慘慘豬 CharmCharmChu (AKA poor piggy) est un groupe de Thrash Metal originaire de Hong Kong. Mélangeant les memes internet, des poèmes chinois, et des cloches à outrance le tout pour créer une expérience unique de Cantonese thrash metal. Cherish every moment in your life and leave no empty cowbell at any time.
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"Je me considère comme faisant partie du mouvement de préservation de la culture cantonaise."
Morgan : Salut Sheug (aka Bob) tu es le frontman de CharmCharmChu. Vous
êtes un groupe de Thrash Crossover hongkongais, peux-tu présenter le groupe et ses membres à nos lecteurs ?
CharmCharmChu, alias Pauvre Porc est un groupe de thrash/crossover. Nous avons formé ce
groupe après l’arrêt des activités de mon ancien groupe de punk
hardcore. Après ça, nous avons trouvé notre
guitariste Thomas sur youtube et ce dernier a invité Edwin à la
batterie ce qui a complété le line-up de CCC. Au fait, nous ne
sommes pas un groupe de hardcore. Nous devons mettre cela au clair
car nous sommes un groupe promouvant la consommation
d’alcool. Nous respectons l’idée de straight edge mais ce n’est
pas notre truc.
CharmCharmChu existe
depuis 2009, mais vous avez sorti votre premier EP cette année
« Majestic Brewing Order ». Pourquoi avez-vous mis autant
de temps à le sortir ?
La raison principale est
que j'étudiais aux Etats-Unis lorsque nous nous sommes formés. Le
groupe a été inactif pendant 3 ans. Grenade et moi composions la
musique et on l’envoyait par internet pendant notre temps-libre, ce
fut une expérience assez désagréable car un grand nombre de riffs
n’ont pas été utilisés. La plupart du temps les parties
batteries étaient faites par logiciel et au final de nombreux riffs
de guitare ne s’accordaient pas avec le reste du groupe. A cause de
ça il y avait de la frustration et des disputes entre nous, c’était
un challenge de rester soudés. Par chance, en 2015 nous avons
finalement trouvé notre line-up final grâce à Edwin notre nouveau
batteur. Nous avons écrit et complété plus de morceaux. Nous nous
sommes également produis en live et nous pensions que c’était le
bon moment pour produire notre premier EP- le puissant « Majestic
Brewing Order » afin de partager notre vision de la picole au
monde.
Sur la cover nous
pouvons voir un homme-porc nous menacer avec une Tsingtao (ndlr :
la bière la plus polaire de Chine). Est-ce le fameux pauvre porc ?
Pourquoi avoir choisi une Tsingtao ?
C’est un artwork
complexe. Il a un message à délivrer. C’est une longue histoire
que je vais vous résumer; le porc symbolise l’Etat capitaliste
alors que le tank-bière symbolise l’eau Dongjiang en Chine.
L’artwork représente une étrange et sombre comédie, le porc
détient le pouvoir pour contrôler le pays grâce au Majestic
Brewing Order ; tous les citoyens sont forcés de boire cette
bière. C’est un parallèle avec la situation actuelle à Hong
Kong : L’argent dépensé pour l’eau Dongjiang suffirait à
construire une usine de dessalement afin de fournir tous les citoyens
de Hong Kong en eau potable. Cependant, à cause de raisons
politiques et des avantages du transfert entre capitalistes, il y a
de nombreuses oppositions qui surviennent. Finalement, le
Gouvernement Chinois a imposé au Gouvernement de Hong Kong d’acheter
de l’eau Dongjiang. Ce problème a été révélé lors d’une
fuite de documents datant de 2009 (cf:
wikileaks.org).
De nos jours la situation stagne et personne n’en a quelque chose à
foutre. Par conséquent, la représentation du Majestic Brewing Order
pourrait être une accusation directe à l’Etat capitaliste au sein
de l’eau Dongjiang. Ce message caché n’est pas facile à
comprendre surtout si tu ne vis pas à Hong Kong.
