Nachtmystium. Dans la nouvelle vague du Black Metal, ce groupe ne passe pas inaperçu, un des fers de lance de la scène BM Américaine, un Black Metal psychédélique, malsain, dirigé par Blake Judd, toxicomane reconnu, ce qui a inspiré le célèbre “Addicts : Black Meddle Part II”, un musicien talentueux, qui a pris bien soin de foutre sa vie en l’air avec la drogue et d’en faire le thème de sa musique. Peut-être se voyait-t-il en artiste maudit, en Kurt Cobain du Black Metal, peut-être le monde aurait pu se souvenir de lui ainsi. Mais il n’en sera rien, il en a fait le choix lui-même de par ses actions. Car la réputation de Nachtmystium et de Blake Judd ne tient pas qu’à ses CD, et elle n’est pas non plus élogieuse, l’histoire ne s’arrête malheureusement pas à la prise d’héroïne, le contrecoup de son addiction s’est répercuté sur son entourage, et plus grave encore, ses musiciens, et ses fans. Les personnes prisonnières d’une addiction aussi destructrice, voient leur vie régie par la drogue, leur vie se focalise sur comment l’obtenir, et pour cela tous les moyens sont bons. Et Blake Judd a choisi d’en faire payer le prix aux fans de son groupe.
Ses faits d’armes sont nombreux, vendre un stock de centaines de vinyles inexistants à Nuclear War Now, vendre les droits d’albums de Krieg qu’il n’a jamais composé à Candlelight Records, trahir des amis proches musiciens, Jef Whitehead de Leviathan, Neill Jameson de Krieg, et bien d’autres (pour toute l’histoire entre Blake et Neill Jameson de Krieg, voir le billet de Neill sur Vice) . Et plus récemment, fin 2014, l’épisode de clôture de cette descente aux enfers et de cette médiocrité s’est joué, évènement dont je me propose de vous faire un compte rendu détaillé, avec preuves et interview à l’appui. Certains d’entre vous en ont sûrement entendu parler, sûrement vaguement ou de façon incomplète, je me propose donc d’exposer ici toute l’histoire, pour que les gens puissant la comprendre et aussi savoir ce qui se cache réellement derrière un frontman à la réputation nébuleuse.
Ma dernière conversation avec Blake Judd date d’Avril 2014, conversation où il me demandait si il pouvait m’envoyer 140$ depuis son compte Paypal pour que je lui renvoie cet argent par virement WesternUnion directement sur son compte, pour qu’il puisse retirer ça et payer un acompte pour les t-shirts qu’il voulait faire passer à l’impression pour le pack de préventes pour The World We Left Behind – album et t-shirt que j’avais précommandés 5 jours auparavant par Paypal en envoyant une quarantaine d’euros sur le Paypal de sa nana Ashley. Je voyais pas la logique derrière sa demande, ça me semblait très bizarre, donc j’ai poliment refusé, il m’a ensuite répondu qu’il avait trouvé quelqu’un d’autre pour ça. 5 jours après et je commençais déjà à avoir des doutes. Faut dire que la réputation de Blake jouait pas en sa faveur, mais pour nous ici en France, c’était plus des rumeurs et des bruits du forum Nuclear War Now. Personne ne s’exprimait publiquement à propos du passé de Blake et des rumeurs d’arnaque qui circulaient.
Et son mur Facebook, comme celui de Nachtmystium, montrait un mec qui sortait de désintox, heureux avec sa nana, bientôt marié de nouveau, qui postait des statuts savourant son retour à une vie clean, qui voulait se racheter des conneries qu’il avait faites par le passé, choses qu’il postait aussi sur le mur de Nachtmystium. Personnellement ça me faisait me dire que c’était impossible pour lui de refaire la moindre connerie ensuite et de pouvoir s’en sortir et garder sa crédibilité, faire une chose pareille condamnerait complètement sa carrière musicale. Quelques semaines se sont écoulées, les designs des t-shirts ont été révélés, il mettait à vendre des vinyles de sa collection personnelle pour rembourser ses conneries passées, exhortait les gens qui avait commandé à poster des photos après coup pour prouver aux gens qui le critiquaient toujours qu’ils avaient tort. Les préventes ont vite été écoulées et ensuite il restait plus qu’à attendre.
