Interview | Andrew Erbie de ROLLER WORLD (Blues Rock / Dark Folk - Belgique)


Cette interview reconstitue un échange. Cet échange ne tourne que peu autour d'informations formelles liées au disque. Déjà parce qu'il a été chroniqué (ICI). Ensuite parce que d'autres l'ont fait et bien. Et on ne peut que vous encourager à multiplier les sources d'informations, pour reconstituer une partie du puzzle que représentent une œuvre et l'artiste à son origine.

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Dans quel état d'esprit étais-tu quand tu as commencé à composer cet album ?

Pas si différent que pour la préparation d'un de mes albums précédents bizarrement. C'est à dire que l'inspiration vient au quotidien, parfois même par le subconscient en passant par l'état de sommeil. Par exemple des mélodies ou des paroles me viennent souvent en rêve. Je me lève pour noter ou enregistrer un air au dictaphone. Par contre il y a eu ce film durant la maturation de l'album, 'Les Premiers, Les Derniers' de Dupontel avec Laners. Dedans il est sujet d'un personnage nommé "Cochiz". Un ami m'a un temps donné ce sobriquet. On utilise souvent ce genre de surnom pour réduire les gens à quelque chose. Pourtant le personnage historique comme celui du film ont une aura non moindre. La bande son du film est d'ailleurs du gars de 16 Horsepower.
Ce sont des connexions qui amènent une substance impalpable ! Tout l'enjeu est de transcrire sur le papier, textes, visuels et son.

LAMESOEUR c'est l'idée que ce qui est beau peut aussi faire mal. Entre autre par la peur de perdre. Ceux qui diraient le contraire seraient bien lâches.

Et ça passe indéniablement par le spectre de l'échange à tout point de vue c'est certain, et l'écho de l'autre. L'idée que croire c'est déjà créer quelque chose également...

À quel moment sens-tu le changement qui s'opère, comme si un futur disque te conduisait vers un nouveau son? Sais-tu où tu vas ou as-tu tendance à te laisser guider par des signes que tu reçois ?

Ça se prépare bien souvent sur des années avec des passage de doutes. Où j'annihile certaines choses en me disant que ce n'est pas la bonne direction pour que quelques années après, tout me revienne sans qu'il ne manque une note ou un mot de l'original.
Et là je sais que c'est ça qui doit être et qui est à faire, à rendre concret. C'est cette foi qui finit par matérialiser l'essence.

Par contre pour la capture c'est tout à fait différent car j'attends de ressentir une pulsion, un besoin viscéral. Ce déclic qui ouvre une porte. IL FAUT alors bâtir, il faut immortaliser cela sans plus attendre dans un certain état d'urgence. C'est assez douloureux comme passage mais nécessaire à l'authenticité de l'oeuvre de mon point de vue. J'ai un peu l'inverse du syndrome de la page blanche
Toujours submergé d'idées avec lesquelles je me débats jusqu'à ce qu'une structure se mette en place pour sortir l'oeuvre du chaos qui est en soi.
C'est toute la difficulté pour réussir à franchir chaque étape. Même si ce chemin, on l'a déjà pris plein de fois, il reste infini.

Le titre "Horror Vacui" l'évoque. C'est aussi un clin d’œil à tous ces titres dit "de remplissage" qui faisaient pourtant les meilleurs albums dans les 80's ou 90's. On aimait bien qu'il y ait des morceaux plus plats qui faisaient contraster les très bons ; pas comme aujourd'hui où même le son doit être rentable d'un bout à l'autre de l'opus. C'est dommage, où est la liberté la dedans ?
Ici j'ai tout enregistré en une longue pièce chaque fois en une prise (sauf le chant). C'est après le mix et le mastering qu'on a découpé les 7 plages.




On entend dans ton disque une démarche artistique où tu sembles chercher à traduire fidèlement ce que tu ressens au lieu de tout planifier.

C'est à la fois toujours un peu pareil autant que différent. Je parlais d'écho de l'autre tout à l'heure. C'est ce qui est mentionné dans le digifile "As Rare As Similar", aussi rare que similaire. On résonne les uns dans les autres avec chacun notre propre identité et pourtant on se retrouve sur les mêmes rives du registre émotionnel, transportés par le même accord, chant ou chanson...
C'est ce que la musique a de magique au sens littéral du terme. Elle est communion et pourtant on la ressent tous avec notre propre parcours personnel.

