Scolomance: Pouvez vous présenter les projets que sont Les Discrets et d’Alcest et quelle est la relation entre les deux groupes ?
Les Discrets : Ca a commencé en 2003-2004 j’étais tout seul, puis un autre est arrivé juste avant l’album vers 2009. Il avait tout composé sur une boite à rythme et au début il voulait tout sortir avec. Il m’a proposé de jouer à la batterie. On a tout repris, c’était 2 semaines avant de rentrer en studio, donc c’était un peu improvisé. Là il y a eu le premier album, dont le sujet c’était l’automne et celui ci c’est plutôt l’hiver. Ils parlent tous les deux de la mort. Dans le deuxième album le sujet de la mort est plus présent.
Alcest: Alcest existe depuis 1999-2000. C’est un peu comme les Discrets, j’étais tout seul pendant assez longtemps, puis un autre a rejoint le groupe en début 2009, pour "Ecailles de lune".
C’est un groupe à concept, tous les morceaux, les textes, les images, les mélodies, chaque chose dans Alcest tend vers le même but. Il existe des albums concept et là c’est carrément un groupe concept.
Scolomance : Oui effectivement Andy (Chanteur de Soror Dolorosa) en a parlé, car la tournée en fait est une tournée concept car il y a une évolution au fil du concert, avec les différentes étapes de la vie.
Alcest : J’ai vraiment un but très précis, par rapport au concept. Pour faire simple, les relations entre les deux groupes : Fursy est un très vieil ami, on se connait depuis que nous avons 10-11 ans, nous étions en 6 ème ensemble. J’ai commencé la musique un tout petit peu avant lui, moi j’avais 13 ans environ, lui un peu plus tard a commencé la guitare. On a découvert plein de choses ensemble, on a quasiment grandi ensemble, ce qui explique que les groupes peuvent peut-être avoir des similitudes.
Scolomance : Personnellement quand j’écoute les deux groupes il y a effectivement des similitudes, mais plutôt comme deux voyages d’amis, qui ont pris des chemins différents même s’ils ont les mêmes valeurs et qui interprètent la vie différemment. Alcest est peut-être un peu plus ancien alors que Les Discrets c’est un peu plus moderne, plus urbain alors que vous c’est peut-être plus nature.
Alcest : Oui effectivement surtout à partir du deuxième album, le premier était peut-être pas terrible mais, c’était effectivement axé sur la forêt, la nature.
Scolomance : En tout cas moi, ayant découvert les deux groupes en même temps, c’est comme ça que je vous ai ressenti.
Alcest : Oui c’est vrai, Les Discrets sont un peu plus terre à terre. Alcest c’est pas la rêverie c’est autre chose. J’ai parlé de concept, je vais quand même briefer un peu. Alcest c’est un projet car j’ai eu une expérience un peu paranormale ou ésotérique. En fait il m’est arrivé quelque chose quand j’étais gamin et j’ai voulu dédier ce projet à cette expérience et c’est pas du tout mon imaginaire. Alcest, c’est quelque chose que j’ai vu quand j’étais petit, c’est vraiment très personnel, c’est plus de l’ordre de la spiritualité et de la foi, il n’y a aucune rêverie dans Alcest. Le monde de Alcest, pour moi, est réel c’est pas imaginaire.
Scolomance : Voici ma deuxième question, comment s’est passé votre tournée en Chine ?
Alcest : Ecoute ça s’est très bien passé, on a eu des supers organisateurs, il y a eu beaucoup de monde aux concerts, et effectivement nous sommes connus en Chine, les gens avaient déjà les CD, les T-shirts.
Scolomance : Effectivement j’ai des amis chinois et ils vous connaissent et ils sont fans.
Alcest : Oui on a été agréablement surpris. Bon c’est vrai qu’il y a eu un gros dépaysement, nous avons gouté des choses délirantes : du sang de canard, des scorpions, et autres. En fait tout ce que les chinois mangent nous l’avons aussi mangé, c’est assez difficile et en même temps assez marrant.
Scolomance: Et l’ambiance des concerts ?
Alcest : Très bien, oui vraiment, et finalement pas si différente d’ailleurs à part qu’il n’y a pas un seul mec avec des cheveux longs et habillé en noir. Ils sont tous avec les cheveux courts et habillés normalement à part certaines filles qui sont habillées style Cosplay, donc un peu bizarres, déguisées en lapin ou autre. Sinon de très très bonnes salles, on a été vraiment agréablement surpris, cette tournée était parfaite, bien organisée, bons hôtels, transports en train à grande vitesse.
On a eu le temps de visiter un peu, surtout Pékin et la cité interdite. Pékin c’est ce que j’ai préféré, c’est très vivant, très typique, tu imagines les gens avec leurs petits vélos et leur petites remorques chargées de plein d’objets hétéroclites. Tu as l’impression qu’ils transportent leur maison sur leur vélo, c’est assez fou.
Avant il y a eu l’Australie, le Mexique, les Etats-Unis, d’ailleurs nous y retournons deux semaines après la fin de la tournée en Europe.
Scolomance : Autre question, quelles sont vos inspirations artistiques, pas uniquement musicales, mais également littéraires ?
