Chronique | Regarde Les Hommes Tomber - "Regarde Les Hommes Tomber", 2013



Regarde Les Hommes Tomber - "Regarde Les Hommes Tomber" (album, 2013)

Tracklist

1. Prelude   04:06
2. Wanderer Of Eternity   04:30
3. Ov Flames, Flesh And Sins   09:39
4. Sweet Thougts And Visions   04:44
5. Regarde Les Hommes Tomber   02:54
6. A Thousand Years Of Servitude   06:21
7. The Fall   06:45

Extrait en écoute


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 Il est vivement conseillé de lire cette chronique en écoutant l’album 

L’Histoire de la tour de Babel est un épisode biblique rapporté dans la Parashat Noa’h, en Genèse 11 :1-9.

Peu après le déluge, alors qu’ils parlent tous la même langue, les hommes atteignent une plaine dans le pays de Shinéar et s’y installent tous. Là, ils entreprennent par eux-mêmes de bâtir une ville et une tour dont le sommet touche le ciel, pour se faire un nom. Dieu les voit, et estime que s’ils y arrivent, rien ne leur sera inaccessible. Alors il brouille leur langue afin qu’ils ne se comprennent plus, et les disperse sur toute la surface de la Terre. La construction cesse. La ville est alors nommée Babel (« brouillé » en hébreux).

Regarde Les Hommes Tomber (RLHT) nous raconte cet épisode. Quoi de plus transcendant qu’un épisode de la Bible interprété par un groupe de Sludge-Black français ? Formation nantaise avec comme leader actuel, le vocaliste d’Otargos. Les pionniers de ce nouveau style de metal qui sera en vogue dans les prochains mois, prochaines années, mettent la barre très haut avec une musique de qualité et un univers qui s’apprêtent à finir le travail commencé par les hommes.

Mais jusqu’où iront les hommes ? L’interprétation de Marie Balmary parait plus plausible par rapport à l’épisode de Babel et l’univers de RLHT, en effet, la construction de la Tour s’interprète comme une rétorsion contre Dieu. Elle fait figure de tour de guerre pour monter à l’assaut non tant du ciel que de Dieu. Pour la réaliser, les hommes opposent à la puissance de Dieu, une puissance équivalente, la « force collective ». En conclusion, l’illusion de toute puissance des hommes conduit Dieu à une tentative d’extermination de ceux-ci.

Nous sommes ainsi dans un univers créant une interaction entre nous, hommes actuels, et hommes du récit. RLHT, avec son premier album éponyme nous donne une part de cette interprétation, de la construction (« Prélude ») à la chute (« The Fall »). Les mots d’ordres divins sont ici « Efficacité », « Atmosphère » et « Histoire ». Il faut écouter cet album comme si l’on avait un regard extérieur sur cet épisode biblique, ce qui plonge l’auditeur dans une conscience parallèle et le fait retomber dans sa condition de mortel. Il faut donc à proprement parler « regarder les hommes tomber », comme dans le film de Jacques Audiard. Le nom du groupe ne peut être plus clair. Bon, après mon petit trip dans les affres de la Bible et de ses interprétations possibles, RLHT nous donne là, une qualité d’exécutions de riffs qui nous transportent loin dans un gouffre de violence. « Wanderer Of Eternity » nous fait monter en haut de la Tour, une mélodie qui rentre dans la tête, un chant de plus en plus agressif et des cervicales dans un sale état. Tout s’entremêle et s’enchaine, une batterie lourde qui groove sur « Ov Flames, Flesh And Sins » avec un petit côté Funeralium par instant (Ultra Sick Doom français), titre aussi massif que la grande Ziggurat du dieu Marduk (Dieu de Babylone, divinité agraire, dieu de l’exorcisme), située au cœur du sanctuaire de l’Esagil. « A Thousand Years Of Servitude », beaucoup plus lourde et Doom, nous impose ses paroles divines par sa dévotion à la violence et sa mélodie, du blast très lourd, de la double pédale et un riffing de guitare rappelant les tourbillons d’Aosoth. Le morceau éponyme est lui plus ambiant et rappelle un peu le morceau magistral de Blut Aus Nord, « Procession Of Dead Clowns » pour sa tristesse répétitive et son touché de gratte si doux. Chaque morceau est de très bonne qualité et nous rappelle que la ville et la Tour de Babel sont construites sur une faille, Shinar, qui pour les anciens, met en relation le monde des hommes avec celui des dieux : Les Enfers.

Pour RLHT, il n’y a pas de Paradis sur Terre, seulement les enfers. « The Fall » se traduit par une violence sans concession et une mélodie toujours très bien construite à cheval entre le dissonant et le « très lourd ». Il n’y a pas de solo dans cet album ou de musique superficielle, juste une tristesse et une haine de la volonté de l’homme d’atteindre les Dieux. Ainsi, les hommes tombent. Et notre chanteur national déchaine les affres du temps et le monde des hommes avec une puissance vocale mettant à l’épreuve toutes les dimensions de l’univers. Ce n’est pas pour rien que Regarde Les Hommes Tomber plait autant, sa production sur support CD et en live en ferait frissonner plus d’un.

On sent très fortement sur certains titres une influence majeure du side-project du chanteur, Otargos. Cette impression de retrouver un petit « Fuck God Disease Process », énorme album de Black Metal Brutal des étoiles. Entre Dieu et les étoiles, la frontière est bien fine !

Les compositions lourdes et massives sont souvent nuancées de passages moins violents permettant de prendre encore plus de plaisir sur les passages violents et groovy. Le duo de guitares dissonantes, la basse ronflante, la double pédale maîtrisée et le chant démoniaque vous feront rentrer dans un autre monde. Celui de Regarde Les Hommes Tomber.

Lorsque vous mettrez votre CD sur la platine, préparez-vous à affronter une profondeur musicale complète et complexe. Comme dirait Ridley Scott dans « Gladiator » :

"A mon signal, déchaîne les enfers."

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