À l'occasion de
la sortie, en janvier, de son premier album, intitulé Among Noise,
Aladiah a interviewé Jean-Marc Le Droff, l'homme derrière
l'electro-coldwave d'Egoprisme. Une occasion d'en apprendre un peu
plus sur le projet, devenu un incontournable de la scène post-punk
brestoise.
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Peux-tu te
présenter, toi et Egoprisme en quelques mots pour nos lecteurs ?
Et bien écoute,
Jean-Marc Le Droff, je suis Egoprisme.
Projet solo à la
base ?
Oui, mais je suis bien entouré, notamment par Thomas (Thomas Grzemski N.D.L.R.) qui m’accompagne énormément sur ce projet, tant au niveau artistique que pour le développement.
C'est un projet
qui a commencé depuis quand ?
Depuis
trois ans maintenant, quasiment jour pour jour. Ça devait être en
juin 2015 où l'on a vraiment commencé à bosser dessus, dans ces
eaux-là.
Est-ce ton premier
projet musical sérieux, ou tu as eu d'autres projets auparavant ?
Avant
j'ai fait Mon
Automatique, qui
est un projet un peu dans la même veine mais plus sombre, et là
c'était un duo avec David Jestin au chant. Ça nous a amené sur des
belles scènes, Art Rock, les Vieilles Charrues...
C'était plutôt
dans quel genre de musique ?
Alors on appelait ça
« Electro-rock combat ». L'architecture des chansons
préfigurait déjà les prémices d'Egoprisme. On continue d'ailleurs mais plus doucement, chacun ayant pris des directions différentes, on garde quand même ça un peu sous le coude. C'est toujours agréable de bosser avec un bon pote.
Du coup puisque
l'on parle genres musicaux, comment qualifierais-tu le genre de
musique que tu proposes avec Egoprisme ?
C’est
toujours délicat de définir sa musique. De ce que j'ai pu voir, des
scènes où l'on me mettait et des affinités que je peux avoir, ce
serait darkwave, synthwave… Je touche aussi un peu la coldwave, et
puis la noise... Oui il y a vraiment des moments où c'est noise.
Dans le milieu on
te catalogue souvent sous l'étiquette electro-coldwave...
Electro-coldwave voilà.
Post-punk aussi on m'a dit.
Mais du coup,
quelles sont tes inspirations et affinités musicales générales,
et pour Egoprisme en particulier ? Car j'imagine qu'elles sont
différentes.
Oui,
et encore, elles se rejoignent maintenant. À la base,
quand j'étais ado et que j'ai voulu me mettre sérieusement à la
musique,
c'était Prince :
de la funk, le mec seul aux commandes. Et puis j'ai évolué vers le
rock indé, la noise un peu, Sonic Youth et compagnie. Et puis j'ai
fait une incursion dans le reggae, il y a eu un moment où je
sentais que je pouvais plus m'exprimer avec ce genre de musique.
Pour ce qui est d'Egoprisme, c'est John Maus qui m'a donné
le déclic, le mec tout seul sur scène avec ses machines. Il
produisait tout dans sa chambre.
Ouais. En fait j'ai eu pas mal de groupes et je trouve quand même
que c'est vachement confortable d'être autonome, de voyager léger,
venir jouer en concerts quand tu veux, n'avoir à se consulter
que soi-même, pour les répétitions, c'est quand je veux, je
me pose quand je veux... J'aime bien cette liberté-là
qu'offre les machines.
Après ma période John Maus, j'ai du coup fait écouter mes
compositions à Thomas et là : « Tiens, tu devrais
écouter ça, et tu devrais écouter ça »...
Et il t'a balancé
tout un tas de références obscures ?
Exactement.
Il y avait à boire et à manger. Mais beaucoup à manger
heureusement (rires). C'est un milieu underground mais très riche.
Il y a plein de projets, et de très bonnes prods avec très peu de
moyens : avec ce côté machine tu peux très vite arriver à un
résultat très probant.
Et
puis entre-temps j'ai aussi rencontré Mode
In Gliany (Boris
Völt, N.D.L.R.), qui est devenu un copain et qui m'a bien influencé
aussi dans son esthétique. Je crois d’ailleurs que l'on s'est
influencé l'un l'autre.
De toute façon ça se passe souvent comme ça.
Tu rencontres quelqu'un qui te parle d'un groupe, tu vas
voir ce groupe-là et puis tu rencontres quelqu'un
d'autre qui te renvoie vers autre chose... C'est sans fin.
Et une fois que tu as mis le doigt dedans, tu es pris dans
l'engrenage...
Exactement.
Tu vois, j'ai découvert Einstürzende
Neubauten
il n'y a pas si longtemps que ça. Je les ai vus sur scène, putain
la grosse balle ! Je découvre beaucoup, beaucoup de groupes
ces temps-ci grâce au projet Egoprisme.
