La chronique est un exercice littéraire difficile. Transgénérique, hybride, elle est autant utilisée dans le domaine du journalisme qu'en tant que texte purement artistique. En perpétuelle évolution, elle s'adapte particulièrement bien aux changements des perceptions du temps. La principale difficulté qui réside dans l'écriture d'un tel texte, c'est la faculté du chroniqueur de mêler sa subjectivité au souci du réel et de la critique. En d'autres termes, il s'agit d'opérer une alchimie délicate entre l'objectivité du fait ou de l'évènement et la réception toute personnelle qu'on a de celui-ci. Certains écrivains tels que Prosper Mérimée, auteur des Chroniques du règne de Charles IX, se sont même prêtés de bon coeur à ce jeu et ses règles en écrivant de véritables romans historiques présentés sous forme de chroniques.
La chronique musicale n'échappe pas à ce principe, mais ce serait trop facile d'en rester là car à celui-ci s'ajoute une autre difficulté, celle de la critique artistique. Le chroniqueur, et d'ailleurs de nombreux théoriciens de la communication et des médias, se heurtent donc à un autre débat, celui du jugement de goût, de valeur et de "beauté" qui a traversé l'histoire de l'art. J'aimerais maintenant attirer l'attention sur un fait: en chroniquant n'importe quelle oeuvre artistique - peinture, musique, sculpture, etc -, on exprime ni plus ni moins qu'un jugement de goût. Et un tel jugement passe inévitablement par l'appel à la subjectivité du lecteur/auditeur/spectateur. Exiger d'un chroniqueur d'être objectif dans sa manière d'écrire, c'est donc exiger de lui de contrecarrer son point de vue. On ne peut être honnête envers soi-même et surtout ses lecteurs qu'en disant la vérité pure sur sa propre réception, vision de l'oeuvre et non en prétendant avoir un avis purement désintéressé. Une chronique est un avis personnel. Par conséquent, l'objectivité, pas plus que l'impartialité, ne fait partie du travail du chroniqueur.
Cependant, si l'on peut avoir son propre avis sur une oeuvre artistique, l'exposer n'est pas chose aisée et requiert une argumentation solide. On peut ne pas aimer un album, mais le descendre sans argument relève de l'absurdité. Chroniquer dans un webzine signifie répondre à l'exigence d'information du lecteur, ce dernier étant en attente d'un certain niveau de connaissance et de réflexion. Chroniquer dans un webzine, c'est donc présenter un album à travers le prisme de sa propre subjectivité.
C'est dans cet état d'esprit que nous avons choisi de vous présenter aujourd'hui un format de chronique un peu spécial qui déstabilisera certains, puisqu'il s'agit non pas d'une, mais de deux chroniques pour un seul album, "Spätsommernächte" de Black Spring Monolith. Ces deux articles pourront vous paraitre absolument contradictoires, puisque les deux auteurs respectifs n'ont pas la même opinion, mais ils auront au moins le mérite d'accompagner davantage l'écoute de l'album par le lecteur.
Tracklist
01. Aufgang
02. Aus diesem Flammen wächst eine Sonne
03, Weberknecht
04. Seelenfeuer
05. Schwarz
06. Hauch
07. Das Schweigen rascher Zungen
08. Ka
09. Schöpfer
10. Knochen
11. Spätsommernächte
12. Feuerbestattung
Extrait en écoute
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S'il y a bien une qualité qu’on ne peut enlever au Metal, c’est sa diversité et sa capacité à toujours se renouveler. C’est d’ailleurs pour ça qu’on peut compter près d’une bonne centaine de genres et sous genres. Alors forcément, quand pleins de genre s’emmêlent et se mélangent, ça peut parfois donner un résultat... Étrange ? Improbable ? On est tous tombé au moins une fois sur un groupe vraiment trop incompréhensible, trop avant-gardiste/innovateur. C’est mon cas pour BLACK SPRING MONOLITH, formation Allemande d’Indus Drone Doom (Si, si, j’vous jure !), qui sort son premier album cette année, nommé Spätsommernächte.
Je n’ai jamais fait ça avant, mais je crois que pour cette chronique, cela s’impose. Décomposons le genre du groupe : Indus Drone Doom. « Drone Doom », déjà, il est clair que ça va être lent, très lent. Sans aucun doute avec une voix se rapprochant de chœurs, ou en une sorte de spoken word comme on peut trouver dans SUNN 0)), qui sait ? Pour l’instru, je m’attend a quelque chose de gras, lourd et lent, c’est évident, avec des sonorités Indus par-dessus tout ça. Sur le papier, tout ça ne me plait pas énormément, mais bon, pas de jugements trop hâtifs, c’est parti pour Spätsommernächte.
