Chronique | K.F.R. - "Nekro", 2015


K.F.R. - "Nekro" (album, 2015)

Tracklist

1. Intro 
2. I
3. II
4. III
5. IV
6. V
7. VI
8. VII

Extrait en écoute



___________________________________


Vous pensez être dégoûtés du Black Metal et de ses ramifications et commencez à vous sentir ennuyés par les monotones sorties de nouveaux clones? K.F.R. constitue la preuve vivante que le renouveau existe et l'inventivité artistique reste présente dans ce milieu. Il s'agit d'un des groupes français les plus étonnants que j'ai pu découvrir en 2014, avec la sortie d' "ANTI", un opus dense, flippant et fascinant, deux EPs, et deux autres albums, dont le dernier, enregistré en 2013 et intitulé "Nekro", n'est finalement sorti qu'en janvier 2015. Le but de ce projet de Maxime Taccardi, artiste connu pour avoir illustré de nombreux albums comme ceux de Drowning The Light, Psychonaut 4…, ainsi que pour beaucoup de ses oeuvres réalisées avec son propre sang, est de transposer le langage de son art pictural en langage musical. Cela rappelle sans peine le concept d'art total (Gesamtkunstwerk) développé par Richard Wagner. Il est impossible dans le cas de K.F.R., actuellement formé de son leader et du batteur Déhà (Imber Luminis, Clouds, We All Die (Laughing)) de séparer le contenu visuel du contenu auditif tant les deux se complètent, et même se confondent. 

Black Metal, Dark Ambient, Noise se côtoient et se mélangent dans cet opus qui happe l'auditeur comme une âme perdue dans un cauchemar duquel elle n'arriverait pas à sortir. Les voix et les cris stridents nous rappellent au néant et à la ruine, bref cet album est un manifeste du désespoir. K.F.R. est l'un des rares combos à m'avoir autant fait ressentir d'émotions, et présente ici des similarités avec quelques grands noms, comme Silencer ou encore les débuts de Bethlehem, groupes que j'apprécient spécialement. Les régulières montées d'adrénaline, dont les plus éprouvantes se retrouvent dans les deux derniers morceaux, sont vraiment mémorables, délicieusement déprimantes dans cet album particulièrement dérangé et sombre. Ces moments où nous sommes littéralement happés par l'effet de surprise et écrasés par l'horreur suggérée par l'artiste, sont le fait d'une une voix impressionnante ainsi que d'une instrumentation Noise/Ambient que l'on retrouve régulièrement. Le côté sinistre du Dark Ambient complète l'univers de cette oeuvre étrange et inquiétante. 

L'album a vraiment une profondeur et on pourrait presque lui donner une forme physique grâce à la pochette qui traduit de la meilleure des manières le malaise profond dans lequel nous sommes plongés dès la première piste, 'I', qui contient toute la brutalité nécessaire pour nous propulser dans le monde totalement fou et crasseux de K.F.R.: les riffs forment un mur épais de brouillard sonore légèrement désynchronisé de la batterie, accompagné par le chant traumatisant de Maxime Taccardi, avec des moments d'accalmie jamais très longs dans cet opus extrêmement travaillé mais moins tortueux qu' "ANTI" l'avait été dans mes souvenirs. Le Funeral Dark Ambient permet de créer des atmosphères variées en fonction des effets de contraste et de surprise, même s'il joue un rôle moins important que dans les travaux suivants. On sent une différence par rapport aux sorties plus récentes de K.F.R., comme "Death March" (fin 2014), dont le contenu musical est encore plus étrange, avec des éléments EBM, Darkwave etc, car "Nekro", tout en restant dense et intéressant, est plus accessible que le reste de la discographie du groupe, qui repousse toujours plus loin les limites de l'expérimental, avec inventivité. 

Il est pratiquement impossible de mettre des mots sur cette expérience, mais je dirai sans peine que dans "Nekro", c'est plus la folie que la tristesse qui parle. Un amoncellement de cadavres à demi décomposés dont s'échapperait de temps à autre une âme damnée se répandant dans l'espace en hurlant, telle est ma vision de cette transe violente qui provoque hantises et angoisse chez ceux qui l'écoutent en entier. Vous ne souhaitez pas y laisser votre esprit et votre raison? N'écoutez pas cet album. 

___________________________________

Tom



Commentaires