Chronique | Thy Light - "No Morrow Shall Dawn" : un premier album qui a su évoluer sans pour autant renier son essence


Thy Light - "No Morrow Shall Dawn", 2013

Tracklist 
 
01. Suici.De.Spair
02. Wanderer Of Solitude
03. No Morrow Shall Dawn (extrait à écouter)
04. Corredor Seco
05. The Bridge

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Thy Light est un duo officiant dans le Depressive Suicidal Black Metal, souvent simplifié « DSBM », formé à Sao Paulo au Brésil et signé sous le label chinois Pest Productions. Le projet est composé de Paolo Bruno à tous les instruments et au chant, et d’Alex Witchfinder qui écrit des textes évoquant la dépression, le suicide, la solitude, la nostalgie… Thy Light a sorti un seul EP,  intitulé « Suici.De.Pression »  en 2007, très bien accueilli par la critique, certains le considérant comme une référence dans le genre. Après 6 ans de longue attente, ce premier album « No Morrow Shall Dawn » est enfin révélé. Le titre confirme que le groupe restera fidèle à ses thématiques de paroles et à sa musique dépressive, malgré tout, l’artwork semble plus lumineux et est beaucoup moins minimaliste, ce qui peut laisser présager une évolution de la musique du groupe.

L’album débute de la même façon que leur précédente démo avec une intro instrumentale « Suici.De.Spair » qui prouve à nouveau le talent de Paolo aux claviers et au piano, talent qui fait la force de Thy Light et contribue grandement au côté ambiant et mélodique du groupe. Une des particularités de la galette est qu’elle contient plus de guitare sèche que son prédécésseur, et des influences différentes et plus assumées, on ressent des influences typées flamenco sur les passages de guitare sèche sur « Wanderer of Solitude » et « Corredor Seco » notamment. L’album dure un peu plus de 40 minutes, pour 5 chansons, mais se révèle au final rapide à écouter, et très digeste de par le fait qu’il est très bien construit, une intro, deux chansons excédant les 10 minutes, un interlude pour faire souffler l’auditeur et le laisser assimiler ce qu’il vient d’entendre, puis une dernière chanson longue en guise de conclusion. La production est aussi plus travaillée, envie qui s’était fait ressentir quand le groupe avait sorti une remastérisation de sa démo. On remarque l’apparition de Tim Yatras (Germ, ex-Woods of Desolation, Austere) sur le morceau éponyme, avec sa voix claire, détail surprenant et risqué pour un groupe de ce genre, mais un choix qui s’avère finalement étonamment judicieux. No Morrow Shall Dawn malgré ses évolutions reste un album de Thy Light, ce qui fait l’essence du groupe demeure, c’est-à-dire un chant très violent et dépressif suscitant une vague d’émotions, une guitare lead délivrant des mélodies toujours aussi prenantes, et une batterie plutôt minimaliste qui laisse place à des orchestrations ambiantes bien pensées.

Comme le laissait penser l’artwork, la musique de Thy Light se fait par moments plus lumineuse, à l’image d’un autre groupe de Pest productions, Vallendusk et son album « Black Clouds Gathering », en témoignent les riffs finaux de « Wanderer of Solitude » et la chanson éponyme « No Morrow Shall Dawn ». L’intro acoustique à la guitare de « Wanderer Of Solitude » très mélodique et vraiment appréciable techniquement, Paolo est à l’aise dans d’autres styles également et n’hésite pas à le montrer. Les deux chansons fortes de l’album sont tout d’abord « The Bridge » qui est un hommage au documentaire du même nom sorti en 2006 et réalisé par Eric Steel, relatant les suicides de personnes du haut du Golden Gate Bridge de San Francisco. Cette composition avait fait l’objet du trailer posté par le label il y a quelques semaines, et se distingue en étant la musique la plus « Black Metal » de l’album, et avec des riffs sombres et accrocheurs, accompagnés de la voix perçante de Paolo, notamment avec un cri très impressionnant aux deux tiers de la composition, qui résonne comme un signe de désespoir. Mais la chanson la plus notable de l’album reste « No Morrow Shall Dawn », la plus longue de l’album avec ses 13 minutes 38, qui démarre avec des orchestrations, pour ensuite laisser la guitare se joindre à la danse, puis un violon, le piano. Pour ensuite laisser place à guitares saturées, batterie et chant lancinant. Tout au long de la composition, orchestrations douces et instruments saturés se font la part belle sous fond de cris plus insoutenables émotionnellement les uns que les autres. La chanson, bien que longue n’est en aucun cas répétitive, elle est même extrêmement variée et inventive, creusant plus loin dans le côté dépressif, puis au final se laissant guider vers la lumière avec un riff très mélodique et beaucoup moins sombre, accompagné par la magnifique voix claire de Tim Yatras qui pousse ce contraste ombre/lumière à son paroxysme. Cette composition éponyme résume parfaitement l’évolution de Thy Light et ce que cet album peut nous offrir. Pas vraiment de point de faible pour « No Morrow Shall Dawn », si ce n’est qu’un très léger reproche sur l’interlude « Corredor Seco » un peu trop logique, même si il reste de très bonne facture, ce n’est qu’un détail qui ne ternit en rien la qualité de cet album.

Que dire si ce n’est que « No Morrow Shall Dawn » ravira à coup sur tous les fans du groupe et du Depressive Suicidal Black Metal, Thy Light a su évoluer sans pour autant renier son essence, une tâche ardue à laquelle nombre de groupes doivent faire face. Les plus exigeants ou réticents au genre ou au groupe pourront même prêter une oreille attentive à cette œuvre qui sort un peu du cliché et de l’amalgame facile de « musique pour ceux qui veulent se tuer ». Cet album comme le précédent, est un album référence pour les amateurs de Black Metal Dépressif, plus inventif et mature que son prédécesseur, manifestement un des albums de l’année, qui place la barre très haut et qui n’aura pas déçu malgré sa longue attente. « No Morrow Shall Dawn » tutoie tout simplement la perfection.

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Auteur : Kévin


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