Focalisons-nous sur
le choix de la bière. En fait nous voulons présenter notre cover
avec la bière locale. Cependant, Hong Kong ne possède pas sa propre
usine à bière ; il y a beaucoup d’importation de
cette-dernière. Une des bières les plus représentatives de cet
import est la San Miguel étant la marque de bière la plus consommée
par les travailleurs. Toutefois, elle est vraiment dégueulasse donc
nous ne la consommons pas. Ces dernières années s’est développé
une mode de la bière artisanale à Hong Kong et une des plus connues
est la « Hong Kong Beer » et, encore une fois, elle n’est
pas bonne. Donc nous avons finalement choisi la Tsingtao comme c’est
notre bière favorite parmi une diversité de bières chinois et nous
l’avons représentée sur notre cover afin d’exprimer notre amour
pour la picole.
Enfin et surtout,
nous aimerions présenter le superbe illustrateur de « Majestic
Brewing Order ». Notre artwork à couper le souffle a été
réalisé par Uncle 3 Artwork (三舅),
un célèbre illustrateur dans le milieu du Metal chinois vivant à
Pékin. Ça a été une collaboration très agréable. Nous avons
connu Uncle 3 grâce à l’album « Raging Living »
d’Explosicum, nous admirions fortement ses peintures à l’huile.
Après une recherche détaillée, nous avons constaté qu’Uncle 3
avait créé de nombreux artwork d’une grande qualité pour des
groupes de metal chinois et chacun d’eux délivre un message
puissant ; Cela colle facilement à notre style ! Donc nous
l’avons finalement contacté et il nous a livré ce magnifique
artwork de « Majestic Brewing Order ».
À l'écoute de cet EP
plusieurs choses sont flagrantes, outre les nombreuses influences
(Thrash, Hardcore Crossover et même Black) c'est la langue. Vous
chantez en Cantonnais et j'ai cru comprendre que c'était très
important pour vous ? Peux-tu nous en dire plus sur son
importance et vos nombreuses influences ?
Le Cantonais est
définitivement l’élément Hardcore du groupe. Si cela est aussi
important pour nous c’est parce qu'il s'agit de notre langue
maternelle.
Je suis né pendant la
période de la colonisation (ndlr colonisation anglaise à Hong-Kong)
et j’ai grandi avec une éducation occidentale, je parle les trois
langages : Cantonais, Mandarin et Anglais. Au fil des années,
la confusion identitaire concernant ma nationalité grandissait –
Suis-je hongkongais ou chinois ? Je ne l’ai pas réalisé
jusqu’en 2006 lorsque j’ai commencé ma première tournée
chinoise avec mon ancien groupe de Punk dans lequel on chantait en
anglais. Chaque nuit les gens me félicitaient et certain d’entre
eux me demandaient d’où je venais. J’étais confus et cela a
doucement entamé un débat intérieur. Après la tournée, j’ai
réalisé que je voulais chanter dans ma langue maternelle, le
Cantonais. Par conséquent, j’ai commencé à chanter et écrire
en Cantonais, depuis rien a changé.
Depuis la reprise en main
en 1997 par le Gouvernement Chinois, ce dernier a implanté beaucoup
de nouveaux politiciens pour remplacer ceux d’origine cantonaise.
Il y a eu une politique en faveur du Chinois simplifié (ndlr
Mandarin) pour supprimer l’usage du Chinois traditionnel (ndlr
Cantonais). Ces faits remontent à 5 ans. En 2010, la CPCCC (ndlr
conférence consultative politique du peuple chinois) a soumis une
proposition écrite visant à augmenter le nombre d’émissions en
Mandarin dans la région du Guangdong, surtout sur les chaînes
principales et d’informations. En 2014, le Hong Kong Education
Bureau a renié le Cantonais en tant que langue officielle. En 2015,
le Hong Kong Education Bureau a suggéré aux étudiants du primaire
d’apprendre le Chinois simplifié. Je constate que le Gouvernement
chinois a une tendance à mettre en péril la culture cantonaise et
cela me conforte dans l’idée que je dois chanter en Cantonais. Je
me considère comme faisant partie du mouvement de préservation de
la culture cantonaise.
