Chronique | Eyehategod - "Eyehategod", 2014

Eyehategod - "Eyehategod" (album, 2014)

Tracklist

01. Agitation! Propaganda!   02:23
02. Trying To Crack The Hard Dollar   03:02
03. Parish Motel Sickness   03:41
04. Quitter's Offensive   03:45
05. Nobody Told Me   03:39
06. Worthless Rescue   03:57
07. Framed To The Wall   03:27
08. Robitussin And Rejection   03:38
09. Flags And Cities Bound   07:10
10. Medicine Noose   03:22
11. The Age Of Bootcamp   05:10


Extrait en écoute



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14 ans sans rien. Sacrée disette. Enfin, par « rien » j’entends le très bon titre « New Orleans is the New Vietnam », un paquet de concerts déchirés, éventuellement quelques concerts sobres  et au moins un concert annulé parce que l’ensemble du staff, trop démonté, s’est trompé de destination et  finit en Auvergne en lieu et place du Motocultor. Il y eut également une paire de Lives/compils/Splits dont tout le monde se branle excepté les die hard fans qui collectionnent les bootlegs sur bande magnétiques.  Mais c’est fini tout ça, en 2014, Eyehategod revient avec un album éponyme et donne un successeur à Confederacy of Ruined Lives. Pour le côté mélo, précisons que cet album sera  le chant du cygne de Joey Lacaze, membre fondateur du groupe, même si « chant du cygne » n’est pas la première image qui vient à l’esprit lorsqu’on écoute cette galette, pondue probablement dans la douleur et la Past Blue Ribbons. 

A propos d’image, la pochette a le mérite, suffisamment rare dans le metal pour être souligné, d’être une adaptation picturale du CD. Morcelé. Haché. Déchiré. Un tempo et des plans qui se réfèrent perpétuellement aux deux sources d’Eyehategod : Black Flag et Sabbath, le tout en se mixant. L’album s’ouvre sur la chanson la plus blackflagienne de toute la discographie des rednecks de la Nouvelle Orléans, « Agitation, Propaganda ! ». Surprenant sans être un changement radical. Puis nous revoilà en terrain connu. Eyehategod fait du  Eyehategod. Larsens, riffs au groove aussi boueux que le bayou où ils vivent, vocaux vomis de manière saccadée par Mike Williams qui donne l’impression de rendre son dernier souffle à la fin de chaque couplet, basse plombée, tout est là. Et surtout, il y a cette volonté de détruire ce qui est construit. Les compos sont plutôt linéaires dans le sens où on revient assez régulièrement au riff initial et les plans sont répétés mais il y a néanmoins une volonté de maintenir l’auditeur en haleine via des changements de tempos brutaux et des riffs qui semblent groovy au premier abord avant d’être hachés par des larsens. Cet album ne s’écoute pas allongé dans un fatboy, un pétard à la main en train de hocher machinalement la tête comme un hippie devant un concert de Peter Tosh à la fête de l’huma.  Il entraine, violemment dans les caniveaux remplis de gerbe des bas fond de la Nouvelle Orléans, il embourbe lentement dans les marais malsains via les riffs insidieux de « Parish Motel Sickness » (meilleure pièce de l’opus) ou de « The Age of Bootcamp », il écrase de la même façon que les passages colossaux de Take as Needed From Pain nous avaient écrasé. 

Cependant, cet album n’est pas à proprement parlé une redite, Eyehategod n’est ici pas passéiste. Il faut noter l’insertion de Spoken Word dans « Flag and Cities Bound », expérimentation qui vient probablement  de Mike Williams qui le pratique seul ou avec Corrections House, son side project d’ambiant qui comprend Scott Kelly de Neurosis, et des plans plutôt  mélodiques (à l’échelle d’Eyehategod, autant dire que ça reste du bruit pour un fan d’Angra). A l’écoute, on ressent l’album sincère, hommage ultime à leur batteur décédé juste après l’enregistrement dont les cymbales épileptiques et la caisse claire cinglante sont mises au tout premier plan et contrastent ou renforcent la guitare de Jimmy Bower. 

Eyehategod (l’album ici) n’est pas une œuvre prosélyte (bien que les mecs doivent être aussi armés que des  djihadistes, 2nd Amendement oblige), le fan de sludge crade qui aime bien se réveiller un dimanche matin la tête dans une poubelle avec un de ses chicot dans la narine s’y retrouvera, il n’y a pas d’ouverture vers un public plus large, d’éléments qui tendraient à élargir leur fanbase. Pour un néophyte, c’est une bonne œuvre d’introduction car l’essence même du groupe y est  et il permet de se prendre une claque monumentale avec Take as Needed From Pain ensuite, la pièce maîtresse. On peut reprocher à cette œuvre le choix du tracklisting : en effet, « Medecine Noose », « The Age of Bootcamp» et  « Flag and Cities Bound » butent et ne sont placées qu’à la fin. On peut également reprocher quelques longueurs, des chansons légèrement en dessous mais dans l’ensemble, l’album reste excellent. Les puristes pourraient également cracher sur la production, plus massive et léchée (encore une fois, ici tout est relatif) que celle d’un Dopesick par exemple mais de toute façon ces mecs là emmerdent tout le monde pour un oui ou pour un non. A propos de néophytes, si certains ne connaissent pas encore et pour utiliser la dernière image de cette chronique, si je devais définir Eyehategod je dirais que c’est l’inverse de France Inter et des Smoothies. 

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