Même les gens avec lesquels on m'a programmé. Tu vois ma première
date c'était à Paris, c'était avec QUAL,
le mec de Lebanon
Hanover,
grosse balle également.
Du coup tout ce
qui est Depeche Mode, Clan Of Xymox et tout ça, tu les as découvert
sur le tard ?
Depeche
Mode
j'aime depuis longtemps. Xymox
c'est Remy Talec (Remy PatientZéro, N.D.L.R.) qui m'a fait
découvrir ça, avec Skinny
Puppy,
à l'époque où je faisais Mon
Automatique.
Il avait vu des ressemblances flagrantes dès le départ avec des
groupes que je n'écoutais pas du tout. Du coup, je suis arrivé sur
ces trucs-là un peu par ricochet. Le Remy est une sacrée mine
d'info.
C'est une
encyclopédie de tout ce qui se fait aux alentours de Brest, en
post-punk, goth mais pas que. Non seulement c'est une encyclopédie,
mais il a aussi ce feeling-là pour mettre les gens en contact.
Oui,
c'est un pivot. C'est un bon soutien aussi. Par exemple, c'est lui
qui m’a fait découvrir Mode
In Gliany en me
conseillant d’aller le voir jouer à Rennes. Il a visé vraiment
juste : depuis on est devenus potes avec Mode
In Gliany et on
se voit souvent, on collabore, etc.
C'est une scène
qui peut paraître de l’extérieur, pour des gens qui ne sont pas
dedans, fermée ; avec des gens qui sont tout le temps habillés en noir, qui font à moitié la gueule. Mais quand tu es dedans
finalement les gens sont sympathiques, ils communiquent facilement
sur leur culture, leurs goûts et leur passion en général.
Moi je trouve ça très ouvert.
À leur culture
mais aussi à d'autres.
C'est souvent comme ça. Chacun y amène son background.
Quels sont les
thèmes que tu abordes dans tes chansons? Quelle ambiance
distilles-tu avec Egoprisme ?
Beaucoup
sont liés à l'actualité. Mais là j’essaie de faire un peu plus
d'introspection. Rentrer un peu plus dans l'émotion que dans le
traitement froid de l'information. J'ai toujours une espèce de
pudeur à dire ce que je pense. Du coup j'ai tendance à faire des
textes à facettes, qui peuvent être compris d'une façon ou d'une
autre, des textes souvent ambigüs.
L'ambiguïté permet
à chacun de pouvoir se faire son idée sur les textes. Et souvent
cela permet aussi, quand tu lis ou quand t'écoute une chanson, de
te dire « A ça tu vois, cela me parle ».
C'est
exactement ça. Beaucoup de beaux textes que j'ai lus ou entendus,
c'était des textes qui laissaient place à l'interprétation. Et
pareil pour la musique : j’aime les mélodies où tu as des notes
qui sont suggérées, que tu as envie d'entendre mais qui ne sont pas
jouées. J'aime aussi ce concept de « note-pilote » qui entraîne
les suivantes, ou encore ce concept de « note fantôme » qui se
créent avec les harmonies, les résonances qui créent de nouvelles
mélodies sur un accord, un riff, etc...
Donc niveau
ambiance, ce serait plutôt ça ton truc ?
Oui.
Rajouter des couches pour obtenir des résonances, et puis après
faire des coupes ou souligner !
Une question me
trotte dans la tête depuis longtemps. Déjà j'adore le nom que tu
as trouvé pour ton projet : Egoprisme, avec le Moi et le côté
« multifacette ». D'où t'est venu ce nom ?
Ce nom, c'est un cadeau de David Gestin, de Mon Automatique, qui est
pour moi une période où j'avais vraiment cette volonté de
m'exprimer par moi-même sur ma musique, de ne plus me
cacher derrière lui. Il avait ce nom-là qu'il avait
utilisé dans un de ces poèmes et il me l'a suggéré.
Moi
direct ça a fait tilt parce qu’il y a cette dimension justement.
J'ai pu avoir des gens qui me disaient « Oui mais c'est hyper
présomptueux » ou « très narcissique », et puis d'autres au
contraire qui ont trouvé ça génial car justement derrière il y a
ce prisme de l'ego que l'on ressent tous. Moi ce que j'y mets, c'est
vraiment la façon dont notre ego, et donc notre expérience
personnelle et passée, influence fatalement notre perception du
monde. À partir du moment où tu es attentif à ça, tu deviens
beaucoup plus tolérant. C'est un peu un message de... Oui, de
tolérance, de mise en abyme. On n'est pas seulement ce qu'on pense
être.
Tu sors ton
premier album « Among Noise » le 15 janvier sur le label français
Manic Depression, après "EP#01" et "EP#02" chez
Beko Disques, ainsi que "Once You Get There" sur TONN
Recordings. Pourquoi ce choix ?
