Chronique spéciale Vendredi 13



Si vous êtes atteint de Paraskevidékatriaphobie, lisez cette chronique, ça n'en sera que plus drôle.
Aux Etats-Unis, il n'y a pas de 13ièm étage dans les buildings et autres constructions surélevées. Pour les grecs, le Vendredi est associé à Arès, le dieu belliqueux, et donc l'apologie de la furie guerrière. Pour les italiens, le Vendredi 13 est au contraire synonyme de chance et d'opportunités, à l'inverse du Vendredi 17 qui remplace alors le jour maudit. Y en a toujours qui veulent pas faire comme tout le monde.


Certains habitués fortunés (ou pas) de jeux de hasard en viennent même à vouloir convertir la malchance en chance, et de ce fait s'adonnent plus que de raison à leur passion ce jour-ci plutôt que les autres. Mais le fait le plus révélateur de cette superstition s'est passé en France, au XIV ièm siècle. Alors que nos amis Templiers rentraient péniblement chez eux pour mettre en lieu sûr le butin acquis dans le sang aux croisades, Philippe le Bel ordonna l'arrestation de centaines de membres de l'ordre, à Nîmes, en les accusant d'hérésie. En réalité, notre bon roi craignait plus l'influence et la puissance économique toujours plus grandissantes de ces chevaliers en Europe qui réduisaient l'autorité des cours royales que leur possible affiliation au Malin. La légende raconte que les survivants embarquèrent l'or et voguèrent vers des horizons inconnus, emportant avec eux le trésor le plus important de l'histoire de l'humanité (même si celui de Darius III au IVièm avant J.C ou de l'Invincible Armada en 1733 ne seraient pas en reste), que l'officier SS Rommell aurait soi-disant cherché puis retrouvé pour finalement le mettre en lieu sûr, mais ça c'est une autre histoire.
Tout ce que je viens d'évoquer n'a aucun lien avec la musique Metal mais il est bien connu que les musiciens de cette grande famille se plaisent à puiser leurs inspirations dans les mythes, l'ésotérisme, la mort et toutes ces choses follement amusantes. Aujourd'hui, le Vendredi 13 n'a plus rien de terrifiant pour les pauvres athées insouciants et le reste du monde mais la culture populaire s'est emparé du phénomène pour l'ériger en divertissement de grande envergure pour certains médiums. Si le cinéma et la littérature se plaisent à tourner l'évènement en folklore parmi tant d'autres au service de notre imagination, le Metal n'en est pas exempt, bien que cette légende ne soit pas si utilisée que ça dans le milieu, ou alors juste un titre ou un album par-ci par-là.

