Live Report | PRIMORDIAL + MOONSORROW + DER WEG EINER FREIHEIT @ Trabendo, Paris, 14/04/18



La date de ce soir affichait complet depuis deux semaines. La queue est longue devant le Trabendo. Aujourd'hui sont en effet attendus trois groupes, tous dignes de proposer leur propre tournée en tête d'affiche : Der Weg Einer Freiheit, Moonsorrow et Primordial. Ces derniers sont les seuls à avoir un album tout récent à leur actif ; tournée promotionnelle de luxe pour les Irlandais, donc. On ne vous cachera pas notre impatience face à ce solide programme. 

Der Weg Einer Freiheit


On ne vous cachera pas non plus notre petite déception, due au seul défaut d'organisation de cette soirée. Les portes ouvrent à 18h, mais le set de Der Weg Einer Freiheit commence à 18h15 ; même en se présentant à l'heure, le temps que tout le monde soit fouillé, impossible de pénétrer dans la salle avant que les allemands n'entament leur premier titre. On se doute que ces horaires un peu serrés sont dus aux temps de jeu fort respectables de Moonsorrow et Primordial, mais il reste dommage de priver le groupe et les fans de retrouvailles en bonne et due forme. 

Les fans en question s'en remettent bien sûr rapidement : Der Weg reste une valeur sûre en concert. La prestation est propre, claire, puissante. Comme souvent, les aigus ne sont pas très nets en début de set, mais le son s'améliore au fil du concert. Les petites imperfections n'enlèvent de toute façon rien à ce black metal si étonnamment soigné, dont les déferlantes de blast beats sont toujours rattrapées par des envolées mélodiques toutes plus poignantes les uns que les autres. Le groupe continue d'exceller dans sa violence romantique à l'allemande, qui assume sa recherche de finesse. Le public est d'ailleurs assez respectueux des nombreuses parenthèses calmes et subtiles, lors desquelles le silence est presque parfait sous le son clair de la guitare électrique. 

Le set réserve néanmoins peu de surprises, ce qui était prévisible, le dernier passage parisien ne datant que d'il y a quelques mois. Der Weg continue donc tranquillement à mettre en valeur son dernier album, avec notamment une somptueuse "Aufbruch" conclusive. Comme d'habitude, le groupe a su s'accompagner d'un bon ingénieur lumières, dont les projections épileptiques et éblouissantes se fondent à merveille dans la frénésie de la musique, mais aussi dans ses surenchères de ralentis étouffants et majestueux. Une fois de plus, et malgré une prestation plutôt courte, Der Weg Einer Freiheit a imposé le respect à la salle – certes pas bien hostile. On ne s'en lasse pas. 

Setlist :
Einkehr 
Skepsis, part I 
Zeichen 
Requiem 
Aufbruch 

Moonsorrow


Après un enregistrement fort perturbant pendant le changement de plateau, à base de voix finnoises étrangement gémissantes, Moonsorrow monte sur scène. Avant même que la moindre note ne résonne, le ton contraste d'emblée avec celui de Der Weg, dont les membres ont une présentation scénique très simple. Avec les Finlandais, on passe au monde du corpsepaint et à toute sa théâtralité. Paradoxalement (ou pas?), l'ambiance gagne directement en chaleur, à cause de la forte tonalité folk de la musique du groupe. Cette dernière ne manque pas de frapper par son équilibre : leur art est indéniablement fédérateur, mais sans tomber dans la facilité. Leur base de black reste fondamentalement folk, et ne va donc pas sans son lot de thèmes jovials, mais ne bascule pas dans une festivité qui autoriserait toutes les bassesses musicales. Ici, les harmonies vocales et de guitares sont impeccablement composées et exécutées, et nous emmènent avec énergie dans les contrées scandinaves. 

Évidemment, la salle est en un instant acquise à la cause de Moonsorrow. Les bras se lèvent, les voix du public accompagnent celles des membres du groupe. Les mélodies sont ferventes, les trouvailles rythmiques souvent intéressantes ; le groupe nous livre une musique très travaillée, mais facile d'accès, ce qui lui assure une si belle efficacité en concert, malgré des titres d'une longueur considérable. Chapeau bas. 

