Chronique | Glaciation - "Sur les Falaises de Marbre" (album, 2015)



Tracklist:

01. Les Fiancées Sont Froides
02. La Mer, Les Ruines
03. Le Soleil Et L’Acier
04. Kaputt
05. Cinq
06. Sur Les Falaises De Marbre

Extrait:





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Formé en 2011 par deux parisiens, François Duguest de Diapsiquir et le graphiste Valnoir, Glaciation se joue des codes tout en restant très fidèle à de fortes influences musicales. Ce groupe compte dans ses rangs un nombre impressionnant de pointures de la scène française: la quasi totalité des membres d'Alcest (Neige, Winterhalter, Indria Saray), le chanteur Rose Hreidmarr (CNK, ex-Anorexia Nervosa), le guitariste Hugo Moerman (Necroblaspheme). Après le départ de Valnoir, Glaciation nous gratifie en 2015 d'un album dense et ambitieux, aux paroles complexes et poétiques. Si un line-up aussi fantastique  n'est pas gageure de succès, nous sommes ici forcés que l'osmose entre les différents musiciens opère à merveille. Alors, qu'attendons-nous pour nous jeter du haut de ces falaises de marbre? 


"La glace, fosses communes en avalanches
Le ciel, lacéré de non-revanches
Le gris, la nuit n'est plus noire et blanche
Le ciel, peut-être un jour, le silence"



Avant d'aller plus loin, déconseillons l'écoute de cet album aux "puristes", car "Sur les Falaises de Marbre", sans se disperser, se révèle à la fois conceptuel et expérimental. La crème de la crème du Black Metal débridé à la française. Mélancolie et poésie donnent le ton de cet opus fouillé et complet, il suffit de lire les paroles pour s'en convaincre une bonne fois pour toute. Ce qui semblait  presque carnavalesque sur le premier album du groupe - "1994" -, et qui avait énormément divisé les auditeurs, paraît ici beaucoup plus mature. Les musiciens continuent de remuer la fourmilière, mais de manière davantage réfléchie, et volontairement hétérogène. On assiste à un parricide tendre et sincère de la tradition, ce qui achèvera les puristes et réchauffera les coeurs des esprits les plus ouverts.


Neige, noirceur et clair-obscur.

"Un Soleil Noir/Et un gouffre infini/L'horreur en étendard/Pour assiéger la nuit." 

Glaciation s'inspire de la littérature internationale, comme le montre le nom de l'album, le même que le titre du roman d'Ernst Jünger datant de 1939, ou encore les noms des morceaux. Le Soleil et l'Acier a été écrit par Yukio Mishima, Kaputt par Curzio Malaparte, Les Fiancées sont froides par Guy Dupré.  On comprend dès lors d'où vient la richesse du contenu lyrique! Un esprit de résistance domine cet album, idéologiquement - Ernst Jünger, malgré son appartenance à l'extrême-droite allemande, a toujours combattu le III. Reich - mais aussi, comme nous allons le voir, musicalement.

La touche Post-Black est bien présente sur ce deuxième chapitre de la carrière d'un groupe qui a tant fait jaser lors de sa première production. Mais notons l'immense variété qui caractérise 'Sur les Falaises de Marbre", alternant entre des passages raw, d'autres davantage typés Dark Ambient. 'La Mer, les Ruines' se termine par un moment calme, aérien, plein de légèreté. Un large éventail d'orchestrations subtiles apparait tout le long de l'album. Chaque composition se calque sur un modèle linéaire aux nombreuses transitions engageant l'auditeur dans une immersion totale. Tout coule de source, tout est cohérent; décidément, les musiciens n'ont rien laissé au hasard. Mettons également l'accent sur le travail de production, qui n'est pas  excessivement lisse mais qui rend justice à chaque instrument. 

"Sur les Falaises de Marbre", c'est également une superbe performance vocale de la part de Hreidmarr, et nous nous devons d'insister sur sa voix polyvalente. Le chanteur alterne en effet entre un chant puissant caractéristique de ses performances habituelles, et des récitations mettant en valeur la poésie sous-jacente à cet album et la force des émotions qui s'en dégagent.


Peu de choses à redire sur cet album varié, cohérent et puissant. Certains diront qu'au regard d'un line-up aussi copieux, tout a été fait pour vendre, mais méfions nous de ces jugement peut-être un peu trop hâtifs. On pourra y trouver un sens de la provocation, ou bien penser que la richesse de cet album n'est qu'apparente ou artificielle. Glaciation reste un groupe à clivages, mais la force de la musique surpasse ces prétendues intentions des artistes, cela ne fait pas de doute. On a plutôt l'impression d'assister à un hommage à la tradition mêlé à une volonté de donner un coup de boost à une partie de la scène qui radote. Une leçon hautaine? Une oeuvre audacieuse, vaine, vaniteuse? On vous laisse juger, du haut de ces falaises de marbre. 



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Tom







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