I/ Wednesday 13 - Skeletons, 2008


01 - Scream Baby Scream
02 - Not Another Teenage Anthem
03 - Gimmie Gimmie Bloodshed
04 - From Here To The Hearse
05 - Put Your Death Mask On (extrait en écoute)
06 - Skeletons
07 - My Demise
08 - With Friends Like These...
09 - No Rabbit In The Hat
10 - All American Massacre
11 - Dead Carolina
Ressortons les squelettes du placard et le "Skeletons" de la discothèque (on me pendra pour ce genre d'humour). Vous connaissez sans doute Wednesday 13, de son vrai nom Joseph Poole, car il a été chanteur des groupes Maniac Spider Thrash et Murderdolls, formé avec Joey Jordison, avant de créer son projet solo en 2004, changeant de line-up à chaque album. Comme la chronique est très longue, en plus de bourrer vos petits cerveaux de savoir inutile, je ne vais pas m'attarder d'avantage. Joseph n'est pas content. Sur la pochette il te fixe, l'air mauvais. Pète un coup et dors un peu, c'est pas comme ça que tu vas t'intégrer.
Gorgé de Korn (à leurs débuts) et Marilyn Manson comme tout petit rejeton du poussiéreux et excellentissime "Holy Wood" de qui se respecte, "Skeletons" s'inscrit dans un Horror Punk/Alternativ Rock à petites touches Heavy très catchy, endiablé et foutrement électrique. Joseph se déchaîne, les rimes s'enchaînent et dans la danse les guitares nous entraînent. Que ce soit du headbang sur le refrain de "Put Your Death Mask On", du poing et pieds martelants sur le rythme de "Gimme Gimme Bloodshed" ou du simple dodelinage de tête approbateur sur les guitares de "No Rabbit In The Hat", l'énergie est perceptible et l'envie de découper du pancréas à la machette dans la bonne humeur et le sourire d'une oreille à l'autre se fait sentir. Les guitares crépitantes et la voix du chanteur semblable à un cabri surexcité n'en finissent pas de battre la mesure.
L'album sait s'y prendre avec le rythme. Il combine la variété des morceaux avec ses ouragans de notes débridés, la fougue de Jospeh qui s'accorde parfaitement avec les guitares et leur étrange mazurka oberka Punk et ses ballades d'accords très ordinaires (un peu trop d'ailleurs). "Gimme Gimme Bloodsheat" renoue avec cet esprit musical très libérateur fin 90/début 2000 avec le débit vocal coordonné avec les riffs des guitares en intro de morceau, pour d'emblée, donner un ton à la fois léger et bouillonnant (qui me rappelle la cover de Britney Spears par Children Of Bodom). La batterie utilise ses cymbales et ses toms clairs à bon escient pour donner du corps aux morceaux et ajuster la précision rythmique des guitares et le flow de Joseph. Si les chansons sont en général concises (autour des 3 minutes), ce n'est pas par flemmardise mais par dosage. Un album qui se concentre sur la fulgurance et la hardiesse éphémère aura intérêt à condenser sa musique pour plus d'impact et de flux survolté au niveau des articulations qui suivront la mesure.
Wednesday 13 s'est forcément inspiré du mythe du Vendredi 13 pour le nom de son groupe (je vais aller loin avec ce type de réflexions). Mais la direction artistique prise par Joseph ne s'accorde pas vraiment avec l'esprit mystérieux de ce jour. De là à rapprocher cet album avec le thème d'aujourd'hui, ce n'est pas vraiment ce qu'il y a de mieux mais les groupes faisant honneur au chiffre maudit ne courent pas les rues. Au final, ce qui compte c'est le résultat et "Skeletons" ravira pleinement les amateurs de Punk-Rock horrifique qui s'infiltre dans vos membres pour les faire se mouvoir avec la grâce saccadée du sac d'os dérangé de son sommeil éternel par ce vacarme. Oui je galère avec mes analogies.
Notons que, influencé par le bien connu Rob Zombie, Joseph Poole a tenu à toucher de la caméra en réalisant un court métrage d'une demie-heure nommé Weirddo A Go-Go le mettant en scène au milieu de poupées et marionnettes. Un film de plus grande envergure serait sur le feu mais rien n'indique actuellement l'état de la progression ni si ce projet est toujours d'actualité.



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II/ Black Sabbath - 13, 2013