Alcest : Pour moi c’est pas la musique, c’est ce monde dont je t’ai parlé que je m’efforce de décrire avec ce projet, via les textes, les musiques et les images. Il y a effectivement un concept d’art total, que ce soit dans Les Discrets ou Alcest, on attache beaucoup d’importance à tout ce qui est extra musical. Les pochettes, les photos, les textes, les vidéos, puisque maintenant nous faisons des vidéos. Tu ne vois pas des personnages juste avec des amplis, c’est à la limite du court métrage.
Quant à ce qui nous inspire, je pense que nos deux groupes sont assez visuels, nous tirons notre inspiration de voyages, de peintures, de films.
Pour Alcest c’est plutôt le courant pré raphaélite, avec des peintres comme Waterhouse qui date du XIXe siècle en Angleterre. En fait, tout nous inspire, mis à part la musique c’est ce qui nous inspire le moins. Pour Alcest en tout cas j’essaye vraiment de ne pas m’inspirer de groupes, j’essaye vraiment de décrire cette expérience que j’ai vécue et qui m’a marqué et je le fais à travers différents supports par peur de pas être compris, car je me dis que si les gens ne comprennent pas avec les paroles, ils comprendrons mieux avec les images.
Scolomance : Comment tu arrives à gérer tous tes projets musicaux, car il y en a pas mal…
Alcest : J‘ai du mal. Je me consacre entièrement à la musique, j’ai abandonné mes études au conservatoire de musique en classe de guitare classique. J’ai tout arrêté pour me focaliser uniquement sur mes projets musicaux, et depuis j’ai plus de temps.
Scolomance: Concernant notamment Lantlôs
Alcest : Ça ne me prends pas de temps, puisque ce n’est que du chant. Ce qui me prends vraiment du temps c’est vraiment Alcest, c’est vraiment 95 % de mon temps.
Scolomance : Donc, avant dernière question, que t’apportent chacun de ces projets, professionnellement et artistiquement ? Aussi bien d’une manière globale que individuellement.
Alcest: D’une manière globale, la musique c’est ce que je préfère dans la vie, là je suis vraiment dans un élément où je me sens bien. De plus, chaque projet m‘apporte quelque chose de différent. Alcest c’est vraiment moi, en fait quand je compose un riff d’Alcest c’est comme si je prenais un miroir et que je regardais au fond de moi. C’est assez particulier mais en fait, c’est mon essence, c’est vraiment ce qu’il y a de plus profond en moi. Ensuite c’est vrai que j’adore participer à des projets où je suis pas totalement impliqué dans la création comme dans Lantlôs, où j’apporte juste quelque chose, par exemple ma voix ou une ligne de base. Et ça c’est super parce que de ce fait, je suis beaucoup moins stressé que ce que je peux l’être pour Alcest, pas moins impliqué mais juste moins obsessionnel . En fait chacun de ces projets a une fonction différente. Par exemple quand on avait Amesoeurs et c’était bien parce que ça faisait un équilibre entre Alcest qui était très lumineux et Amesoeurs qui était beaucoup plus sombre, beaucoup plus urbain. Alcest n’a rien à voir avec cette réalité tandis que tandis qu’Amesoeurs c’est une exagération de la réalité, c’est pousser la noirceur urbaine à l’extrême, donc ce sont les aspects différents d’une personnalité ou de la vision du monde,
Scolomance: D’une manière symbolique, la complexité de l’âme se retranscrit dans le fait que tu ais plusieurs groupes.
Scolomance Quelles émotions voulez-vous transmettre au travers de la musique et du visuel ?
Les Discrets : Un coté un peu solennel et surtout, pour cet album, un aspect triste et mélancolique, assez chaleureux et, en fait, assez humain au final par les thèmes et les paroles. C’est vrai que c’est triste mais on a fait le choix de mettre un chant assez fort avec pas mal de graves, pour faire ressortir le coté humain derrière. Par exemple, sur certains passages, moi j’ai voulu mettre dans ma voix une certaine chaleur, pour vraiment qu’on sente l’homme qui vit derrière la musique. De toute façon, même si les thèmes sont froids et désespérés ils sont liés à la condition humaine, donc j’imagine que ce sont des peurs ou des émotions qui se trouvent au fond de chacun de nous. De ce fait, ça fait écho en chacun d‘une manière ou d‘une autre et du coup, même si les thèmes sont tristes, froids, sombres, et peut être même un peu désespérés. Mais d’un autre côté il y a toujours un peu d’espoir dans la musique ou dans les paroles, et si ce n’est ni dans l‘un ni dans l‘autre, je vais compenser dans une illustration.
