Un
rendez-vous avec Niklas Kvarforth n’est jamais chose aisée. C’est donc avec
une certaine appréhension que je vais à la rencontre de cette
personne au charisme indéniable, qui ne laisse pas indifférent.
C’est un Kvarforth de bonne humeur que j’ai rencontré, tantôt
enjoué, tantôt mélancolique, toujours réfléchi, avec des
réponses très intéressantes.
Comment vas-tu,
es-tu content d’être à Lyon ?
Salut
mec, je suis très content d’être là, on est très bien
accueilli. Ça nous change du reste de la tournée, c’est la
première fois qu’on nous traite aussi bien, et ça fait du bien
Oui
j’imagine que c’est difficile de tourner, même quand on
s’appelle Shining ?
Non,
le problème c’est que nous avons travaillé avec cette agence de
booking allemande – ça n’arrivera plus.
On
est déjà venu une fois, ce n’était pas super. C’était au
Lyons Hall. Le gars est parti sans nous payer, il a finalement payé
mais pas quand nous y étions malheureusement.
Mais
tu aimes venir jouer en France quand même ?
La
France a toujours été un très bon pays pour nous. Tant au niveau des ventes de CD que pour les concerts,
c'est un pays très satisfaisant. Je sais pas pourquoi
d’ailleurs. Tout le monde dit que l’Allemagne est le pays Metal
en Europe, mais la France est bien plus cool pour nous.
Il
n’y a pas beaucoup de groupes de Metal qui aiment la France, il
n’y a pas vraiment de scène ici.
Oui
mais en même temps, nous n’avons jamais appartenu à une scène
quelconque.
Oui
c’est vrai. Parlons maintenant de votre dernière sortie CD, 8
½. J’ai entendu dire que les
morceaux provenaient d’un bootleg et que vous avez retravaillé les
morceaux…
Pourquoi
avoir invité des chanteurs sur ce dernier opus ?
Parce
que je ne me voyais pas chanter ces morceaux moi-même. On a eu ce
projet en 2005 ou 2006. On n’était pas supposé enregistrer
l’album mais un réenregistrement du premier album avec divers
chanteurs, mais on a fait deux autres albums entre temps et j’ai
finalement voulu revenir à ma première idée.
Est-ce
que tu as eu du mal à chanter sur tes morceaux que tu as écrit il y
a des années, parce qu’ils sont peut-être trop personnels ?
Non,
pas du tout, j’ai juste pensé que ça serait stupide de chanter
moi-même, alors j’ai demandé à des personnes que j’admire. Et je pense que le résultat est très bon.
Famine
a chanté un morceau dans sa langue maternelle, le français. As-tu
écrit le texte ou Famine a-t-il écrit ses propres paroles ?
J’ai
écrit le texte et il l’a traduit en français en rajoutant ses
propres idées bizarres, enfin tu sais quoi.
Oui,
c’est quelqu’un de très spécial.
Ah,
tu devrais lui demander, il est juste à côté. C’est d’ailleurs
la première fois que je le rencontre en vrai.
Que
voulais-tu transmettre avec tes textes ?
Ce
sont les mêmes textes que sur les morceaux que nous reprenons, mais,
tu sais, à l’époque j’avais 16, 17 ans, maintenant je suis un
peu plus âgé, mais ils ont toujours un sens pour moi.
Mais
tu as changé quand même depuis tes 16 ans j’imagine…
Je
n’ai pas changé, j’ai évolué
Oui,
j’espère quand même un peu
[rigole]
Oui, heureusement, sinon j’aurais de plus gros problème que j’en
ai actuellement
Avec
Redefining Darkness
vous n’avez pas donné de numéro à votre album, comme vous faites
d’habitude. Le dernier album porte le titre 8
1/2 – cela veut dire que cet
album a une position intermédiaire entre Redefining
Darkness et le prochain opus ?
Cela donne-t-il un autre statut à Shining ?
