Chronique | Les Chants de Nihil - "Armor" (album, 2015)


Les Chants de Nihil - Armor (album, 2015)

Tracklist :

1. La crue
2. Comme une sale envie
3. Lune rousse
4. Roule et enrôle
5. Là où nous étions les rois 
6. Rideau de chair
7. Les bois innervés
8. Aux flambeaux

Extrait en écoute :


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Armor est le troisième album de Les Chants de Nihil. Depuis la sortie de Propagande Érogène, cette formation bretonne a choisi d'officier dans une veine éminemment mélodique, tout en gardant un son hautement reconnaissable, subtil et varié, avec de longs passages progressifs.



Depuis la formation du groupe, les musiciens ne s'imposent aucune limite intellectuelle, naviguant entre des envies parfois contradictoires avec l' "esprit Black Metal", traitant parfois de thèmes optimistes ou tournés de manière positive dans leurs paroles, comme dans Les Six Leçons, parue en 2008. L'exaltation des sentiments, qui pourrait parfois sembler enfantine ou naïve dans certains textes, va de pair avec une recherche d'émotion dans la musique, une volonté de faire voyager sans nous prendre la tête… Armor en est une nouvelle fois la preuve, il semble être porteur d'un regard à la fois tourné vers le passé du quartet et son avenir, sans paraitre trop nostalgique… Il s'agit en quelque sorte de l'album de la maturité, le meilleur du chemin parcouru jusque là par les artistes, à la fois déterminés et désabusés.


Si Propagande Érogène avait quelque peu décontenancé le public des CDN du fait d'une orientation progressive très marquée par rapport aux opus précédents, Armor témoigne en revanche d'un équilibre presque parfait, à mon humble avis. C'est un opus à la fois intime et mélodique qui se rapproche plus de La Liberté Guidant le Fer que de son prédécesseur, tout en gardant la production propre et sans fioritures de ce dernier.  On retrouve le jeu très clair des guitares, tandis que le chant varié de Jerry manie à la fois poésie et furie… un caractère poétique que l'on retrouve dans les paroles, qui constituent le centre de l'art des musiciens, tant elles sont travaillées et agréables à entendre, sans que la hargne ni l'énergie ne se perdent. C'est le point fort des Chants de Nihil : réussir à rendre le Black Metal fin et subtil sans non plus devenir totalement inoffensif. Ils ont bien compris que l'important est de toucher le coeur, et pas que les tympans; les riffs ne résonnent que plus sûrement en notre poitrine.

Cet opus contient en effet quelques passages entêtants témoignant d'une subtilité qui nous éloigne des 80% de sorties génériques du Black Metal tel qu'il a été depuis le début, et pas seulement actuel. On retiendra les envolées lyriques des choeurs des fins de 'Roule et Enrôle' et de 'Là Où Nous Étions Les Rois', qui se fait l'écho de 'Là Où Nous Sommes Les Rois' - que l'on retrouve dans La Liberté Guidant le Fer -. Il s'agit là d'un clin d'oeil constituant l'un des indices de la maturité des Chants de Nihil qui reviennent sur leur passé tout en allant de l'avant, avec une once de mélancolie et de nostalgie :


Danse où se mêlent dans le froid
Embruns et grains incandescents,
Fluctue aux accords innocents
D'une jeunesse qui échoit.
La guitare taillait nos doigts,
La vallée, léchée par le vent,
S'offrait dans un râle indécent
Là où nous étions les rois.


Les passages acoustiques ne sont pas en reste, et ne manquent pas d'inspiration, la preuve avec la coda de Lune Rousse. Armor se révèle riche en rebondissements et en moments émotionnels intenses, quelque chose que dont on ne profite que rarement, malheureusement. La basse, très présente, donne de la personnalité et de la profondeur au son, intervenant de manière parfois ostentatoire et théâtrale. On jouit de la créativité présente ici , des riffs aux solos, ou les méandres de l'écriture elle-même, qui se déplace avec fluidité d' une section à l'autre, transformant l' ambiance créée en archétype de la puissance émotive .


Les Chants de Nihil restent définitivement un groupe à part dans la scène Black Metal française.  Se rapprochant de certaines formations du fait de leur attirance pour les refrains mélodiques et oniriques,    ces quatre musiciens font preuve d'un réel sens de la composition, et une volonté de ne pas forcément se conformer aux attentes des auditeurs en se concentrant sur leurs propres innovations. Accessible à tous, Armor ne décevra en aucun cas les amis du romantisme, de la poésie et de la mélancolie.

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Tom




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