Chronique | DxS - "The Wretched Host" : on ne lui fermera pas notre porte


DxS - "The Wretched Host", 2013

Tracklist
 
01 - Demise Of Time
02 - The Devil's Score
03 - Eyes Without A Face
04 - Into The Mirror Black (extrait à écouter)
05 - Wreath Of Ashes
06 - The Musical Box
07 - On The Seventh Day
08 - Synæsthesia

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Un contrat chez AdArcA Records, une fermeté du style revue à la hausse, et voilà le second album des Cannois de DXS qui nous prend d'assaut avec un progressif lourd, sombre, teinté de reflets multicolores provenant de la grande variété des influences de ce groupe s'étant déjà révélé prometteur avec l'habileté de son premier album datant de 2010, Catharsys. Après un EP contenant deux titres de ce deuxième opus, ce dernier nous parvient enfin.


"The Wretched Host" semble vouloir imposer une personnalité sonore plus marquée que celle que le groupe avait proposée jusqu'ici. Le paysage qui nous est présenté témoigne en effet d'un savant clair-obscur entraîné par une certaine luminosité typiquement power, avec notamment des guitares sachant se faire très mélodiques, assombrie par une atmosphère tendue, lourde, comme en suspension. Le clavier pose régulièrement la tonalité, tantôt en scintillant sur ses vives promenades de virtuose, tantôt en remplissant le son en conservant un équilibre plutôt réussi où la richesse ne se fait pas suffocante. Il contribue également fortement à forger des ambiances qui viendraient presque déranger positivement l'auditeur, en installant des motifs comme bancals, interrogatifs, s'affranchissant des schémas classiques de construction instrumentale ; la guitare sert parfois de relai à ces captivantes bien que répétitives fresques. De nombreux leitmotivs viennent ainsi hanter cet opus sachant se faire pesant, tout en finesse.

DXS ne s'est cependant pas contenté de produire une remarquable unité du ton dans cet album ; celui-ci est en effet agrémenté de libertés stylistiques plus ou moins surprenantes au fil de l'écoute. La palme d'or revient sans aucun doute au débarquement de quelques cuivres sur Into the Mirror Black, entraînant le piano dans une réjouissante et audacieuse virée salsa qui n'était pas franchement attendue, mais offrant une superbe relance au morceau. On apprécie de même l'immersion quasi-ecclésiastique au sein d'Eyes Without a Face, où un grave choeur souligné de quelques cordes nous enveloppe dans la mysticité d'on ne sait quelle nef de cathédrale : une fois encore, bien loin de briser l'élan de la composition, cet aparté y fait office d'un brillant tremplin. Enfin, une autre surprise fort agréable saisira l'auditeur lorsqu'il notera les quelques touches d'un hammond aux échos floydiens ornant The Devil's Score. Toutefois les sorties des sentiers battus du metal progressif, dans une certaine continuité des oeuvres précédentes, consistent le plus souvent en des interventions de death growl (très syllabique la plupart du temps, dès l'ouverture de l'album par exemple, ou en longues tenues d'habillage sur le morceau titre) au rythme bien marqué, venant enfoncer le clou sur une planche déjà solidement bâtie grâce à l'inquiétude s'en évaporant.

L'un des ingrédients de cette dernière pourra probablement être source de division des avis concernant cet album, contenant des lignes mélodiques simples pour la plupart, mais également à la frontière de la sage harmonie avec l'accompagnement instrumental, titillant ainsi la justesse globale. Coup de génie ou maladresse? Si ces frottements peuvent lasser, on niera tout de même difficilement l'efficacité de ces provocations sonores, largement bénéfiques à l'atmosphère dans laquelle DXS souhaite nous plonger. L'autre remarque principale concernant les vocaux de "The Wretched Host" sera par contre une critique bien moins nuancée : la grande stabilité du ton trouvé au chant frustre en effet rapidement, notamment sur des accalmies parfois sous-exploitées et manquant de douceur (on regrette la voix féminine que l'on avait précédemment entendue sur "Catharsys"), affaiblissant donc les contrastes structurels des compositions, qui pourraient être nettement plus marqués. Le même reproche sera adressé à la batterie, qui aurait sûrement gagné à s'effacer plus subtilement sur les sections à faible vivacité.

Enfin, la principale faiblesse de cet opus est peut-être la chose même faisant toute sa puissance : l'unité de son caractère mute progressivement en monotonie, créant un certain effet d'essoufflement sur la deuxième moitié de l'album. La richesse instrumentale se voit ainsi re-considérée et pourra être perçue comme un remplissage sonore se doublant malheureusement d'une certaine sécheresse, éventuellement à cause d'une guitare se posant trop sur des riffs peu volumineux, abandonnant quelque peu le chant -à titre d'exemple. Finalement, à l'image du ton général, les constructions des morceaux ou encore le doublage de la voix perdent une part de leur charme au fur et à mesure de l'écoute.


Mais même si l'envoûtement se dégageant de l'obscurité de "The Wretched Host" ne tient pas vraiment la distance de l'album dans son entièreté, cette dernière production de DXS a le mérite de refléter l'évident travail d'affirmation identitaire d'un groupe gagnant en maîtrise de son espace sonore et témoignant d'évidentes capacités à naviguer avec fluidité aussi bien dans son domaine habituel que dans des excursions qu'il sait s'approprier. Ce dernier album mérite que l'on y fasse un détour, et malgré son inégalité dans les nombreuses qualités qu'il présente, il consolide le nom de compositeurs sûrs d'eux qui grâce à cet opus ont de fortes chances d'acheter la confiance de l'amateur de metal progressif.

*The Wretched Host = l'hôte misérable

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Auteur: Marion


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