Chronique | Silent Path - "Mourner Portraits" : un premier album sombrement vivant...


Silent Path - "Mourner Portraits", 2012

Tracklist

01. Empty Earth
02. Filth of Mankind
03. Broken Trees
04. Last Men, Last Dreams
05. Forgotten Sounds
06. Sarabe Aramesh
08. Grey Dolls from Nowhere
09. Unwritten Story

_______________________________ 


Silent Path est un One-Man Band de Depressive Black Metal. Le musicien, Count De Efrit, a sorti l'an dernier via Hypnotic Dirge Records sa première et seule production à ce jour. L'album, intitulé « Mourner Portraits », s'articule autour des événements de la Seconde Guerre Mondiale, thème fréquent du Black Metal. Idée, non pas originale, mais étonnante au vu du pays natal de l'artiste à savoir l’Iran.
Pour le rappel historique: l'Iran est un des rares pays à avoir été neutre lors du conflit, bien que partenaire commercial de l'Allemagne Nazie. Ils ont été envahis en 1941 par les Britanniques et l'URSS qui cherchaient à faire passer des armes dans le bloc soviétique.

Voilà donc le contexte historique dans lequel évolue l'album.

La pochette de l'album adopte un style relativement classique : Un dessin représentant un être humain en pleine souffrance, le tout dans un esprit de brutalité flagrante. Les tons sont froids, à l'exception des tâches rouges en bordure rappelant les flammes, et le sang. Le livret est composé quant à lui d'images d'archives et de paroles.
Dès le lancement, le paysage se pose. Le prolongement de l'album nous conforte dans cette vision. Des bruits de volets craquant par la force du vent, le tout soutenu par une guitare sèche et une électrique au son saturé. L'album sera tout le long ponctué par ces bruits d'ambiance, une cloche d’église, ou un discours d'Hitler en fond sonore, comme sur le titre 'Filth of Mankind'. On remarquera que, contrairement à beaucoup de groupes usant de ce choix artistique, que se soit dans le Metal Industriel ou le NSBM, il n'y a pas de galvanisation ou de recherche de puissance à travers ce discours. Il s'en dégage ainsi une profonde mélancolie. On se retrouve tel un spectateur impuissant de l'Histoire qui se déroule sous nos yeux.

Le côté sombre de la musique est offert par ses ajouts ambiants. C’est l’immersion totale, l’Histoire même nous est contée, illustrée et ponctuée par ses moments décisifs.

Les chants sont variés au sein de cet opus. Plusieurs styles de voix sont à l'œuvre. Nous avons en premier lieu, une voix déclamant sa souffrance sur différents tons, présente sur tous les morceaux. Elle nous expose ses mots pour ensuite devenir une rumeur malsaine dans la musique.

Il y a aussi la présence du chant Depressive, partagé tel un râle de souffrance. Il ne se manifeste que sur de rares passages. Plus étonnant, c’est un chant clair qui résonne sur le titre 'Sarabe Aramesh'. Chacune de ces voix permet de donner une réelle personnalité aux morceaux tout en évitant une chose très courante dans le Depressive Black : la répétition (Celle-ci devient relativement insupportable après avoir écouté des artistes d’une grande similarité). Ici, la lassitude n'est pas de mise. On abandonne volontiers notre corps sur terre pour s'enfoncer dans ses méandres et outrepasser les cauchemars de l'esprit torturé concevant cet album.

Un coté expérimental, avec l'intégration d'une voix remixée en allemand sur 'Epic Sucide', permet une modernisation partielle, tout en gardant l’angoisse omniprésente. Cette voix va chercher nos plus profondes craintes pour les faire resurgir. La musique qui l'accompagne contraste avec une clarté presque purifiante. Se faisant, elle accentue la noirceur qui émane de celle-ci. 'Epic Sucide' fini sur une musique de parade réjouissante avec une voix de la radio anglaise annonçant le suicide de Hitler et la fin de la guerre. La joie dans la mort.

La Musique que nous offre l'artiste est minimaliste et mélancolique. On retrouve un esprit très Post-Black Metal avec des sons éthérés comme sur 'Broken Trees' ou à la fin du titre 'Last Men, Last Dreams'. La guitare est lente, les notes se décomposent et se gravent dans notre âme. La batterie est là aussi, calme, elle joue un soutien et offre de la lourdeur au tout. Sur 'Last Men, Last Dreams', les cymbales raisonnent. Notre esprit plongeant à chaque son dans une folie sans limite. Elles créent le rythme de la musique, son angoisse, son stress. Les atmosphères, quant à elles, sont créées par les guitares et les chants. Les parties à la guitare rappellent le Funeral Doom tout en gardant les saturations du Black Metal.

Nous avons même un morceau entièrement composé au piano. Le dernier morceau 'unwritten story' est ainsi comme le prologue de cette histoire. Nous avons les bruits d'un enfant naissant et de sa mère, puis il se met à jouer. La mélodie reprend même un air d'anniversaire. Il se dégage de ce morceau une mélancolie rare. Il y a des grésillements comme ceux d'un vieux gramophone.

« Mourner Portraits », est un album mélangeant plusieurs éléments de divers styles, Post-Black, Funeral Doom, Depressive Black. C'est un album personnel que nous offre ici Silent Path. L'originalité n'est pas tant de mise que la sincérité et la mélancolie. Un album à ne pas mettre entre toutes les mains. Il trouvera sa place chez les connaisseurs du genre et ceux qui recherchent ces atmosphères si particulières. C'est un album dont l’écoute se fait à plusieurs niveaux. Un certain état d'âme est requis pour l'écouter et s’y plonger.



_______________________________

Commentaires