Alcest: Pour moi ce serait l’ailleurs, ce qui n’est pas possible de décrire par les mots forcément. Ce qui n’appartient pas à la réalité, c’est quelque chose de très éthéré. Ce que je veux faire ressentir c’est quelle chose d’épique, d’éthéré, à la fois joyeux et triste, de pur, toujours pur. J’ai envie d’emmener les gens dans un autre monde, comme si tu déchirais un voile et que tu te trouves ailleurs et que tu oublies tout ce qui existe ici. Par exemple, le fait que tout a un inverse ou une contre balance. Par exemple, en face du bien se trouve le mal, c’est un monde qui peut être à la fois très moche et très beau, c’est effectivement ce qui fait la richesse de l’existence, mais dans Alcest ce n’est pas çà. C’est un monde qui est totalement pur. J’ai du mal à l’exprimer avec des mots et c’est pour ne pas avoir à décrire que justement je fais de la musique.
C’est une musique qui a vraiment quelque chose de magique et qui ouvre sur un autre monde, et que chacun peut s’approprier .
Scolomance: Et enfin quels sont vos projets pour l’avenir ?
Alcest: Pour Alcest, en fait, avec Neige on s’est rendu compte qu’on pouvait plus tellement se renouveler dans ce qu’on a fait. Le dernier album c’est une sorte de mixte de tout ce qu’on a déjà fait et ce sont des morceaux qui peuvent faire penser au ‘’Secret’’, d’autres à ‘’Souvenir d’un autre temps’’ ou à un autre.
Donc le prochain album ça va vraiment être différent. Neige aimerait bien utiliser plus d’acoustique, essayer avec des violons, histoire d’enrichir le son. Neige, comme moi, nous avons envie de changer les codes, les approches.
DÉRIVE COMPLÈTE SUR LA CLASSIFICATION DES STYLES DE MUSIQUE…..
Avec Neige on a énormément écouté de Black Metal donc nous avons effectivement étaient influencés par celui-ci. Mais quand on fait une composition ou un morceau de batterie, on ne se dit pas "tiens là on va faire un passage black", pas du tout. On essaye de trouver une intensité, une énergie, un blast. Tout dépends de la manière dont tu le joues. Tu peux faire avec un blast un mur de son et pas du tout un truc brutal. Un blast pour moi c’est plus planant que de la double pédale. C’est pas du tout violent, c’est hyper planant car c’est continu et c’est limite hypnotique, c’est comme une vague. Et donc, quand on met un blast, c’est rarement pour le côté violent, car Les Discret et Alcest ce n’est pas violent. C’est quelque chose que j’ai du mal à comprendre. Le black c’est comme le punk : c’est quelque chose qui a duré quelques années ensuite ce sont les gens qui se le sont approprié. Et beaucoup ont essayé de reproduire ce qui avait déjà était fait et c’est stupide. Ensuite, il y a des groupes qui ont fait comme une sorte d’hommage mais il n’y a rien derrière, au niveau du concept ils savent pas pourquoi, ils ne sont pas animés par ce mouvement, il n’y a pas la motivation du black. C’est comme, même, de faire une musique avec un son hyper repoussant, c’est désincarné, c’est hyper sombre, misanthrope comme musique, c’est loin de l’humain, on devient laid, on se maquille, on est pourris et on fait de la musique pourrie, car le plaisir on s’en fout en fait. Et tous les groupes de maintenant sont en dehors de ça, pour moi le Black Metal c’est un peu comme le Punk des origines. Et maintenant c’est plus le cas, c’est juste un mouvement qui aurait du limite rester underground d’une certaine façon même si quand tu lis les interviews d’un des fondateurs, Euronymus, pour lui, son but c’était vraiment de populariser cette musique, que tout le monde puisse y avoir accès. En même temps je pense que, malheureusement, il y a des personnes qui l’écoutent mais sans lire les paroles, et qui ne font pas attention au concept, ils ont leur MP3, et ils zappent sans écouter l’album jusqu’au bout, ce qui est super important. Moi par exemple, je n’ai que des vinyles, car comme ça, en plus d’avoir un bel objet, qui a généralement un bel artwork, tu peux pas zapper les chansons. Tu es obligé d’aller jusqu’au bout du disque, tu plonges vraiment dans le monde du disque. Alors que le MP3, comme instrument de travail ou dans la voiture OK, mais pour écouter vraiment de la musique non. Avant tu allais chez un disquaire et tu étais d’abord accroché par une belle pochette, ce qui te permettait de faire des découvertes. Et même si tu n’aimais pas à la première écoute, comme tu avais l’objet, et bien tu le réécoutais et finalement tu lui donnais une chance. Alors que maintenant avec les MP3, tu ne peux plus le faire. Ce sont des playlists et tu n‘as plus la recherche de nouveaux albums, de nouveautés en général . Maintenant tu es dans une consommation passive de musique et il n’y a plus la démarche de rechercher quelque chose de nouveau. Tu vas sur internet, tu télécharges et c’est tout . Mais je ne suis pas contre les nouvelles technologies en général, c’est juste que concernant la musique, un album ça ne s’écoute pas comme ça, ça se respecte. Derrière tu as des musiciens qui ont réfléchi à une intro, à une cohérence, il y a une atmosphère qui évolue au cours de l’album. Et ça avec un MP3, tu ne le fais pas car tu passes de morceaux à morceaux et tu ne peux pas de suivre l’évolution de l’album. Tu entends les premières notes d’un morceau, tu accroches pas, tu passes au suivant .. C’est dommage tu peux pas comprendre un album comme ça.
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