L’album commence par une intro épique me rappelant des groupes comme Summoning ou bien Caladan Brood, elle est carrément agréable et bien faite qui plus est. Cette intro Tolkien-ienne s’enchaine avec « Aus Diesen Flammen wäscht eine Sonne », où l’on rentre directement dans le vif du sujet. Une instru lourde, bien tranchée, propre, plutôt agréable. A ceci s’ajoute la voix… Comment dire ? Une sorte de growl sans aucune puissance, aucune conviction, juste un texte allemand débité comme ça sur une instru à la base pas dégueu. Au fil du titre, l’instru partira dans tous les sens, avec un synthé et une sorte de voix black metal encore moins agréable que le growl initial. Bon, changeons de morceau, et reprenons deux trois cachets de codéine, je crois que je vais en avoir nettement besoin.
Je vais d’ailleurs changer de plan d’analyse pour ce qui est Spätsommernächte : Commençons tout d’abord par énumérer les points positifs. En toute modestie, je pense avoir une certaine expérience dans tout ce qui est metal extrême, en particulier pour le doom, mais il faut avouer que je n’avais jamais entendu un tel mélange de sons comme nous propose la formation allemande. Indus Drone Doom, Avant-garde Indus Dark Metal, tout ce que vous voulez peut être associé à Black Spring Monolith tellement les sonorités qu’ils mêlent sont différentes. C’est d’ailleurs pour ça qu’on retrouve rarement le même schéma musical au fil de l’album. On peut passer d’un rythme doom à des blasts violents, comme dans « Ka », une piste instrumentale aux sonorités indus très agréables, combinant bon nombre d’instruments pour créer une sorte d’entité musicale exclusive. « Hauch » est un autre court morceau instrumental de 2 minutes, comporte une ambiance mélancolique, avec un piano surplombé d’une guitare lancinante. Un morceau vraiment agréable, malgré le fait qu’il soit court. « Seelenfeuer » est encore différents des autres morceaux, mélangeant le style de B.S.M (Si style il y’a), pour nous pondre un morceau instrumental progressif vraiment bien, lui aussi surplombé d’une ambiance assez mélancolique.
Passons aux points négatifs maintenant… En fait c’est assez simple, quand Black Spring Monolith essaye de faire ce qu’il veut faire, j’ai l’impression d’écouter la bande son d’un très mauvais film d’horreur. Une sorte de Marylin Manson sous ecstasy sur lequel on a rajouté des chanteurs qui n’ont visiblement pas du tout envie d’être là. Je l’ai dit précédemment, mais le growl est exécuté sans aucun conviction, aucune puissance, comme si le chanteur en avait vraiment rien à carrer de ce qu’il faisait. « Knochen » expose les deux types de voix qu’on retrouvera sur cet album. J’en ai aussi déjà parlé, mais il y’a un deuxième chanteur qui fait un chant typé Black Metal qui, exactement comme son acolyte, est sans aucune puissance. Et encore, je crois que le second point négatif est pire que le premier. Avec ce groupe, je fais face à un trop plein d’originalité, ce qui me rend triste et m’énerve également. Je m’explique : Toujours sur « Knochen », on a une espèce de mix d’instruments qui donne un résultat assez inaudible (en tout cas pour moi). Une batterie qui break, un synthé déchainé, un piano d’opéra, une basse qui joue de manière totalement aléatoire… En vérité je ne pense pas vraiment être capable de dire tous les instruments qu’on retrouve dans ce morceau tellement le mix est improbable.
Je pense pouvoir conclure la chronique de Spätsommernächte avec une simple phrase : Black Spring Monolith n’arrive pas à faire ce qu’il veut faire. Les seuls bons morceaux de l’album sont les morceaux instrumentaux qui sortent du style du groupe, nous proposant ainsi des pistes agréables et qui s’écoutent très facilement. J’ai vu sur leur page facebook qu’un deuxième album était en cours d’enregistrement, j’espère que la formation allemande va enfin décider dans quel chemin se lancer, pour pouvoir nous exposer leur vrai style, plutôt qu’une musique aussi improbable qu’aléatoire.
Rémi
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"Belle de loin, mais loin d'être belle", dit l'adage. C'est exactement l'inverse qui m'est arrivé avec Black Spring Monolith: une pochette laide à mon goût, un peu trop "remplie" qui m'a peu emballé au début, contrastant avec le contenu, qui, bien que surprenant pour les puristes, est vraiment de qualité.
Black Spring Monolith aura attendu quatre ans pour nous présenter son nouvel album. Cette fois-ci, le groupe a choisi de travailler avec une variété inouïe d'influences musicales, qui font de "Spätsommernächte" un laboratoire de rêve pour les expériences avant-gardistes auxquelles s'adonne la formation allemande. Plus que surprenant, le résultat est le fruit d'une grande liberté donnée aux sept musiciens.