Quelques temps avant la sortie de l’album, les choses ont commencé à merder, une réedition des splits avec Krieg et Xasthur par Deadlight Entertainement, label français, ont été annoncées. Neill de Krieg n’a jamais donné son autorisation pour cette sortie et la sortie de Krieg a été annulée, celle de Xasthur avait l’accord de Scott de Xasthur. À partir de là j’avais plus aucun espoir de recevoir ma copie de l’album. L’album est sorti, les jours, les semaines ont passé, et toujours rien. Les gens ont commencé à douter, mais Blake postait des statuts pour rassurer les gens (retard avec Century Media à cause d’un document non signé, etc etc) tout en continuant à dire que personne ne serait arnaqué, qu’il tiendrait sa promesse et se rachèterait. Après avoir posté cette excuse crédible pour certains à propos Century Media, ce qui a calmé les choses, il a posté que sa compagne Ashley avait eu un accident, était à l’hôpital, qu’ils n’avaient pas d’assurance, et pas d’argent, et a donc mis en vente l’artwork original pour 1000$, artwork qui a été acheté par un fan.
Dans la foulée, son compte facebook personnel et le facebook de Nachtmystium ont disparu (donc je n’ai pas la capture d’écran pour celui-là). La page Blakecrush : page anti-Nachtmystium, a gagné des centaines de fans, en plus des membres originaux, comptant des anciens musiciens de Blake. Des fans lésés ont déposé des recours Paypal, des plaintes, et Blake a disparu de la circulation.
Sa manière de procéder a été simple : les t-shirts n’ont jamais existé, il avait juste les designs, il n’a jamais envoyé les albums, les vinyles qu’il vendait de sa collection avait été achetés par Neill de Krieg longtemps auparavant, il ne les avait donc plus en sa possession. L’article de Neill sur Vice nous a appris que sa condamnation à de la prison début 2014 était due au fait d’un vol de guitare qu’il avait ensuite vendue pour de la drogue, Blake a donc menti à tout le monde pendant des mois, préparé minutieusement cette arnaque publique à grande ampleur pour de la drogue, et a volontairement mis sa carrière musicale, son groupe, sa crédibilité, son label dans la balance, pour que les gens marchent une dernière fois, et qu’il disparaisse de la circulation ensuite. La manipulation prenait également place dans les paroles de l’album pour ajouter toujours plus de crédibilité à sa fausse histoire de rédemption.
« No more sickness, no more struggle. Can’t believe I did this. But today, it’s gone. » [Nachtmystium – On The Other Side] (2014)
(l’album sortait début août comme montré photo de couverture, les statuts sur Century Media dataient donc d’après le 1er août, et là, sur la capture d’ecran que vous voyez, au 21 aoît, il n’y a plus d’update après le 31 juillet)
Comme dit en introduction, les fans n’ont pas été les seuls lésés. Century Media a envoyé gratuitement à ceux qui avaient été floués une copie de l’album gratuitement, nettoyant les conneries de Blake et perdant pas mal d’argent au passage de ce fait là, et du fait que les agissements de Blake ont conduit à de très faibles ventes de l’album. Ses anciens musiciens, Neill Jameson le premier, et également les labels, dont Deadlight ont été floués aussi. Alex, le patron de Deadlight avait publié un communiqué pour expliquer les dessous de l’accord de base, en quoi le label avait lui aussi été victime, car ce n’était pas clair aux yeux de tout le monde, car certains avait commandé leur exemplaire à Blake, et ne l’ont jamais vu. J’ai donc interviewé Alex pour avoir un autre point de vue sur cette histoire, interview que voici :
Kevin : Salut Alex. Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas, quel est ton rôle dans Deadlight, présenter Deadlight, l'histoire du label et éventuellement présenter aussi HerMetiC dont tu fais partie je crois.
Alex : Bonsoir Kevin ! En premier lieu je tiens à te remercier pour me donner l’opportunité de pouvoir m’exprimer dans les pages du luisant zine Scholomance !
Donc, pour l’état civil, Alexandre depuis 1982, pour le petit monde du rock n’roll Alex Von Deadlight. Je n’ai pas d’ascendance aristocratique, le VON est là car j’ai eu un jour un petit souci de santé qui me rendait trop sensible à la lumière et au soleil et mes yeux était rouge. Une maladie de vampire du coup j’ai rajouté le Von le temps que je guérisse. Puis ça faisait marrer tout le monde alors je l’ai gardé.
La création d’un label est pour moi lié à une volonté de ne pas sombrer suite à une rupture sentimentale un peu rude. ET oui, ça commence toujours à cause d’une fille (merci suricate).La première sortie du label était l’album de South Impact (Hardcore made in Toulouse). Le nom Deadlight trouve son origine un peu partout. Une allusion au roman CA de Stephen King, un hommage au légendaire label Deathlike Silence et le titre « Deadlights » de GEHENNA.
Le but du label a été fixé dés le départ : produire des artistes qui ont une âme, avec qui je partage des valeurs essentielles et dont la musique dégage quelque chose. Chemin faisant, le label évoluait et a commencé à se batir un certain statut et ça m’a poussé à donner une dimension un peu plus précise. Toujours garder les motivations initiales mais aujourd’hui être plus sélectif car je suis en mesure d’apporter outre mon travail, la réputation du label afin de consolider le développement du groupe.
