Interview | Entretien avec Déhà d'Imber Luminis


Sorti en 2014, Imber Aeternus,  second album de la discographie d’IMBER LUMINIS, fut déjà l’objet d’une chronique de ma part. Afin de revenir sur les derniers « secrets » cachés derrière cet opus, et derrière l’esprit général du projet belge,  j’ai donc interviewé Déhà. Retour sur un de mes albums favoris de 2014, Imber Aeternus. 

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Tout d'abord, présente nous IMBER LUMINIS. J’entends par  là son histoire, son « but », etc.

Déhà (Tous les instruments) : Si tu veux, à la base, les trois quarts de projets que j’ai, puisqu’il faut dire qu’il y’en a pas mal, sont créés par un besoin de catharsis. Je te dis ça mais je sais très bien que ça parait sur-utilisé ces temps-ci, et complètement cliché. Mais c’est un besoin de catharsis, et je me suis rendu compte que mon principal projet solo… Enfin, mon ancien principal projet solo qui s’appelle YHDARL, ne me permettait pas de gérer d’autres émotions que j’avais. IMBER LUMINIS, c’est très émotionnel dans un sens, et ça peut être très métaphorique, comme pas du tout. C’est une émotion un peu primaire,  c’est l’émotion du gamin, qui est pas content parce qu’on lui a pris son chocolat, et c’est cette espèce d’émotion primaire qui ressort. Elle est fusionnée avec un peu de philosophie, et tu as vraiment toute cette émotion classique. Ce n’est pas une pensé suicidaire, ou ce genre de choses, tu vois… Ça peut être de l’émotion par rapport à la vie même, à la mort même, ou même de l’attente de la mort ! Mais ça peut tout autant être quelque chose en rapport avec l’amour, la haine des Hommes, cette impression d’être rejeté, et tout ça… 
En fait, c’est un peu comme un projet que j’ai avec un ami, projet nommé  WE ALL DIE (LAUGHTING). C’est la même chose, sauf que c’est uniquement pour moi, c’est plus… Personnel ! Et donc forcément c’est plus gamin, mais gamin dans le sens primaire de la chose. 

Tu viens donc de sortir Imber Aeternus, qui est ton second album. Y vois-tu une continuité par rapport à Life As Burden ?

Ah non, absolument pas.  Imber Aeternus  est prêt depuis deux ans en fait, il a « simplement » prit deux ans pour sortir… Et pour être franc ça me fait chier.  Ce que je fais actuellement pour IMBER LUMINIS ça n’a rien à voir… Enfin si, sur l’aura, l’ambiance, c’est similaire. Mais niveau son, je me suis vraiment amélioré, que ce soit en studio ou même en composition. Pour dire les choses, je ne suis pas satisfait du son d’Imber Aeternus. En fait, Life As Burden est communément appelé DSBM alors que pour moi ça n’en est pas du tout… J’veux dire, ce n’est pas suicidaire, c’est simplement mélodique, mélancolique, et en plus de ça il n’y a pas non plus de black metal… Si tu veux, pour moi, Life As Burden  était vraiment un besoin de cracher quelque chose qui n’allait pas dans mes projets parallèles. Et je me suis en fait rendu compte que ça m’apportait beaucoup, et que donc c’est quelque chose que je pouvais ressortir d’avantage. Mais Life As Burden est beaucoup plus « raw » dans le son, il est très classique, très répétitif, d’ailleurs pas mal de gens disaient que c’était du HYPOTHERMIA avec des mélodies de ballades pop, ce qui est complètement vrai. J’ai d’ailleurs pris ça comme un compliment ! Mais Imber Aeternus c’est différent ! Déjà, j’ai mis 6 mois pour le composer, comparé à 1 semaine pour Life As Burden, et j’avais en fait cette envie de faire autre chose. Life As Burden était vraiment pas mal, dans ma tête c’est un album qui est bon pour être un album de « DSBM », mais qui est trop classique. J’ai donc voulu sortir de ces chantiers là pour faire quelque chose d’original (en tout cas à mes yeux), d’où cette adjonction, on va dire, de doom et de « post-black ».  Mais principalement je veux garder cette même aura très mélodique que je souhaite  constamment laisser dans mes productions. Donc, il est clair qu’Imber Aeternus est totalement différent du premier opus, ça c’est évident. En ce sens, ce n’est pas une continuité, mais plutôt une évolution, parce que si tu prends le morceau « I Am Not », tu te rends compte que c’est le même morceau que dans Life As Burden, mais qu’il y’a une légère évolution dans le son (NDLR : Déhà a refait le morceau « I Am Not » pour sa réédition de 2011), et dans l’influence même du doom et de l’ambiant. Avec le temps, la musique que je produis évolue, comme chaque artiste, du moins c’est mon avis. Il est difficile de trouver son style dès la première musique produite.


