[INTERVIEW] D. du groupe de Black Metal Dépressif, Woods Of Desolation


Dans l'arbre Black Metal, depuis quelques années, on trouve de nouvelles branches, de nouveaux genres émergents, parmi ceux-ci, le Black Metal Dépressif, qui se caractérise par une recherche mélodique et émotionnelle plus importante. Dans ce genre, difficile de passer à côté du projet solo Woods Of Desolation, qui s'est imposé comme un groupe reconnu. Le frontman D., entouré notamment de guests tels le batteur de Drudkh, Vlad, a sorti le 14 février un nouvel opus confirmant la réputation du projet de ce seul Australien. 
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Scholomance : Tu as donné naissance à Woods Of Desolation dans le but de donner une profondeur à ton expression personnelle, comme pour te libérer d'un fardeau à travers la musique. Quel genre de sentiments, quelles idées as-tu cherché à exprimer grâce à la musique, de quels fardeaux as-tu voulu de défaire avec Woods Of Desolation ?

D : J'ai voulu me libérer du fardeau du besoin de création que j'avais en moi depuis longtemps. C'était quelque chose que je devais faire par moi-même, car jouer dans des groupes ne correspondait pas à ma vision et à mes envies à propos de la composition de chansons et de la musique en général.

S : Étant donnée ton envie de créer une musique basée sur tes sentiments, quelle est l'évolution présente derrière les concepts de ce que tu as accompli avec Woods Of Desolation ? Quelles idées ont grandi ton esprit pour donner naissance à ces albums ?

D : Je ne dirais pas qu'il est question consciemment d'un but à atteindre pour chaque album, ce qui prime pour moi dans Woods Of Desolation est simplement de laisser les choses venir, et évoluer naturellement, sans objectif donné. Le seul album pour lequel je peux reconnaître avoir voulu dégager un concept (pour les paroles) a été « As The Stars ».

S : Ton jeu de guitare est particulier, les mélodies sont très distinctives, ceux qui ont déjà écouté Woods of Desolation peuvent reconnaître ta patte, les parties lead ont pour le plus souvent cet effet de contraste entre ténèbres et espoir. Est-ce le résultat d'influences musicales spécifiques, ou tes mélodies sont juste la retranscription musicale de ce que tu ressens au moment de composer une chanson ?

D : C'est juste ce qui me vient naturellement. Je n'ai jamais étudié la musique, le solfège, ni pris de cours de musique, donc tout ce que je peux en déduire, c'est que ce que je compose est juste le résultat de mes talents naturels de jeu et d'écriture – pour le pire ou le meilleur, chacun en juge de lui-même.

S : Woods Of Desolation est ton projet personnel comme tu l'as dit précédemment, alors peux-tu nous expliquer les raisons qui t'encouragent à prendre des guests sur tes albums ? Est-ce quelque chose de nécessaire pour pouvoir sortir des albums complets, ou veux-tu ajouter d'autres facettes, d'autres sentiments à tes compositions, au travers du ressenti de chaque guest que tu choisis d'impliquer dans tes albums ?

D : Les guests sont présents, tout simplement car je ne pense pas que mon chant ou mes capacités à la batterie soient assez bonnes pour figurer sur mes albums. Je suis sûr que je pourrais le faire si je voulais, et si j'en avais vraiment besoin, mais je pense que cela en résulterait d'albums de moins bonne qualité. Je préfère donc me consacrer uniquement à la guitare ; cela restera toujours mon instrument principal.

S : Maintenant concentrons-nous plus particulièrement sur ta dernière production « As The Stars » . Quelle signification porte l'artwork ? Chacun peut émettre son avis personnel sur ce que cela représente, mais quel message voulais-tu faire passer au travers de cette pochette ? Et qu'est-ce qui a motivé ton choix de faire appel à Lucas Ruggieri pour cet artwork ?

D : Je voulais me détacher de l'habituel – et des images utilisées pour les albums précédents qui commençaient à peut-être devenir prévisibles pour Woods Of Desolation – et essayer quelque chose de différent. Heureusement, Northern Silence connaissait le travail de Lucas Ruggieri, et se sont arrangés avec lui pour qu'il conçoive l'artwork de l'album à partir d'un concept que j'avais. Je voulais que l'artwork reflète le thème général derrière l'album ainsi que l'ambiguïté derrière le titre « As The Stars », je pense que Lucas a fait du bon boulot.


S : Cet album est sorti trois ans après « Torn Beyond Reason », est-ce que ce laps de temps est dû à des contraintes, ou est-ce que tu voulais tout simplement te laisser du temps pour retravailler certaines idées, certaines compositions, et vraiment prendre ton temps et réfléchir avant de les sortir ?

D : Je prendrai bien sûr toujours mon temps entre les sorties d'albums, et je ne sortirai jamais d'albums parce que je dois sortir un album, ou pour quelconque contrainte de temps qu'on m'imposerait. Je pense que pendant ces 3 ans, j'ai composé beaucoup de musique pour Woods Of Desolation, et pour d'autres projets qui n'ont jamais abouti, donc c'était juste une question de temps avant que l'inspiration ne prenne le dessus et ne m'aide à compléter l'album, et enregistrer les chansons que j'avais choisi parmi ce que j'ai composé pour donner naissance à « As The Stars ».

S : Tu as fait un choix très intéressant et peu conventionnel à propos des paroles, tu as choisi de ne pas les révéler. Pourquoi ?

D : Tu as raison, je ne les ai pas dévoilées. Je voulais emmener l'auditeur dans une expérience d'écoute plus profonde, plus pensive. C'est une chose de simplement s'asseoir et de lire les paroles sans réfléchir, mais c'est une toute autre chose que d'essayer de distinguer par soi-même une définition, un sens personnel qu'on peut donner à l'album qu'on écoute.