Bien évidemment, il y a eu des erreurs et des sorties qui au final n’auraient pas du avoir lieu, des artistes avec qui je n’aurai jamais du m’associer. Mais bon, je suis pas mort.
K : En premier lieu, comment Blake est entré en contact avec toi et qu'a-t-il demandé ?
A : Je suis entré en contact avec Blake début 2014. Je dois avouer être très fan de Nachtmystium et je l’avais ajouté sur Facebook. A la base je voulais lui commander quelques trucs (ouf ça ne s’est pas concrétisé) mais un jour il a publié un statut où il disait qu’il cherchait un label pour réediter le split avec Xasthur (groupe dont je suis aussi fan). Je lui ai de suite montré mon intérêt et on a finalisé ça en moins d’une heure. J’étais malgré tout assez méfiant car je connaissais sa réputation même si il se disait qu’il en avait fini avec ses vieux démons .
K : Qu'est-ce qui t'as motivé à accepter ?
A : J’étais fan des deux groupes, une telle sortie était un succès assuré tant niveau ventes que promo pour le label. Et c’est toujours une satisfaction personnelle de travailler avec un artiste que tu as apprécié en tant que fan. Voire même un honneur. La fois précédente étant d’avoir travaillé avec Peter Dolving, l’ex leader de The Haunted qui a longtemps été mon influence principale quand j’étais musicien.
K : Est-ce que tu avais eu vent des rumeurs à propos de fraudes sur le merch circulant sur Blake aux USA ?
A : Comme dit plus haut, je connaissais (comme tout le monde) sa réputation. Mais j’ai quand même voulu essayer. De plus, il n’était pas en position de me faire un coup tordu.
K. Comment et quand as-tu appris ce qu'il avait fait à ses fans ? Et comment as-tu réagi en l'apprenant ?
A : J’ai été à moitié surpris. D’abord j’étais mécontent de m’être associé avec telle personne. J’ai par le passé travaillé avec une personne qui se foutait de la gueule de ses musiciens, des gens qui pouvaient travailler avec lui. Par sa bêtise et sa prétention pas pour de la toxicomanie comme Blake. Et je ne voulais pas à nouveau m’associer avec pareil connard. J’ai donc assez mal réagi mais j’ai su me retourner comme il fallait..
K : . Parle nous de comment tu as géré ce deal. Est-ce qu'après avoir appris cela tu as envoyé sa part à Blake ou est-ce que tu as envoyé tout le stock à Scott ?
A : Quand les rumeurs autour de Blake se sont faites persistantes, notamment quand Century Media a démenti lui avoir envoyé du stock et que les fans ayant commandé son album avaient bel et bien été arnaqués, la question de la sortie du split a été évoquée. Ca mettait du temps à sortir. Les titres avaient été remasterisés et les délais de fabrication d’un vinyle sont en ce moment très longs (notamment avec le regain d’intérêt pour ce support). Quand j’ai commencé à entendre qu’on racontait de faire un mail global aux personnes ayant précommandé le split et les t-shirts pour les rassurer, leur expliquer les raisons du retard, mes relations avec Blake, le fait que comme eux j’avais été blousé (d’une autre manière). J’ai également inclus parmi les destinataires Neill de Krieg (que je salue ici) car quand le deal avait été finalisé avec Blake, ce dernier m’a proposé de réediter l’intégrale des 45t de Nachtmystium dont le split avec Krieg. Blake l »a de suite annoncé de son coté et c’est rapidement arrivé aux oreilles de Neill qui m’a de suite écrit pour me dire qu’il s’opposait à ça. Je lui ai d’emblée dit que je ne sortirai pas ça si il s’y opposait. Il m’a remercié et j’ai de suite dit à Blake que je ne sortirai pas le split NM/ Krieg chose à laquelle il a répondu en tentant de noyer le poisson.
Je viens de recevoir le stock et j’ai envoyé la part de Xasthur à Scott qui est au passage un mec très cool (il a comme moi figuré dans le livre Metalcats d’ailleurs). Blake semble avoir disparu et au moment où il réapparaitra j’aviserai. Mais je n’ai pas envie d’apporter de l’eau au moulin de quelqu’un qui manque de respect à ses fans.
K : . Quelle est l'ampleur du préjudice pour Deadlight, quelles répércussions est-ce que ça va avoir ?