Vos relations avec le
gouvernement chinois sont tendues. Qu'as-tu pensé des manifestations
étudiantes pro-démocratiques qui ont eu lieu en 2014 alors que les
élections de 2017 approchent à grands pas ? Y as-tu toi-même
participé ?
Au début nous avons participé à
l'occupation des rues lors de la manifestations des parapluies. J'ai
été témoin de beaucoup de conflits internes entre les différentes
organisations étudiantes. J'ai également constaté que les
activistes profitaient de cette opportunité afin d'obtenir les votes
législatifs en détournant le mouvement des parapluies. Par dessus
tout, le mouvement des parapluies est un échec et j'en conclus que
c'est un mouvement laid et sans espoir. La majorité de la population
locale n'est pas préparée pour les élections de 2017 et par
conséquent ces dernières ont été rejetées par le Conseil
Législatif de Hong Kong.
Ces manifestations sont une source
d'inspiration pour vous, autant que la poésie antique. Qu'es qui
fait le lien entre les deux ?
Il n'y a aucun
lien direct entre les deux. Nous nous inspirons des poèmes de Tang
que l'on prône comme étant un élément fondamental de la culture
Cantonaise. Nous diffusons la culture Cantonaise en transformant les
poèmes en musique. Comme je l'ai dit précédemment, la
manifestation étudiante est un mouvement qui manque d'inspiration,
donc ce n'est pas une inspiration pour le groupe. En revanche le
morceau « Bring The Wine » est en fait inspiré des
élections de 2012. Nous nous sentions impuissants de ne rien pouvoir
faire face à ce choix entre deux enculés qui candidataient afin de
devenir Chef Exécutif (actuellement au pouvoir), élus par un petit
groupe de riches ploutocrates et de fonctionnaires. La deuxième
moitié du morceau est plus agressive à cause de colère. « AI
WO WUA » dénonce explicitement ce mouvement. Nous l'avons
inclus en tant que bonus dans la version chinoise du CD.
Hong Kong et la Chine c'est un peu
une histoire d'Amour et de Haine. J'ai eu il y a quelque temps la
chance d'interviewer Nature de Tengger Cavalry qui me disait que ça
avait été compliqué pour lui de vivre sa passion pour le Metal.
Hong Kong a eu un statut différent pendant très longtemps, est-ce
que ça a été différent pour vous ?
C'était et c'est
toujours difficile d'être musicien à Hong Kong. Jouer de la musique
ici est un vrai challenge. C'est un sujet vaste donc je vais
brièvement aborder trois facteurs cohérents et importants : le
haut coût afin de se produire dans des endroits disponibles pour
répéter ainsi que le déplacement afin de se produire, la
limitation des transports publics pour les musiciens et la politique
culturelle mise en place par le gouvernement.
Hong Kong est
petite géographiquement, surpeuplées de gratte-ciel et de logements
en copropriété. L'urbanisation de la ville est pauvre comme il n'y
a pas d'emplacement dédié aux musiciens, il en résulte que ces
derniers doivent chercher des immeubles industriels pour répéter.
Le gouvernement commence à réformer l'usage de ces bâtiments
permettant de les convertir en hôtels particuliers. En conséquence
ces actes font monter le prix des immeubles industriels. Faisant face
à une limitation des choix et à des prix exorbitants des locations
cela devient un obstacle majeur pour les musiciens et les
entrepreneurs à Hong Kong.
Et même si un
musicien est assez chanceux pour posséder son propre studio il
rencontrera un autre problème avec les transports publics. L'année
dernière, la Mass Transit Railway (MTR) de Hong Kong a renouvelé sa
politique de limitation de bagage par passager ; les usagers
transportant des instruments imposants doivent se munir d'un permis.