S : Malgré le fait que tu n'aies pas dévoilé les paroles en elle-même, tu n'as pas laissé l'auditeur sans indices, tu as indiqué que l'album se focalisait sur la notion de séparation du corps et de l'âme. J'ai une question plutôt originale à te poser sur le sujet. En quoi l'immortalité de l'âme, cette séparation de l'âme et du corps a inspiré l'album ? Est-ce que tu as toi-même, à travers ta vie, vécu un phénomène particulier te menant à cette conclusion, comme des décorporations conscientes ? Certains artistes en ont témoigné de tels phénomènes comme source d'inspiration artistique, Neige du groupe Alcest par exemple.

D : L'album a effectivement comme tu l'as deviné été inspiré de ma vision personnelle sur ce sujet. J'ai connu au cours de ma vie, liées à ce sujet, des choses « paranormales », pas communes, mais pour autant pas entièrement convaincantes car ces expériences ont toujours pu trouver par un moyen ou un autre un explication logique. Je ne peux pas dire que j'ai eu une expérience de sortie de corps concrète, cependant je pense qu'il y a des théories existantes, présentes également dans la littérature scientifique qui peuvent mettre des mots pour expliquer logiquement la sensation de séparation de l'âme et du corps, la sensation de « lumière blanche » et tout le reste. C'est simplement du domaine de la neurobiologie, par exemple : Des problèmes de communication entre les hémisphères gauche et droit du cerveau, qui affectent le taux de sérotonine, et donne la sensation de « flotter », des problèmes de myélinisation qui causent des problèmes d'intégration de pensées et de souvenirs. Donc ces facteurs qui entrent en compte provoquent cette expérience de séparation d'âme et du corps, mais sont aussi la raison pour laquelle notre cerveau ne peut pas savoir exactement comment recréer cette expérience. Cependant, mis à part l'explication scientifique, je continue à essayer de recréer cette expérience et je reste ouvert à toutes les idées et théories sur le sujet.

S : Je vois que tu t'es vraiment intéressé au sujet. Est-ce que cela continuera à être ta source d'inspiration pour les albums à venir ?

D : Peut-être oui. Je ne peux pas te dire qu'il n'y a pas de plans ou d'idées pour la sortie du prochain album, mais il est vrai que c'est un sujet qui m'intéresse énormément et que je veux continuer à creuser par moi-même, à exprimer mes idées, mon inspiration sur ces phénomènes au travers de paroles, de musique et de tout ce qui s'y rattache.

S : Que penses-tu que les auditeurs vont ressentir après avoir écouté « As The Stars », que vont-ils imaginer du concept de l'album à ton avis ?

D : Pour être honnête, je n'attends pas de réaction particulière des auditeurs. Cela sera juste une « expérimentation » réussie si l'écoute leur fait ressentir quelque chose, un changement, ou une quelconque expérience après avoir écouté « As The Stars ».


S : Pour se détacher de l'album à proprement parler, tu avais par le passé un projet appellé « Grey Waters » dans lequel tu as notamment collaboré avec Tim Yatras (Germ, Autumn's Dawn, ex-Austere). En ce sens, est-ce que tu as d'autres projets musciaux (autre groupe, des projets de featurings, ou de splits entre WoD et d'autres groupes), ou des projets dans d'autres formes d'art peut-être, tu l'as laissé deviner tout à l'heure.

D : Oui, je suis constamment en train de travailler et de développer de nouvelles choses à côté de Woods Of Desolation (et hors de la musique), mais si oui ou non je décide un jour de finir ces choses ou d'en faire quoi que ce soit, reste à définir pour le moment, je ne peux pas te le prédire.

S : Le temps nous le dira ! Dans le futur, as-tu une tournée en tête pour continuer à promouvoir « As The Stars » ? Ta musique a maintenant bien dépassé la frontières, tu as une fanbase qui est étendue au travers du monde, des gens qui aimeraient voir WoD en live. Si tu voulais faire une tournée, quels endroits tu choisirais, et avec quel line-up ?

D : Je n'ai pas de tournée ou même de dates en tête pour le moment. Si une tournée arrive un jour, mes préférences se tourneraient sur l'Europe ou l'Amérique du Nord.

S : Est-ce que pour le moment tu es satisfait de ce qui est arrivé avec Woods Of Desolation, de ce que les gens pensent de ta musique ? Est-ce que tu aurais imaginé à l'heure des premières démos, avoir cette réputation presque de référence dans ton genre ? Pour combien de temps encore est-ce que tu penses faire durer ton projet ?

D : Je ne suis pas vraiment en contact avec beaucoup de gens ou de groupes, donc je n'ai jamais vraiment fait attention à la réputation ou au statut de WoD dans le genre, si les gens le voient comme une référence, tant mieux – mais je serais aussi heureux même si il n'y avait qu'une seule personne qui voulait bien écouter mon travail d'artiste.

Je ne sais pas combien de temps encore je vais continuer WoD (et la musique en général), je suppose que aussi longtemps qu'il me reste de l'inspiration, et que ça ne devienne pas une corvée ou ennuyeux de la moindre des façons, je continuerai. Dans le cas contraire, je n'hésiterai pas à arrêter Woods Of Desolation et passer à autre chose.

S : Pour finir cette interview, est-ce que tu veux dire quelque chose aux gens qui suivent ton groupe, ou au public français plus précisément ? Ou quelque chose de personnel que tu voudrais ajouter ?

D : Merci pour l'interview et l'intérêt que tu portes à Woods Of Desolation, et merci à tous les Français qui soutiennent ou apprécient le groupe ! Ceux qui veulent suivre l'actualité du groupe ou écouter WoD peuvent le faire via le facebook et le bandcamp.


Intervieweur : Kevin

   

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