01 - End of the Beginning
02 - God Is Dead? (extrait en écoute)
03 - Loner
04 - Zeitgeist
05 - Age of Reason
06 - Live Forever
07 - Damaged Soul
08 - Dear Father
Titres bonus de l'édition Deluxe
09 - Methademic
10 - Peace of Mind
11 - Pariah
Cet album mériterait une chronique unique et plus développée, mais pour les besoins de ce Vendredi 13, le choix est assez mince en ce qui concerne groupes et albums de Metal... 19 ième album du légendaire Black Sabbath après 17 ans de silence studio (si on fait abstraction de "The Devil You Know" par le pastiche Heaven & Hell ), "13" s'est fait attendre par la communauté, après l'annonce de la dissolution du groupe en 2010 suite à la disparition (l'autre mot est bien trop dur à écrire) de Ronnie James Dio. Beaucoup d'encre a déjà coulée à propos de cet album, je ne ferai dans tous les cas que répéter ce qui a déjà été dit, mais qu'importe. Le sculpteur Spencer Jenkins et le photographe Jonathan Knowles sont les créateurs de cette pochette pour le moins marquante et intriguant. Représentation enflammée d'un pied de nez entre membres du groupe et producteurs. En effet, le nom de l'album est le résultat d'une coquetterie. A la base, le label a donné comme directives l'écriture de 13 titres. Les membres du groupe ont procédé à l'élaboration de 10 chansons et se sont arrêtés là, estimant que c'était le chiffre optimal. Le label a répliqué que l'album allait s'appeler "13" car il comporterait 13 titres et qu'ils devaient continuer. Au final, 16 ont été écrits pour l'album, les 10 premiers étant assez lourds, respectant de ce fait le climat de lalbum, et les 6 autres un peu plus différents (de l'acoustique, côté blues, rythme plus rapide, etc...) mais 13 ont été retenus pour être incorporés, disséminés selon la version standard, Deluxe, Japon, Best-Buy.
La première chose que l'on pourrait remarquer dans cet album c'est le côté intemporel de la composition. Le ton Black Sabbath est tout de suite audible, la guitare lourde de Tony Iommi, la basse volubile de Geezer Butler et le chant policé de Ozzy. Cependant, si les musiciens gardent cet esprit Old School, on sent leur volonté de reluire un peu plus le son du groupe vieux de plus de 40 ans. Pour le coup, on catégoriserait "13" de Heavy assez massif, bardé d'influences de Doom taciturne et d'appuis Blues moderne. Le tempo est beaucoup plus lent que ce à quoi on s'attendait, surtout sur les deux premiers morceaux "End of the Beginning" et "God is Dead" qui pourraient presque passer pour des ballades particulièrement opaques. Les paroles d'Ozzy roulent sous sa langue, portées par une voix monotone et hypnotisante, les guitares sont taquines, dans le contrôle de la mesure, l'acoustique et l'électrique forment un duo complice qui donne toute sa saveur à ce début d'album. Ces deux titres sont une introduction quasi-parfaite pour faire correspondre Black Sabbath à cette nouvelle ère du temps et aux canons musicaux actuels en mixant la mélodique période des années 80 avec une pesanteur Doom un peu groovy du siècle suivant.
"Loner", "Zeitgeist","Age Of Reason" et "Methademic" s'inscrivent dans une veine plus Heavy, tantôt calme tantôt très découpée et hachante (Vendredi 13, Jason, machette, trancher, n'est-ce pas). Les séniors s'en donnent à coeur joie pour nous proposer de la modulation articulée principalement autour de Tony. Je n'ai jamais été fan de la voix de Ozzy depuis les années 90 mais je dois bien avouer que sur cet album, c'est sans fausse note que sa voix si caractéristique se confond bien avec la guitare de Iommi, cette distorsion délimitée avec précision. Black Sabbath nous livre avec cet album des morceaux très longs, pleinement en accord avec ce que le groupe veut nous communiquer. L'aspect Doom Old School de "13", qui n'est pas sans rappeller Saint Vitus, venant picoter le Heavy est clairement identifiable. "Edge of Reason" et "Dear Father" (en plus des deux premières chansons), sont menés par le tempo assez lent des instruments, accompagnés par un Ozzy presque lancinant. "13" est comme un bon vin, on le déguste lentement, cet album fait la part belle à un Heavy/Doom très dense. Une réussite.
Je n'ai pas la place de rentrer dans les détails, mais cette réunion jouissive accouche d'un album ma foi très satisfaisant, marqué par une innovation dans le son de Black Sabbath. Même si plongé dans la vaste marée des groupes modernes plus ancrés dans un modèle musical en constant changement, le son de "13" est univoque. Tony, Ozzy et Geezer sont inimitables.


