Chronique | Sunn O))) - "La Reh 012", 2014


Sunn O))) - "La Reh 012" (album, 2014)

Tracklist

1. Last One / Valentine’s Day   18:03
2. Invisible / Sleeper   20:27

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Aujourd’hui, j’ai décidé de changer ma manière de chroniquer pour des artistes ayant décidé de faire de la musique différemment.

Beaucoup trop décrié par les temps qui courent, trop brutalisé et incompris, le drone est un sous-genre du metal qui a sa place dans le monde de la musique expérimentale. Non accessible, ambiant, dissonant, arythmique et amusical, le drone-metal est ultra avantgardiste. Il est de nos jours, pour moi, le genre le plus novateur et intéressant. De Earth à Boris, en passant par Diagnose Lebensgefahr et Mhönos, le drone mélange tout et manipule tous les genres de metal afin de créer son propre mouvement. C’est ça le drone, un mouvement sonore.

Sunn o))) est un incontournable du genre. Chaque élément de sa discographie est un renouveau. Vous verrez peut-être cette chronique comme une masturbation intensive du lobe frontale.

Commençons :

«                                                                      »

                                                                        (Citation de Sunn O))))

“Maman, j’ai peur, il y a un behemoth qui flotte au-dessus de mon lit, il essaye de me faire exploser la tête. »

« La Reh 012 », Un enregistrement live, Stephen O’Malley et ses copains. Sunn o))) n’a jamais aussi bien fait du Sunn o))). Ce n’est pas un « Black One » ou un « Monolith § Dimensions ». Là, on retourne vers ce qui me fait vibrer (vraiment vibrer), le drone, le vrai, celui que l’on ne comprend pas. Celui que l’on n’a pas envie de comprendre. Celui qui nous fait comprendre malgré nous lorsque l’on n’est pas hermétique. Le drone est lourd et gras, planant et rampant, explosif, nocif, pervers, inutile, chiant, pédant, suffocant etc… Chacun a sa vision de Sunn o))) et du drone en général. Ici ce n’est plus le « Black One » ultra malsain. Là c’est… C’est ce que l’on veut, ce que l’on ressent.
Voici ma vision de « LA REH 012 » :

Cette histoire s’appelle « Le Vide est un Trop-Plein »

FIN
Chapitre 1 :

Cette histoire n’est pas dans le temps, elle est dans le présent. Dans l’éternité.

                  « Un soir d’hiver ou d’été je ne sais plus, j’ai commencé à arpenter le vide du monde m’entourant. Je marchais sans vraiment marcher, je dirais plus : « J’errais », dans ma tête, dans mon corps ou dans l’espace. Je me sentais hors du temps et hors de toute condition humaine, j’ai donc laissé vagabonder mon esprit dans le vide de mon imagination. J’ai laissé le vide-substance entrer en moi, par tous les pores de ma peau.
Je me retrouve ainsi dans ce désert mélodieux si oppressant et plaisant, où la pression atmosphérique est intenable. Je décide donc de marcher et de réfléchir un peu en attendant. Impossible de réfléchir. Impossible de ne pas être écrasé par le « rien », par ce son si présent et grandissant. Trop de variations et de lourdeur pour essayer de le comprendre. S’en suit une lutte acharnée. Ce son incompréhensible et pourtant bien réel me transperçait, il m’entourait, je marchais dessus et il m’emportait si loin que je ne voyais plus le début du « rien » dans lequel j’étais tombé. J’étais dans un autre « rien », dans le néant. J’ai donc tenté de me débattre face au démon… « Au démon ?? Mais mon gars, il n’y a pas de démon ici, il n’y a que toi, et moi qui suis toi. Je suis toi depuis le début, mais il n’y a pas de début puisqu’ici le temps n’existe pas, nous sommes dans le présent, dans ton présent, et le mien en somme. »
Les strates du néant saturaient ma vue jusqu’à ce que je le vois… Le son devenait physique, il me prit la main, il avait de grandes ailes, un regard neutre mais rassurant, il faisait le voyage entre mon monde et le sien et rendait visite aux férus des expériences entre le vide et le monde. Il paraissait perdu et serein. Il arriva sans dire bonjour et repartit sans dire au revoir. Mais il me laissa un petit mot avant de me quitter définitivement : « N’essaye pas de comprendre, nous cohabitons. Tu le sais sans le savoir. Tu fais partie de mon monde, comme tes congénères. Tu n’es rien. Le néant redeviendra le néant. Le néant t’entoure, te traverse. Impossible de lutter. » »
Fin du chapitre 1 : Expérience de 38 minutes : 2 morceaux.

FIN

On appréhende le drone comme on l’entend, c’est cela que j’ai entendu, que j’ai vu. Avec un regard objectivant la musique, je dirais que c’est un amas de larsens (ou un lamas de Arsène), de basse, c’est assourdissant et les variations sont infinitézimales, mais pourtant omniprésentes. Dans ce brouhaha, l’oreille entend tout, chaque son, chaque variation.
Conclusion : C’est en soi une daube sonore, mais c’est absolument génial. Pourquoi reculer face à « Absolutego » de Boris (Drone japonais) ? Pourquoi reculer face à Sunn o))) ? Il faut entrer tête la première dedans et trifouiller les entrailles de soi. Le but n’est pas d’écouter, mais de s’écouter, se chercher. Chaque écoute est une histoire. Chacun y voit ce qu’il a envie de voir, c’est aussi l’intérêt de la musique, être transporté.
Seul bémol ou juste questionnement par rapport à l’œuvre « dronique » de Sunn o))) : Pourquoi mettre des titres au piste ?
De plus, pour ceux qui pensent que la musique expérimentale poussée à son paroxysme n’est qu’un immense foutage de gueule, vous avez surement raison.  Mais c’est le même débat pour l’art contemporain. On peut voir ça comme de la masturbation bruitiste (« même ma petite cousine pourrait le faire ! C’est pas la REH c’est la RAIE mouarf arf arf» blablabla…) ou voir ça comme un pas franchis vers d’autres horizons musicaux. Vous savez comment je le vois. Réceptif ou pas, cela n’a pas d’importance, c’est une expérience, voire même un défi pour certain. Alors lancez-vous !
C’est une musique paradoxale. A la fois primitif et Alien, Sunn o))) est l’origine et l’avenir. C’est dans la tête.

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Hugod



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