Les Bavarois savent impressionner et surprendre, cela ne fait pas de doute. On trouve de tout: le chant martial et neutre rappelant le côté déshumanisé de la musique industrielle est appuyé par des instrumentations variées allant de l'épique à l'ambient/électronique. C'est un véritable itinéraire à travers les sinuosités stylistiques qui caractérisent le Metal et ses variantes depuis toujours. Le mélange opère-t-il? Il semble que oui, bien qu'on ne le retrouve pas toujours dans les compositions qui se différencient très largement les unes des autres. Un remède contre la lassitude qui a cependant la possibilité de désarticuler l'album à outrance. Cela ne m'a pas gêné outre mesure pour l'apprécier pleinement. En fait, écouter du Black Spring Monolith, c'est comme manger quelque chose de bon mais de facilement écoeurant, comme un gâteau bien costaud ou une meringue géante. Cet album peut être plaisant, séduire et déranger en même temps pour une seule et même raison, qui est celle de son éclectisme. L'effet de surprise est quelque chose d'extrêmement présent, aussi bien rythmiquement que musicalement! Le Doom laisse souvent la place à des purs moments de Speed Black Metal avec ses blasts et tout ce qu'on peut retrouver habituellement, mais la transition ne se fait pas toujours progressivement et le changement peut s'avérer rude voire éprouvant pour l'oreille non-initiée.
Difficile de placer des mots sur la musique de BSM, tant les allemands nous font tourner en bourrique perpétuellement. Impossible également de lui coller une étiquette, tant elle convoque des styles différents. Finalement, "Spätsommernächte" n'a presque plus les éléments qui caractériseraient un album: une certaine homogénéité entre les différentes pistes, ou en tout cas quelque chose qui les rassemblerait sous une même bannière. BSM semblent s'être purement et simplement affranchis de cette règle, et ce que j'apprécie de leur part, c'est encore une fois cette liberté qui a guidé la composition de l'album et qui montre que cette fois-ci, les artistes ne se sont fixé aucune limite. Tant mieux ou tant pis!
Pour conclure, il faudrait dire que cet album est difficile à écouter d'une seule traite. Les différentes pistes réservant toutes leur lot de surprises sont extrêmement dures à digérer. Mais quand on connait le groupe, il faut s'attendre à voir surgir des éléments non-attendus, comme cette introduction épique qui n'annonce vraiment pas du tout la couleur ou encore l'incroyable 'Knochen' et le déchaînement de tous les instruments. Piano, basse, synthé, chaque partie s'exprime de manière démente dans ce morceau original. On aime ou on n'aime pas, mais Black Spring Monolith vaut le détour et continuera certainement à nous décontenancer davantage.
Les Bavarois savent impressionner et surprendre, cela ne fait pas de doute. On trouve de tout: le chant martial et neutre rappelant le côté déshumanisé de la musique industrielle est appuyé par des instrumentations variées allant de l'épique à l'ambient/électronique. C'est un véritable itinéraire à travers les sinuosités stylistiques qui caractérisent le Metal et ses variantes depuis toujours. Le mélange opère-t-il? Il semble que oui, bien qu'on ne le retrouve pas toujours dans les compositions qui se différencient très largement les unes des autres. Un remède contre la lassitude qui a cependant la possibilité de désarticuler l'album à outrance. Cela ne m'a pas gêné outre mesure pour l'apprécier pleinement. En fait, écouter du Black Spring Monolith, c'est comme manger quelque chose de bon mais de facilement écoeurant, comme un gâteau bien costaud ou une meringue géante. Cet album peut être plaisant, séduire et déranger en même temps pour une seule et même raison, qui est celle de son éclectisme. L'effet de surprise est quelque chose d'extrêmement présent, aussi bien rythmiquement que musicalement! Le Doom laisse souvent la place à des purs moments de Speed Black Metal avec ses blasts et tout ce qu'on peut retrouver habituellement, mais la transition ne se fait pas toujours progressivement et le changement peut s'avérer rude voire éprouvant pour l'oreille non-initiée.
Difficile de placer des mots sur la musique de BSM, tant les allemands nous font tourner en bourrique perpétuellement. Impossible également de lui coller une étiquette, tant elle convoque des styles différents. Finalement, "Spätsommernächte" n'a presque plus les éléments qui caractériseraient un album: une certaine homogénéité entre les différentes pistes, ou en tout cas quelque chose qui les rassemblerait sous une même bannière. BSM semblent s'être purement et simplement affranchis de cette règle, et ce que j'apprécie de leur part, c'est encore une fois cette liberté qui a guidé la composition de l'album et qui montre que cette fois-ci, les artistes ne se sont fixé aucune limite. Tant mieux ou tant pis!
Pour conclure, il faudrait dire que cet album est difficile à écouter d'une seule traite. Les différentes pistes réservant toutes leur lot de surprises sont extrêmement dures à digérer. Mais quand on connait le groupe, il faut s'attendre à voir surgir des éléments non-attendus, comme cette introduction épique qui n'annonce vraiment pas du tout la couleur ou encore l'incroyable 'Knochen' et le déchaînement de tous les instruments. Piano, basse, synthé, chaque partie s'exprime de manière démente dans ce morceau original. On aime ou on n'aime pas, mais Black Spring Monolith vaut le détour et continuera certainement à nous décontenancer davantage.
T.
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