Oui,
c’était pensé comme ça. Mais c’était un peu problématique de
vouloir conférer à Shining un autre statut. Je n’ai jamais eu
peur d’évoluer mais il ne faut pas se perdre non plus.
Votre
musique est étiquetée comme DSBM. C’est toujours actuel ou tu
veux faire quelque chose d’autre pour envoyer un autre message ?
Le
problème est que j’ai créé ce terme, DSBM, en 1996 mais les gens
ont mal compris cette étiquette, ils pensaient qu’il s’agissait
de pleurer, se sentir mal. Mais Shining prend la peine et la haine
comme une arme et ce n’est pas une musique pleurnicharde « oh
mon Dieu je vais me suicider », non.
Ca
me rappel un peu Alcest ce que tu es en train de dire…
C’est
quoi ? Je ne connais pas. Je n’écoute pas de Metal.
Ah
oui, c’est vrai, on m’a dit récemment que tu aimais beaucoup
Rihanna
[rigole]
J’adore Rihanna.
Vous
avez sorti le nouvel album avec Dark Essence Records. C’est votre
nouveau label ou c’est juste pour ce disque ?
C’est
mon label. Donc fallait que je sorte un truc. Ah mais non, qu’est-ce
que je dis [a l’air un peu perdu]. Je suis très content de ce
label. Bizarrement ils ont tout fait comme il faut, c’est bien la
première fois depuis que l’être humain existe [rigole]. On a
travaillé avec tellement de labels et tout était simplement à
chier. C’est donc une bonne expérience pour le moment.
Tu
préfères avoir une expérience underground, sortir toi-même tes
propres albums, ou avoir une personne tierce qui t’aide ?
Oui
bien sûr c’est toujours bien d’avoir une personne tierce, mais
mieux vaut faire les choses soit même.
Avec
quels groupes aimerais-tu tourner dans le futur ?
Alice
in Chains ou Alice Cooper. On a déjà
tourné avec tous les groupes de Black Metal, pourquoi le
referions-nous ?
Est-ce
que tu as déjà composé de nouveaux morceaux pour le futur album ou
est-ce que tu te concentres sur les concerts, la tournée ?
[me
regarde méchamment puis rigole]
Question suivante.
Que
penses-tu de tout ce que tu as accompli avec Shining depuis le
début ? Que ressens-tu maintenant ?
Je
pense qu’on n’a pas réussi à faire ce qu’on voulait faire à
cause de tous ces connards dans le business, les labels, les agences
de booking, tout fout le camp. Puis je me suis également endurci. Je
suis devenu une personne avec qui négocier est très difficile. J’ai
toujours voulu qu’il n’y ait pas de compromis, mais c’est
impossible dans ce monde. C’est pour cela que j’ai décidé de
tout faire moi-même, j’en ai marre de ces gens qui me pissent à
la raie. Ça arrive à tous les artistes, mais le problème est que
tu dois payer tes factures, donc parfois tu n’as pas le choix.
Pour
combien de temps penses-tu que Shining va continuer ?
C’est
peut-être la première fois sur les 2000 interviews que j’ai données
qu’on me pose cette question-là [rigole].
Super,
on sera les premiers à avoir une réponse à cette question alors.
Shining
est ce que je fais tous les jours, toutes les nuits. Mais après ces
6 jours de tournée, je pense à arrêter Shining tous les jours. A la maison je suis également totalement impliqué dans
Shining, donc c’est compliqué. Je sais que je suis un génie quand
il s’agit d’écrire de la musique, quand je suis sur scène, mais
je ne sais rien faire d’autre. Ça m’atteint physiquement, j’ai
perdu ma voix ces deux derniers jours, je ne sais même pas si je
pourrais chanter ce soir.
Pourrais-tu
considérer jouer dans un autre groupe, dans un univers complètement
différent, genre de la country ou, soyons fou, du rap ?
Je
joue déjà dans un groupe de country.
J’attends avec impatience le premier
album.