Setlist :
Pimeä 
Ruttolehto incl. Päivättömän päivän kansa 
Suden tunti 
Kivenkantaja 
Mimisbrunn 
Kuolleiden maa 


Primordial


Si l'on croyait le public au maximum de son enthousiasme devant Moonsorrow... on se trompait. Difficile en effet de contenir sa fièvre devant une entrée en matière si lourde : les Irlandais démarrent en trombe avec "Nail Their Tongues", le premier titre de leur époustouflant dernier album en date, Exile Amongst the Ruins. Intensité, rythmiques implacables et mur de son ultra entraînant sont au rendez-vous. Mais toute la force de Primordial est de faire marcher cette exaltation de paire avec une profonde gravité, si chère à l'identité du groupe. Cette gravité est largement soutenue par l'impressionnant Alan Averill, chanteur à la prestance des plus imposantes, et à la voix toujours aussi majestueuse et maîtrisée. Sur scène, ses cris aigus occasionnels sont simplement magnifiques. La température a grimpé en flèche ; la fosse de mélomanes jusque là immobile malgré son effervescence laisse même échapper quelques pogos. 

Le groupe propose un petit best of de sa carrière, avec des incontournables tels que "As Rome Burns" ou "The Coffin Ships", toujours redoutables, intercalés entre les titres du dernier album, qui auront sans aucun doute conquis ceux qui ne les connaissaient pas encore. Le morceau titre, avec justement ces fameux cris qui laissent bouche bée, constitue un moment somptueux ; "Exile Amongst the Ruins" est l'oeuvre d'un groupe mûr, dont la musique est toujours aussi solide, mais dont les textes remettent en question les vieux réflexes épiques : "The old enemies are dead and long gone, my friend. (...) And those songs you sang, to what end?". Le groupe chantait autrefois les guerriers ; il chante maintenant le monde moderne et ses peuples égarés. Il chante les "fantômes parmi les ruines" des nations. Primordial, en sa trente-et-unième année de carrière, parvient encore à renouveler la manière dont il vient chambouler ses spectateurs, sur disque comme en concert. C'en serait presque trop beau : le passage le plus paisible de ce titre bouleversant marque donc la première occurence de l'habituel slammeur qui n'a rien compris à ce qui se passe, et qui se lance donc avec fierté sur ses congénères en pleine accalmie. 

Dans les nouveautés d'Exile Amongst the Ruins que Primordial tient à exhiber ce soir se trouve "Stolen Years", probablement la première véritable "ballade" du groupe. Son ouverture étonnamment lente et calme, encore inhabituelle pour les musiciens, cause quelques légères imprécisions dans leur synchronisation. Ces dernières sont toutefois largement compensées par la charge émotionnelle du titre, qui est un regard en arrière sur le temps qui passe, et sur le vieillissement du groupe. Quel meilleur moment, donc, pour la contre-attaque du slammeur perdu? Il atteint la scène, se montre bien, heureux, avant de se jeter de nouveau dans la fosse. Un Alan Averill un peu perplexe à la fin du morceau hésite : "If this song means anything, it's... stage-diving, right?". Cette brebis égarée n'aura bien sûr par réussi à retirer la puissance des élans post-rock du morceau. La démonstration de force continue ensuite avec "Upon Our Spiritual Deathbed", son refrain hymnique et ses relents de heavy metal. 

Détail surprenant de la setlist : aucun titre de l'avant-dernier album, Where Greater Men Have Fallen, n'est joué ce soir, sans doute à cause de la lassitude du groupe d'avoir autant baladé cet opus en tournée ces dernières années. Malgré l'absence de cet album pourtant acclamé, rien ne peut décevoir la foule ce soir. Elle déborde de gratitude, et devient très silencieuse après les applaudissements, comme un peu sonnée par la fermeté et la fougue de ce qu'elle entend. Le groupe lance une dernière charge en rappel : "Empire Falls", en plein dans les thèmes chers aux Irlandais, achève le public. "You would trade every truth for a hollow victory...". L'image qui restera en tête après cette soirée sera celle d'Alan Averill, bras en croix, tête baissée sous sa capuche, à la fois belliqueux et recueilli, froid et massif, jetant tout son coeur dans sa musique et sa prestation. 

Setlist : 
Nail Their Tongues 
Gods to the Godless 
Exile Amongst the Ruins 
No Grave Deep Enough 
To Hell or the Hangman 
As Rome Burns 
Stolen Years 
Traitors Gate 
Upon Our Spiritual Deathbed 
The Coffin Ships 
Empire Falls

Un immense merci à toute l'équipe de Garmonbozia, ainsi qu'aux groupes, pour cette date au sommet. Un grand moment que cette tournée Heathen's Crusade. 


Marion

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