la découverte de cette production qui a – en partie – motivé la rédaction de cet article et notre collaboration avec La Série Noire

.III ‡ .023.
 


  Sur le papier, il n'y a qu'un substantif qui différencie III de WDNxH. Notre périple - qui avait débuté avec une production de Harsh Noise - se poursuit dans une surenchère sonore : le Harsh Noise Wall. Le bruit à l'état brut. Le bruit en tant que seul et unique ingrédient. C'est ici que nous pensons vous perdre, alors que tout repère est mis à mal.

  Une fois de plus, ce projet est étroitement lié au Black Metal. Pourtant, cette fois-ci le parallèle ne concerne pas le rendu final. Il se trouve, tout simplement, que la tête pensante de III n'est autre que le chanteur et guitariste de Strynn : Anadrark. Au sujet de son side-project, ce dernier affirme ceci : "l'absence de concept et de contexte est volontaire. Je trouve, sans être péjoratif, que le Harsh Noise Wall est un courant artistique assez absurde. Après tout, nous ne faisons que méditer sur une texture sonore qui sonne comme une télévision hertzienne en fin de vie qui tente désespérément de capter une chaîne." 

   Il est évident qu’ici les choses se compliquent, et que le plus grand nombre ne réussira pas à trouver de charme à ".023". Curieux exutoire, il faut une oreille et une sensibilité particulières pour réussir à apprécier cet album. Tout comme pour "Teil I - Have a Nice Day", ".023" a été dupliqué en une édition limitée de 25 CD-R sous pochette plastique.


 .WDNxH ‡ Teil II - Madame.


14 février. Alors que nous sommes occupés à concocter une playlist intitulée "50 Shades of Grind" pour les plus romantiques de nos lecteurs, La Série Noire nous en dit plus sur le deuxième chapitre de WDNxH. Nous apprenons donc que cet effort sortira le 10 mars prochain.

  La jaquette de « Teil II - Madame » est surprenante. Surprenante parce qu’elle nous éloigne du sombre univers industriel amorcé par le premier chapitre, avec un choix de couleurs inattendu. Au cœur de cette astrale vision, nous retrouvons le dos dénudé d’une femme. A l’instar de sa candeur, les fibres de sa peau sont toutes roses. Rose comme ce « x » chromosomique astucieusement mis en valeur.


  Dans sa quête de renouvellement et d'originalité, Willow a fait appel à Romariok pour l'épauler, collaboration dont le fruit s'intitule N#3. A nouveau seul maître à penser, il empoigne sa guitare et chante la femme parisienne dans un morceau plus mélodique, plus aérien. Et c'est sans doutes cela qui marque "Teil II - Madame", cet air que l'on respire enfin, cette approche de la musique, à la fois triste et extravagante. Nous n'en dirons pas plus, mais n'oublierons pas de vous rappeler la sortie de cette nouvelle production.


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La Série Noire
 

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