Quand on touche à ce genre de seuil, on entre dans le sacré. On parle de l'avant et du pendant mais par exemple depuis l'enregistrement du chant je n'éprouve plus le besoin de chanter. Comme si ce qui devait être fait l'avait été, est accompli... j'attends la prochaine tâche et ainsi de suite.


À quel moment tu sens que tu tiens une unité voire une entité avec sa cohérence, sa forme, et qu'il faut s'y perdre en entier pour la faire émerger ?

Regarde la pochette de l'opus : beaucoup y verront un insecte un peu étrange. Il s'agit en réalité de Belzébuth sous les traits d'une mouche. Ma lecture personnelle de celle-ci est une guêpe. Car je suis phobique des guêpes et ici c'est comme l'incarnation de mes craintes profondes qu'il me faut conjurer.
Pour le moment où je le sens sur cet album c'est assez particulier. En fait je jouais ce long titre tous les dimanches, les accords et autres arpèges se sont naturellement greffés de semaine en semaine. Au départ il n'y avait que 5 titres, puis Horror Vacui s'est ajouté et enfin l'intro avec ce poème qui s'est offert à moi en un peu moins de 30 minutes, un matin alors que je n'arrivais plus à dormir. La veille on avait regardé un film à l'eau de rose où un jeune garçon présentait un poème piqué sur internet à sa copine. J'ai voulu faire ce poème d'amour dédié à ma femme qu'en 16 ans je ne lui avais encore pas offert... Et là j'ai su que l'album était prêt.

Bien sûr j'ai attendu le déclic dont je te parlais pour lancer l'enregistrement de la musique en mars puis une après midi et la soirée d'un mois d'avril pour le chant qui a été entièrement improvisé sur le moment (à part pour le titre "Chairs Of Embers" qui existait déjà).


Dans ce processus, la forme stylistique du disque s'est un peu imposée d'elle-même ? Comme dans une concertation entre ce qui vient et ce que tu as besoin d'exprimer ?

Ça a été un processus mais pour ce qui est de l'aspect acoustique ça a été une évidence immédiate. Le besoin de ne pas tricher, jouer l'instrument pour sa résonance naturelle, l'abîme envoûtant d'une note qui perdure dans une réverbération irréelle et pourtant bien perceptible. Encore une fois c'est quasi de l'ordre rituel... l'intro du dernier titre en témoigne.

Par contre je ne m'enfermerai dans aucun carcan avec Roller World. Je compte bien explorer des choses tout à fait différentes dan le futur et j'ai d'ailleurs déjà des morceaux en cours comme des artworks etc.
Autrement dit ce ne sera pas à catégoriser folk ou unplugged uniquement.
Même si ce cheminement était absolument nécessaire sur Lame Sœur. ça n'aurait vraiment pas pu revêtir une autre forme musicale. Je pense que lorsqu'on écoute la musique c'est sans équivoque.
Je cherche juste à être moi en musique

Tu ne te mets aucune limite. Peut-on dire que cette nouvelle entité tient plus de ce qu'elle exprime de toi que d'une catégorisation esthétique ?

J'ai une seule limite aujourd'hui qui est de ne pas retomber dans les affres du metal extrême pour lequel j'ai déjà amplement œuvré. Je ne veux plus de code préétabli mais simplement jouer la musique qui me correspond le plus à un instant "T" sans réfléchir à ce que les gens vont en penser.
Au-delà de prétendus repères qui en fait nous balisent comme sur un parcours de santé.

C'est un chemin avec ses étapes qui me paraît assez naturel. Je me promène beaucoup et c'est une forme de thérapie pour moi. La musique a donc suivi ce chemin, sans jeu de mot aucun.
La route de l’initiation est permanente, et s'en est ici un aperçu, une portion.
Chacun y verra son propre morceau de parcours et c'est ici que j'espère que la résonance opérera chez chacun à son écoute.
En fait c'est tout le défi de l'album : un road trip personnel, différent pour chaque être. « As rare as similar »


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Questions : Barclau


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