A : On ne peut pas parler de préjudice. Juste des situations délicates qu’il a fallu gérer et régler. Et au final, en m’expliquant au sujet de cette affaire ça a permis de faire mieux connaitre Deadlight au public qui écoute Nachtmystium qui n’avait jamais entendu parler du label étant donné que je n’avais encore jamais produit de black metal. Alors que ça reste mon style de musique préféré que j’écoute depuis 1996 et que j’ai pratiqué pendant quelques années au sein du groupe Fornication en tant que guitariste. Aucun préjudice, bien au contraire.
K : Est-ce que tu penses que la médiatisation de toute cette affaire suffira à convaincre les fans, les labels de ne plus travailler avec lui ?
A : Blake traine cette réputation depuis des années mais il y a encore des gens pour le soutenir. Il faut pas oublier que c’est un gars hyper talentueux. Par contre, cette affaire a eu une certaine ampleur : plusieurs labels impliqués, Century Media a choisi d’envoyer gratuitement l’album à ceux qui l’avaient acheté à Blake, j’ai voulu à ma manière « dédommager » ceux qui lui avaient commandé le split en leur proposant un rabais de 50% si ils me le commandaient (je suis à des années lumières d’avoir le statut de Century Media pour offrir des dizaines d’albums , désolé), d’importants médias ont relayé les faits, Neill de Krieg a fait de même. Je pense que c’était le dernier clou qui fermait le cercueil de la carrière de Blake. Dommage car il a beaucoup de talent et Nachtmystium méritait amplement son succès.
K : Pour toi, qu'est-ce qui a poussé Blake a faire tout ça ?
A : Blake est un toxicomane. Je pense que ça ne sert à rien d’en rajouter.
K : Si tu pouvais t'expliquer avec lui face à face, qu'est-ce que tu lui dirais ?
A : Franchement je ne sais pas. Je n’éprouve aucun ressenti, aucune haine envers lui. Je connaissais sa réputation avant de le connaitre donc je pouvais m’attendre à tout de sa part. C’est pas comme si il avait été un ami et qu’il m’avait fait un sale coup. Ce cas là je l’ai connu. Travailler avec un artiste, en faire un ami très proche et au final découvrir que c’est un profiteur de la pire espèce, plus intéressé par son image de pathétique star de son propre univers que par sa musique. Mais ceci est une autre histoire, celle d’une « salope déguisée » (comprendra qui pourra).
En ce qui me concerne, Deadlight est toujours là, le disque est sorti, les commandes honorées, j’ai pu m’exprimer ici et là et ça a permis d’étendre le nom du label. Donc je ne peux que remercier Blake.
K : Est-ce que tu as quelque chose à ajouter, un message à faire passer ?
A : Encore une fois je te remercie pour tes questions. Je remercie également les personnes ayant commandé le split NM/ Xasthur et pour la patience dont ils ont fait preuve, les copains ricains qui ont été là quand Blake a merdé (Neill de Krieg, Julian de Kult ov Azazel, Ricktor Ravensbruck de Wolfpack44/ The Electric Hellfire Club, Evan de Hallows Eve Films).
Et bien entendu, les groupes du label, mon entourage, en particulier ma source de lumière et d’énergie à savoir mon fils Milo. And once again, thank you suricate !
La carrière de Blake est maintenant au point mort, il a disparu de la circulation, Century Media a résilié le contrat les liant à Nachtmystium. Comme Neill a dit dans son billet sur Vice, de par son expérience personnelle, il ne serait pas impossible que Blake revienne à la surface dans quelques mois en essayant de recommencer son manège en inventant moult prétextes, car au total Blake n’a arnaqué qu’une infime partie de sa fanbase totale (qui s’élevait à 32 000 sur l’ancienne page Nachtmystium). L’information, au moins sur les préventes du dernier album, a été relayée aux USA, moins en Europe. Est-ce que c’était vraiment une histoire de drogue ? Je pense fortement que oui . Est-ce que c’était la seule et unique raison ? Je pense sincèrement que non.
Je pense que toutes ces manipulations, cette prise de drogue, sont le fruit d’un comportement manipulateur par une personne qui recherche de l’attention. Son talent est incontestable, sa prise de drogue était sans doute pour se forger une image, et ses actes de trahison sa façon de montrer sa descente aux enfers, en espérant que les gens se disent qu’il aurait pu produire encore plus que ce qu’il a offert comme contribution musicale. La vérité, l’histoire se révèlera sans doute bien plus glaciale. Chicago est impitoyable.
Ses vraies motivations étaient pourtant présentes dans les paroles de sa musique, tout ce temps, cachées derrière un « We » :
« We are not your leaders.
We are not your friends.
We are thieves and cheaters.
We live at the end.
We don’t want your loyalty.
We reject your trust.
We ignore your sympathy,
We do what we must. »
[Nachtmystium – High on Hate] (Addicts : Black Meddle Part II, 2010)
Auteur : Kevin
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