Avais tu un but précis quand tu as « mis au monde » cet opus ?

… Je ne veux insulter personne, mais je trouve personnellement que la scène DSBM, post-black, shoegaze tourne en rond, et clairement, ça m’emmerde. Ça m’énerve quand je vois un groupe qui sort une démo complètement merdique, mais avec UN morceau MONUMENTAL. Mais je considère que, dans ce genre de groupes, tu vas être touché par un élément, ou par une musique ou même un album, que d’autres ne ressentiront par de la même manière que toi.  En gros, c’est soit tu capte la musique, soit tu la capte pas. Et en fait, ce que je voulais faire, c’était une musique « ouverte », dans le sens où pas mal de gens pouvaient l’apprécier. Evidemment je ne dis pas que je veux que ma musique soit appréciée de tous, car il ne faut pas oublier de manière très égoïste, principalement. Mais à la base, c’est réellement un besoin, une envie de faire la musique que j’ai envie d’écouter.  En fait, j’ai composé ce que j’avais moi-même envie d’écouter.  D’autre part, c’était pour me donner à la musique, en quelque sorte faire partie de la musique. Donc il y’a vraiment cette catharsis, une fois de plus, avec un travail derrière. 

Parlons du contenu de l'album. Pourquoi avoir choisis de mettre seulement deux titres alors que tu aurais pu en faire le double, voire le triple ?

Ah ça ! C’est une question qui revient souvent. Mais ce n’est pas la première fois que je fais ça d’ailleurs : « Thoughtscan » de WE ALL DIE (LAUGHING) fait 33 minutes, et « Ave Maria » d’YHDARL en fait 50 donc bon…  En fait c’est très simple. Dans ma tête, un morceau est un trip qui ne doit pas s’arrêter. C’est comme un voyage que tu commences et que tu ne peux pas arrêter. Si j’ai décidé que ce trip doit durer 40 minutes, il durera 40 minutes.  Si j’ai décidé qu’il doit durer 3 minutes, alors il durera 3 minutes. Y’a un morceau d’IMBER LUMINIS, qui est sorti sur une compilation digitale, qui s’appelle « I Heal Quickly » et il dure 3 minutes. C’est un morceau qui résume tout en 3 minutes. Pour moi, ce titre ne pouvait pas aller au-delà, il se suffit comme ça. Imber Aeternus c’est quelque chose que j’ai voulu ample. Il y’a un concept derrière l’album, il y’a un concept derrière les deux titres. J’avais besoin de faire des morceaux longs. J’aurais effectivement pu diviser ces morceaux en 10 minutes, ça m’aurait donné quasiment 6 morceau, c’était suffisant. Mais je ne vois pas pourquoi je le ferai, alors que j’ai envie que les gens écoute mes morceaux en entiers et l’album comme ça. C’est une question de logique. Pour moi,  diviser Imber Aeternus reviendrait à diviser un album de SUNN 0))), ce serais absurde, car l’album entier est un seul morceau, et le diviser ne servirai à rien.


Pourquoi avoir nommé d'une manière si «  simple » les deux titres ? Y a-t-il un concept que tu as cherché à établir ?

