Chronique | Idensity - "Chronicles" : une épopée anthropologique, mystique et musicale


Idensity - "Chronicles", 2013

Tracklist

01. Chronicles
02. Over the Abyss
04. Mïfa 
05. The seven seals
06. Antikhristos
07. Typhon
08. Islam
09. Annunaki
10. Mantra
11. Loki

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Tu aimes le Death Metal mélodique et tu es las de tourner en rond ? Insatiable, tu es toujours en quête de nouvelles découvertes ? Alors cet album ambitieux est fait pour toi.

Idensity est un groupe de Death Metal français dont l'originalité réside dans l'intégration d'une violoniste au combo. Les parties de violon ne sont cependant pas réduites au rang d'accessoire. Elles ne sont pas là pour décorer et apportent au contraire une véritable richesse à la musique du groupe, formidablement intégrées dans les compositions de "Chronicles", le dernier album en date sorti le 28 octobre dernier via Send The Wood. L'exotisme mêlé à la violence du Death Metal érige celui-ci en incontournable des sorties de cette année, et les artistes ont tôt fait de se placer au-dessus du lot. Même le clip de 'Sekhmet', confié au réalisateur Ingram Blakelock, auteur de la vidéo de 'Gatherer of the Pure' de A Forest of Stars, n'a pas échappé au désir de perfection des musiciens. 

"Chronicles" est en effet un véritable melting-pot qui marie à merveille les différents horizons dont viennent les membres de la formation, si bien que personne ne se sentira dépaysé, tant il y en a pour tous les goûts. Personne ne finira l'écoute de cet opus sans avoir auparavant voyagé dans le vaste monde qu'est celui d'Idensity, dont l'ambition a cette fois-ci fait le ménage dans la scène Death melo en manque d'inspiration. 

On peut qualifier "Chronicles" d'album concept sur le thème de la fin de la vie,  nous faisant parcourir le monde des mythes qui ont sont et ont toujours été à la recherche d'une réponse à ce questionnement philosophique des temps immémoriaux. L'ancestralité du thème est d'ailleurs assez bien suggérée par la pochette représentant des sculptures de la Grèce antique, dont l'une d'elles rappelle Icare, cet être damné dont l'ambition a conduit à sa perte. Pour moi, il symbolise encore la propre ambition du groupe de ne rien laisser au hasard. Peut-être aussi s'agit-il d'un ange de la mort dont l'effroyable besogne consisterait à enlever à l'homme malheureux et faible la présence d'un être cher. La question est ouverte, si vous avez une hypothèse faites moi signe !

Ce désir de communiquer l'universalité et l'ancienneté de cette question aussi bien philosophique que religieuse, Idensity nous le fait comprendre avec génie en intégrant des éléments musicaux venus de diverses cultures - des incantations... - qui mettent en avant l'universalité de ce problème du passage de la vie... à la suite. Il n'y a qu'à jeter un coup d'oeil aux titres des morceaux qui composent cet album : de 'Loki' à 'Sekhmet' ces derniers donnent à voir un rapide panorama des différentes mythologies, qu'elles soient nordiques ou orientales, hindouistes, catholiques, mayas... Le groupe propose une grande variété de registres jouant à la fois sur l'émotion mais aussi, bien sûr, sur la violence fougueuse liée au désespoir et à la souffrance.




"Hello to you Sekhmet,
we praise ceaselessly for your face,
Goddess Auguste, lady of the sky,
Sekhmet divine Eye"


La dimension orchestrale de la musique d'Idensity est d'avantage mise en valeur que sur le premier effort du combo, ce qui apporte agrément et soutien à la lourdeur des riffs Death. Cela n'est pas sans compter l'aide précieuse de la violoniste qui à l'instar des parties symphoniques permet vraiment de passer d'un Death Metal mélodique à une musique exotique. Cet exotisme se retrouve dans des compositions telles que 'Maddhi's Arrival', une chanson aux mélodies orientalisantes, tout comme 'Mantra'.  La cithare et le ehru (une vielle chinoise) sont incorporées dans les compositions ('Mïfa') et sont justement au service de cette découverte des autres cultures du monde. Ces éléments proche du Metal prog et symphonique rallieront sans doute les fans d'Orphaned Land à la cause des parisiens. Il y a tout d'abord cette voix tantôt claire, tantôt gutturale du chanteur qui manie avec aisance les deux registres, passant de l'un à l'autre sans effort audible, et la voix féminine de la violoniste accompagne parfois celui-ci, comme nous pouvons le voir dans le clip de 'Sekhmet'. Les guitares apportent quant à elles, en plus de l'énergie rythmique dont elles sont le pilier, de la virtuosité par des soli qui, loin d'être des démonstrations techniques, interviennent toujours à bon escient - je pense par exemple à l'introduction de 'Mantra' -, mais aussi une agressivité contrôlée qui ne nous plonge pas non plus dans une espèce de capharnaüm sonore, risque non négligeable vu l'entrelacement des différentes parties instrumentales. Cette volonté de ne pas en faire trop donne une impression d'authenticité et de sincérité à l'art des musiciens dont le jeu ne cesse de surprendre l'auditeur, tant les rebondissements sont nombreux : l'introduction symphonique de l'opus me laisse rêveur, mais, soudainement, le riffing typiquement Death me plonge dans les flammes d'En-Bas, pour finalement s'associer à de prenants élans orchestraux.

Au final, une aventure métaphysique, mystique, musicale mais aussi émouvante qui demande plusieurs écoutes pour nous approprier ce véritable bijou, qui communique avec sensibilité les doutes relatifs à notre existence humaine. La musique, ici, plus qu'un plaisir pour nos oreilles, est empreinte d'une expressivité étonnante. La qualité de la production, exemplaire sur cet opus, était nécessaire pour nous communiquer ce message. Je dirais même qu'avec cette nouvelle pièce discographique qui s'apparente à une véritable mine d'or inépuisable, Idensity a trouvé son identité. On attend la prochaine pépite avec impatience !

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Auteur : Eru Ilúvatar




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