Les instruments comme une guitare électrique standard 6 cordes sont
déjà considérés comme dépassant la limitation de la taille des
bagages donc un permis est requis. Tous passager transportant un
instrument trop imposant est sujet à une amende ou peut même être
reconduit à la sortie de la station. Au final, les musiciens avec
des instruments « hors normes » ne sont pas autorisés à
emprunter les transports publics. Ils sont condamnés à voyager en
van ou en uber. Cela décourage les musiciens, qui sont limités dans
leur mobilité, à accepter des opportunités afin de se produire.
Dernièrement le gouvernement
hongkongais n'apporte pas le soutien fondamental au développement
culturel de la musique à Hong Kong. Il a mis en place une politique
culturelle – uniquement destiné à la musique traditionnelle
chinoise et/ou classique, tous les autres styles musicaux n'étant
pas considérés par le Conseil Législatif. Les fonds culturels sont
destinés seulement à la danse, au théâtre, aux orchestres, à
l'opéra et à l'art visuel alors que les groupes en sont exclus. Le
manque de soutien est un énorme découragement pour beaucoup de
musiciens qui voudraient continuer de travailler dans ce domaine. Par
conséquent, jouer dans un groupe est un passe-temps et non pas un
travail à plein temps. Cette exclusion affecte également les lieux
underground indépendants ; ces lieux ont une durée de vie
limitée puisque le prix de la location est en hausse exponentielle.
Avec le temps les lieux se
construisent une réputation locale, les prix frôlent tellement les
cieux que les entrepreneurs ne veulent plus acheter de locaux.
Ces facteurs sont
la cause principale qui empêche les musiciens de continuer à jouer
de la musique à Hong Kong. Il n'est donc pas difficile de comprendre
pourquoi les groupes se séparent après quelques années d'activité
une fois qu'ils ont fait face à ces obstacles.
Avant l'interview on a discuté et
tu m'as dis que la scène Metal Honkongaise était différente de
celle du reste de la Chine. Peux-tu nous expliquer quelles sont ces
différences et les particularités de votre scène.
La musique extrême
est plus répandue et acceptée en Chine. La scène Metal chinoise
possède une plus grande variété de sous-genres comparé à Hong
Kong. La communauté est plus limitée ici. C'est fortement dirigé
par des modes quelconques. De nos jours, la majorité des groupes de
metal à Hong Kong joue du metalcore ou du djent.
As-tu des groupes à recommander à
nos lecteurs et nous même ?
A: Evocation
(招魂)
originaire de Hong Kong ainsi que Shepherds the Weak, eux aussi
hongkongais
Bob : Je
vous recommanderai le groupe de Technical Death Metal Dismembered et
celui de Death Metal Karmacipher. Les deux venant également de Hong
Kong, ils apportent de la fraîcheur et je pense qu'ils en valent la
peine.
Demolition
Hammer s'est reformé et je pense que Scholomance devrait garder un
œil là-dessus.
Quels
sont tes projets et ceux de CharmCharmChu ?
Nous
ferons notre première tournée chinoise en juin afin de promouvoir "Majestic Brewing Order". Ce sera la première fois que nous jouerons
en dehors de Hong Kong.
Un
dernier mot pour conclure ta première interview française?
Cherish every moment in your life, leave no empty cowbell!
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Attention juste concernant cette phrase : "Il y a eu une politique en faveur du Chinois simplifié (ndlr Mandarin) pour supprimer l’usage du Chinois traditionnel (ndlr Cantonais)."
RépondreSupprimerLe cantonais n'est pas le chinois traditionnel dans le sens où l'auteur l'entend. C'est juste le mandarin... traditionnel (encore utilisé à Taïwan par exemple). A l’opposition du mandarin simplifié cité juste avant (utilisé en Chine continentale). Le cantonais c'est encore une autre langue (qu'on retrouve par exemple à Hong Kong).
Merci pour l'interview sinon, c'est intéressant !