En fait, IMBER LUMINIS signifie « Torrent de Lumière ». Les gens pourront dire que c’est un peu « cucu », mais ça ne l’est pas absolument pas, dans le sens où la pluie d’une part c’est super beau, mais en même temps c’est super chiant. La lumière c’est super beau, mais en même temps ça peut t’aveugler.  Disons que t’as une espèce de contraste à chaque fois, comme un revers de la médaille. Imber Aeternus ça veut dire également dire « Pluie éternelle ». J’ai voulu faire ressortir ces deux aspects de la pluie à travers ces deux morceaux. Le premier morceau, comme tu t’en es rendu compte, est plus « mélancolique », plus « joyeux ». Et tu te rends compte que le second morceau est bien plus sombre. Le premier titre se veut plus « contemplatif » et parle d’amour. Alors pour certaines personnes, ça peut paraitre con de parler d’amour dans un album de metal,  mais JE LES EMMERDES complètement. Pourquoi l’amour ? Parce que t’en vois partout ! Tu regardes des groupes comme HAPPY DAYS et compagnie, ça ne parle quasiment que de ça. Et le second morceau, est divisé en deux partie où, j’imagine que tu l’as remarqué, il y a Benjamin Schmälzlein, qui est donc le chanteur de TODESTOSS, qui est un très bon ami à moi. Beaucoup de gens ont du mal avec sa voix parce qu’elle a un côté très gothique allemand, et en fait c’est ça que j’ai adoré chez lui. Il reste de cette manière contemplatif et très philosophique dans son chant, et cela convenait parfaitement avec mes textes, et le côté «catharsis infantile » avec le gamin qui n’est pas content, etc. 

« Imber » et « Aeternus » sont assez différents. Le premier étant plus orienté post-rock avec une guitare spécifique à ce genre, le second choisit un chemin plus sombre, s'incluant presque dans le black dépressif. Pourquoi un  tel contraste ?

C’est le concept  de l’album. Il se doit de passer du joyeux, au sombre. Le premier morceau, dont la première partie est relativement joyeuse, se termine de manière un peu plus sombre, et ainsi il convient parfaitement pour enchaîne sur « Aeternus ». Ce dernier morceau est donc beaucoup plus sombre, et terminera de façon encore plus sombre. En fait tout cet album est une progression de la contemplation de l’amour, jusqu’au rejet très enfantin.

Au vues de la longueur et la complexité de tes morceaux, une question me vient à l'esprit : Pourquoi tout  faire toi-même ? Pourquoi ne pas te simplifier la tâche en t'entourant de musiciens ?

En fait, c’est principalement parce qu’IMBER LUMINIS exerce chez moi cette éternelle catharsis. Mais bon, il faut aussi prendre en compte que, sans vouloir tomber dans le cliché de l’émo qui pleure constamment, j’ai rarement trouvé de musiciens en Belgique qui étaient assez motivés pour m’aider dans ce projet.  Je me suis donc rendu compte que travailler seul me permettait de ne pas avoir de limite, ce qui peut être chiant, mais également que je pouvais travailler seul, et constamment. IMBER LUMINIS c’est quelque chose que je vais garder afin de le faire seul. Mais je me dis que peu à peu, je vais trouver des personnes ici en Bulgarie, afin de m’entourer et pour pouvoir rentrer dans les compositions au fur et à mesure, et tenter d’avoir un line-up stable pour pouvoir faire quelques dates à droite et à gauche. 

Après un album qui a eu un gros succès (En proportion avec le temps depuis lequel il est sorti), que vois-tu pour l'avenir d'IMBER LUMINIS? Peut-être à tu déjà quelque chose en préparation ?

Oui, j’ai la suite de Fletus (NDLR : Première production de IMBER LUMINIS, une démo sortie en 2010) qui est presque prête, et qui est axée plus doom que post-black. J’ai aussi une compilation de morceaux ré-enregistrés avec en bonus les deux morceaux que j’ai sorti récemment qui sont donc un morceau que j’ai travaillé avec un ami bulgare, Grigor Mishov et qui se nomme Отричане (NDLR : En français, ça veut dire Négation). Ce morceau est donc de 10 minutes, et qui est assez typique, mais qui montre aux gens que je n’oublie pas d’où je viens. Il y’aura également la reprise de « Journey Across the stars » de Midnight Odissey .Je travaille également sur un album qui s’appellera « Timelapse » et qui ne contiendra que 3 morceaux. 

IMBER LUMINIS ne s'est jamais produit sur scène. Dans un avenir plus ou moins proche, penses-tu enfin fouler la scène ? Et comment penses-tu adapter le style d’I.L sur scène ?

