Chronique | Bongripper - "Miserable", 2014


Bongripper – Miserable (album, 2014)

Tracklist

1. Endless
2. Descent
3. Into Ruin

Extrait en écoute



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   « En Europe vous avez la montre, nous, nous avons le temps » stipule un proverbe africain. Bongripper illustre cette maxime à la philosophie toute relative avec Miserable. Album d’1h05, de 3 morceaux, sans chant. Autant dire qu’il faut prendre pas mal de temps pour l’écouter et encore plus pour l’apprécier. Si tu as un rencard d’ici 15 minutes avec ta zouz’ au Gaumont Pathé de Cergy Pontoise pour aller voir le dernier film de Fincher (qui est d’ailleurs super cool, critique dans la critique, ne serai-je pas en train de faire de la métacritique ?), oublie, t’es pas dans de bonnes conditions, écoute Turbonegro. Avant toutes choses, présentons le groupe. Leurs titres d’albums sont les plus street cred’ du monde du metal en général : Hippie Killer, Satan Worshiping Doom, je vous laisse juger. Et surtout, à la vue de leurs photos promos, on pourrait croire qu’ils font de l’électro swing de gitan, sauf que leurs riffs sont plus lourds qu’un one man show de Jean Marie Bigard.

  Maintenant que votre serviteur a atteint son quota d’images foireuses, passons à l’album. La principale chose qu’on peut lui reprocher est incontestablement son artwork trop laid qui évoque l’espèce de ver de Star Wars VI. Mais à part ça, tout est niquel, ou presque. Le point fort incontestable de cet album est sa capacité à aller de l’avant. Ce qui n’est pas une chose aisée lorsqu’on constate que la chanson la plus courte fait 18 minutes. Et, bien que certains motifs soient récurrents, "Miserable" est original. Parmi les motifs susmentionnés, on retrouve la note martelée avec des contretemps, à la Sleep, soutenue par une grosse caisse qui sert d’électrocardiogramme aux guitares et à la basse qui jouent à l’unisson et insufflent à ces passages un côté ultra massif. Un peu comme un groupe de Deathcore handicapés moteurs, ou au bord du bad trip. Mais même ces passages se renouvellent, à travers des changements d’octaves, ce qui permet à l’auditeur averti de ne jamais se faire totalement chier. On trouve également dans cet album des lieux communs du doom, la batterie qui joue toute seule sous fond de larsens ou encore les accords dissonants de 20 secondes. Mais  qu’est ce que c’est plaisant. D’autant plus qu’à part cela, on peut noter des passages surprenants, comme la cavalcade d’«Endless » très typée NWOBHM ou encore le riff d’intro de « Descent », à la basse, soutenue par des notes sèches de guitares alors qu’habituellement (sous entendu : chez les groupes qui utilisent ce plan fréquemment type Ministry ou Bloodbath) c’est l’inverse. On peut également reprocher aux compos leurs longueurs, les progeux apprécieront, quoique 20 minutes sans solos, ça doit heurter la sensibilité des fans de Petrucci, mais les fans de Dream Theater se situent au niveau des fans de Fauve sur l’échelle de la fragilité, ce qui veut dire qu’un rien les heurtent. Mais ces chansons peuvent être découpées. Il y a une alternance entre plans au son colossal et plans atmosphériques qui eux, sont aux confins du drone tout en étant paradoxalement légers. En témoigne la fin d’ « Endless » où le plan « doom à la Sleep » est noyée progressivement sous les effets bruitistes qui terminent en bruit de l’électrocardiogramme qui capturerait les dernières pulsassions cardiaques d’un mourant. Et puis il y a les passages simplement beaux,  le riff pompeux et mortifère de « Descent » qui emmène l’auditeur dans son propre caveau en grande pompe (bande son qui aurait été parfaitement adaptée aux funérailles de Victor Hugo) ou encore les accords en son clair d’ « Into Ruin », qui n’aurait pas dénotés dans un album de Black Atmosphérique.

  Bongripper réussit le tour de force de ne pas ennuyer son public dans un style plutôt difficile d’accès. "Miserable" cloitre avec des plans au groove agonisants et libère, laisse respirer avec des plans bruitistes éthérés. L’album est cohérent, on ne voit pas la fin d’  « Endless », en particulier lors de la première écoute,  « Descent » nous entraine vers le bas, et nous finissons par baigner dans le chaos parfaitement retranscrit d’ « Into Ruin », de plus, le fait de ne pas rejouer ce qui a déjà été fait donne l’impression d’aller de l’avant. Plus difficile d’accès que l’usine à riffs qu’est Karma To Burn, il faut voir cet album, et Bongripper en général comme une marche entre le doom easy listening, où le public a des repères, comme le chant ou la répétition de plans, et les chefs d’œuvre du type Dopesmoker de Sleep. Il peut aussi être vu comme une porte d’entrée vers le drone. Coup de maître qui doit prendre tout son sens en live, où le son doit ébranler la cage thoracique à la manière dont un ouvrier portugais ébranle le pavé à l’aide de son marteau piqueur.  A ne pas mettre entre les mains de nouveaux venus dans le monde enfumé du Doom. 


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