Mais
tu sais, les labels un peu mainstream ne veulent pas être associés
à mon nom. Puis je ne peux pas arrêter Shining, faut que je paye
mes factures, sans Shining je suis à la rue. Je suis un businessman.
Mais même quand tu gagnes beaucoup d’argent, il finit toujours
dans les chiottes. Tu dois alors travailler, vraiment travailler pour
te maintenir et c’est ce que ces idiots [il montre ses musiciens de
session] ne comprennent pas. « On va sortir un album, on va
tourner, youpi on est content, tout est super », mais ce n’est
pas ça la vraie vie. De toute manière je ne les connais pas. Ils
jouent avec moi mais je ne les connais pas. Je n’ai pas envie de
les connaître.
Que
penses-tu de la scène Metal actuelle ?
Peste
Noire est quelque chose de très spécial. Mais à part ça… Le
Metal… Non…
J’ai
lu dans une interview, que Ulver a dit que le Black Metal est mort.
Qu’en penses-tu ?
Chris
de Ulver est un mec bien. J’adore sa musique, les albums anciens
comme récents. Je préfère les derniers d’ailleurs. On a les même
centres d’intérêts, le jazz, la pop des années 70, 80, les B.O.
comme John Carpenter. Tu sais, le Black Metal a été créé par ces
jeunes cons de 13, 14 ans en Norvège. Le Black Metal est mort parce
qu’il n’a jamais existé, c’était juste une idée, un rêve,
mais pas une réalité.
Une
question plus personnelle : Tu es sur la pochette du livre de
Ranko de Svart Crown. Est-ce que tu réalises que tu es une sorte de
légende urbaine ? Des personnes qui ne connaissent pas
forcément Shining connaissent Niklas Kvarforth. C’est dingue quand
même.
Shining
a toujours essayé d’être mainstream donc c’est normal que les
gens connaissent un peu mais sérieux mec, si c’est vrai que les
gens me connaissent moi sans forcément connaître Shining, ça me
fait flipper [rigole]. Mais c’est pour ça qu’on doit faire de
meilleures tournées, de meilleurs shows pour que les gens voient que
nous sommes un bon groupe.
Pour
terminer cette interview, j’aimerais te poser une question sur ton
talent d’écriture : quels sont tes projets futurs ?
Je
suis en train d’écrire 2 livres. C’est dans un style d’horreur
contemporaine. Sur les films qui ont été écrit après 2000. On m’a
proposé à plusieurs reprises de faire des films, j’ai fait
quelques truc ici et là mais ce n’est pas mon truc. Mon problème
est que j’en demande toujours beaucoup trop et il n’y a personne
pour suivre. S’ils ne font pas ce que je veux, je m’énerve et
c’est bien pour personne. Entouré d’acteurs sur un tournage,
c’est plein de possibilités de s’énerver. Peut-être avec Roman
Polanski un jour. Mais bon, mon cœur ne tiendrait pas.
Merci
pour tes réponses, veux-tu ajouter quelque chose pour nos lecteurs ?
Sachez
que cette tournée était très dure, à cause de certaines
circonstances. Ce concert ne sera peut-être pas très bien au niveau
du chant, je m’en excuse. Mais nous reviendrons avec un autre
tourmanager. J’espère que les personnes comprennent que tout ce
qu’on exprime dans Shining, on l’a vécu dans la vraie vie et
c’est la raison pour laquelle parfois les choses déraillent. J’ai
toujours voulu donner 100% donc ça m’énerve quand ce n’est pas
possible. Mais peut être avec la magie de l’alcool ça devrait
bien se passer.
Merci à tout le monde et à très bientôt en
concert !
Questions de Kevin Bernard et Guillaume Beringer,
Traduit de l'anglais par Guillaume Beringer.
Très bonne interview qui explore bien l univers du groupe , les impressions du musiciens et ses projets ,
RépondreSupprimerSuper présentation de ce groupe de métal.
RépondreSupprimer