En fait pour le style d’I.L. sur scène, j’hésite encore sur deux choix : Soit je la joue avec la blinde de sample, et ça peut rendre trop pompeux. Soit, je la joue très simple, à savoir que ce sera simplement deux guitares, une basse, une batterie et un chant. Je sais pas trop encore pour lequel des deux choix opter, sachant que je voudrais jouer pas mal de morceaux sur scène, dont « Aeternus », ou bien « I Am Not ». C’est quelque chose que j’ai en tête, mais j’ai tellement de possibilité que je travaille simplement pour le moment à trouver un line up stable, faire des répétitions et en discuter avec les autres membres. 

Nous arrivons déjà à la fin de l'interview, alors je vais te poser une seule dernière question : Quels sont tes 5 albums cultes ?

Oulà c’est chaud… Bon, en partant du principe qu’on parle de tous styles confondus : Nocturne, de CHOPIN, avant tout. Ensuite, Requiem de VERDI. Tu peux rajouter L’école du micro d’argent  du groupe IAM. Ensuite… J’avoue que tu me prends de cours là ! J’ai envie de dire Hallelujah d’IGORRR parce que c’est juste magnifique. Mais après… (Il soupire tout en réfléchissant) En fait y’en a tellement ! Je crois que je vais t’en citer parmis ceux qui me viennent à l’esprit, parce que vraiment il y’en a trop : White2, de SUNN 0))), The Nightside Eclipse d’EMPEROR, De Mysteriis Dom Sathanas de MAYHEM, Roads To Judah  de DEAFHEAVEN, Ruines Humaines de AMESOEURS qui pour moi est vraiment magnifique, Antichrist de GORGOROTH… En fait je ne peux pas vraiment trouver une limite à cette liste parce que j’écoute trop de styles différents. Même si tu me demandais 10 albums par styles je pense que je bloquerai.


Etant donné que tu as énormément de projets, je voulais te poser une question  sur quelques projets dont tu fais partis, qui sont ceux que je préfère. Pourrais-tu nous dire quelques éléments sur MERDA MUNDI, WE ALL DIE (LAUGHTING) et K.F.R ?

Pour MERDA MUNDI, j’ai sorti des démos, puis un album en cassette, III, qui a bien plu même si le côté raw rebutait parfois un peu.  Ça fait trois ans que je travaille sur le prochain album qui s’appelle VI :Kaos que je considère comme un album qui a atteint la maturité. Il n’y a plus trop ce côté raw, il est très bien produit et je considère que c’est l’album que chacun devra écouter si il veut commencer à écouter MERDA MUNDI. Quelqu’un de très connu dans la scène black française m’a dit que ça lui rappelait les premiers EMPEROR, et qu’il avait beaucoup apprécié cet album. 
Pour ce qui est de WE ALL DIE (LAUGHTING), nous travaillons sur un nouvel album. Je peux te dire qu’il y’aura une petite sortie avant la sortie du prochain album, et qui risque d’un peu surprendre les gens vis-à-vis de leur atteinte par rapport à moi et à Arnaud.
Après, pour K.F.R… Je ne sais pas trop quoi te dire car j’officie uniquement en tant que batteur, mais ce que je peux dire c’est que c’est un projet avec une vraie ambiance, une ambiance folle. Du black metal qui n’en a rien à foutre. K.F.R en fait c’est tout ce qu’il y’a dans la tête de Maxime Taccardi (NDLR : Tête pensant et créateur du projet), c’est ses peintures, etc. Pour moi c’est un honneur de participer dans ce projet, même si certaines personnes disent que le son est beaucoup trop crade... Ces gens-là ne comprennent pas que K.F.R se veut crade. Je peux pas te dire plus de choses sur K.F.R parce que je travaille pour Maxime et pour son art, et je suis très content de rentrer dedans et de comprendre l’art de ce projet totalement barré.

C’est ainsi que se termine l’interview, un énorme merci à toi pour cette entrevue riche d’information ! Je te laisse le mot de la fin !

Que tout se passe bien pour toi, et un grand merci.

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Interview : Rémi


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