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  Comment aborder le Vendredi 13 sans parler de la série de films "Friday The 13th" qui mettent en scène le serial killer Jason Voorhees et son fameux masque de hockey ensanglanté. Cette saga cinématographique longue de 12 films a introduit un nouveau genre du cinéma d'Horreur, le slasher, fonctionnant sur le principe d'un monstre ou horreur invincible traquant inlassablement des humains dans le but de les découper en fines rondelles de sauciflard. Si depuis quelques années les films connaissent un affaiblissement du ressort narratif et sont responsables de pas mal de dérivés du slasher à la portée philosophique aussi longue que la capillarité de John Gallagher (Dying Fetus), la création de Sean Cunningham est devenu une référence culte en la matière. C'est de cet univers que le groupe de Thrash brésilien Crystal Lake tire son nom, le camp Crystal Lake étant le lieu de prédilection où se passent les tueries des films "Vendredi 13".

III/ Crystal Lake - Terror Machine, 2007


01 - Intro
02 - Damage Is Done
03 - Terroristical Truth
04 - Stay Away
05 - Self Hate
06 - Terror Machine
07 - Face Your Enemy
08 - T.W.R.
09 - Downfall
10 - Blackout
11 - Wide Open Sores
12 - Bombardment (extrait en écoute)
13 - Marafo De Exu
Apparaissant dans la compilation brésilienne "Valhalla Demo Section Vol. II" avec le titre inédit "Third World Reality", Crystal Lake se dote pour le moment d'un seul album, "Terror Machine". La pochette pleine de mort et porteuse de tétanos nous avertit du caractère crasseux et rouillé de l'album. Si celui-ci tient son nom des films "Friday The 13th", celui de l'album en question nous vient du nanard de Robert Rodrigez. Mais si, vous savez, le film avec Rose McGowan qui se greffe une gatling à la place de la jambe. Crystal Lake donne tout de suite le ton, le sang et le frelaté font parties intégrante de leur musique.
Leur Thrash est assez gras , les riffs sont d'une rusticité vieille école et la batterie se confond avec la guitare rythmique. Haroldo Habermann pousse de sa voix balourde mais peine à relever l'instrumental. Tout se suit avec une régularité ordonné, malgré la nature très bordélique du genre auquel la formation s'adonne. Ce qui prime c'est l'aspect fouillis, comme à peu près tous les groupes de Thrash. A défaut de transcender, Crystal Lake s'investit à fond, faisant des innovations techniques un morceau de chair sanguinolent. Que celui qui cherche la finesse passe son chemin. La bouillie c'est très nourissant.
Lors de certains riffs de guitare granuleuses, on pourrait se surprendre à reconnaître une patte Melodeath, mais celle-ci serait alors broyée dans l'engrenage imperturbable de la machine brésilienne pleine de rouille. Cependant, même si la volonté de travailler l'aspect immobile de la composition apparaît comme une évidence, et c'est un parti-pris comme un autre, il s'essouffle à mesure que les morceaux se suivent. Les 3-4 premiers titres mettent en avant la facture globale de la musique de Crystal Lake, mais on s'attend par la suite à quelques variations intrinsèques à la progression musicale. Pour faire clair, on entend sans écouter. Tout a déjà été joué dans "Damage is Done", "Terroristical Truth" et "Stay Away". C'est dommage dans le sens où il ne faudrait pas grand-chose pour ajouter un peu de piment à une musique trop terne dans son exaltation, pourtant bien fagotée, quelques mélodies supplémentaires à la guitare ou un petit solo de batterie de temps en temps (en début ou fin de morceau), par exemple.
La formation brésilienne ne brille pas par son inventivité, mais c'est heureusement quelque chose que l'on ne demande pas à tous les groupes, sinon "originalité" serait un mot bien vide de sens. Si vous cherchez du Thrash bourrin sans autre forme de concession, ne vous privez pas.


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La chronique touche à sa fin, terminons avec une anecdote rigolote. Ari Lehman est le premier interprète de Jason des "Friday the 13th". Il lui arrive également depuis peu de tâter du clavier et du micro dans le groupe First Jason. Tenant plus du crossover amusant que d'un véritable projet musical sur le long terme (du moins pour l'instant), le groupe n'a à son actif que quelques chansons, dont deux clips faits de bric et de broc pour la déconne. Les paroles des titres sont évidemment reliés aux films et à son personnage.



Bon Vendredi 13, que la malchance vous soit favorable.

Kalhan





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