Les
gars de Manic Depression m'ont invité à jouer à la Mécanique
Ondulatoire il y a 6 mois, un truc comme ça, un petit peu avant
l'été, et puis dans la foulée, le lendemain, ils m'ont proposé de
remplacer un groupe au Supersonic. Et après deux concerts, ils m'ont
fait : « Bon écoute, on serait intéressé pour faire un album ».
J’ai dit banco!
TONN Recordings était motivé pour en faire un aussi mais il aurait fallu attendre un an de plus car ils avaient déjà beaucoup d’albums de lancés. On pourra toujours collaborer ensemble après, et, pourquoi pas, associer les deux labels puisque ce sont des choses qui se font maintenant.
Manic
Depression qui sont vraiment réputés dans le milieu, ils ont sorti
quelques grosses pointures : B.H.D., Raskolnikov...
Oui,
et des mecs comme Ash Code... C’est cool de me retrouver aux
côtés d’artistes comme ça, et de bénéficier de la visibilité
qu’offre Manic Depression au niveau européen!
Justement j'avais
prévu d'en parler plus tard dans les questions, savoir si tu
connaissais justement toute cette scène-là.
Je
l’ai découverte notamment par la Villa Diodati (association
gothique de Rennes, N.D.L.R.). Eux aussi ont été dans les premiers
à me faire confiance, par l’entremise de Remy encore une fois. Ce
sont vraiment des gens supers et adorables.
Et
donc voilà, un concert sur Paris avec Manic, pas énormément de
monde, puis un remplacement, avec plus de monde pour voir ce que ça
donnait et dans la foulée ça c'est fait.
C'est vrai que des
fois, pour certaines dates, et cela dépend d'où et de quand tu
joues dans la semaine, tu n'auras pas nécessairement le même
public, même sur Paris. Il se passe tellement de trucs là-bas, que
si j'y étais je sortirais tous les soirs, je ne sais pas comment je
ferais !
Oui,
non, ce n'est pas une bonne chose. Thomas a essayé. Il a eu des
problèmes. Il essaie toujours d’ailleurs (rires) !
Sinon, au niveau
de Brest, ce n'est quand même pas mal. C'est tout de même une
ville rock, et du coup niveau concert tu as beaucoup de choses...
Oui, ça bouge très
bien...
Et pourtant nous
sommes au fin fond du bout du monde...
On
est au commencement du monde!
En revenant à nos
moutons. Du coup TONN, c'est juste en pause ?
Oui
on n’exclut rien et on reste en bons termes. J'ai beaucoup aimé
bosser avec Mary Mc Intyre, qui a créé ce label. C'est une nana
hyper élégante. On sent qu'elle vient du monde de l'art
contemporain. Elle est très attentive. Elle aussi fait ça par
passion. C'est Mode
In Gliany qui me
l'a faite rencontrer, donc encore Remy au fond! Et pour Manic c'est
pareil, je suis super-flatté qu'ils veuillent bosser avec moi.
Encore des passionnés.
Dans ce genre de
milieux underground, tout ce fait par passion.
Oui,
il n'y a pas de subventions dans tout ça !
Oh non !
Malheureusement...
Ou peut-être
heureusement... Je pense qu’heureusement.
Revenons à
l'album. Nécessairement, la première chose que l'on voit c'est la
pochette : logo, titre du disque, noir et blanc, très
minimaliste...
Sobre et efficace. C'est
un peu à l'image du nom du projet. Vraiment envie que les gens
puissent se projeter. Clairement une volonté d'être minimaliste.
J'ai fait une collaboration avec Jean-Baptiste Stéphan, qui est un artiste que j'aime beaucoup, un graphiste brestois. Je lui avais
demandé justement un logo hyper minimaliste... Et il m'avait sorti
ça il y a un an ou deux déjà, et ça ma paru évident d'utiliser
ça pour la pochette, c'est un peu comme un labyrinthe sans sortie.
Je trouve que ça rejoint ce qu'est Egoprisme.
Car on n'échappe pas à notre expérience passée !
Par
contre à l'intérieur, il y a une espèce de frise très graphique,
très Bauhaus en fait, et j'aime bien parce-qu'en gros « Among
Noise » c'est un peu, en sorte, ces espèce de nappes que je
superpose et qu'après je tranche. Et les paroles c'est un peu ça
aussi, c'est plein d'informations et on en prend certaines pour les
traiter, je connais ça en tant que journaliste. Et je trouve que
c'est très bien trouvé. Il a du talent le petit !
J'ai écouté
l'album un certain nombre de fois. À la première écoute je l'ai
trouvé assez monolithique. Boîte à rythmes, séquenceurs,
arpégiateurs omniprésents, guitare : « Among Noise » est
clairement fait pour danser. Est-ce une volonté de ta part ?
Oui,
grave ! Pour moi la musique c'est une libération. Il doit y avoir un
ou deux morceaux un peu plus calmes que les autres mais c'est quelque
chose que j'aimerais bien creuser. Aller vers du plus minimaliste.
Sur scène, chaque morceau comporte une quinzaine de pistes, et ça
me demande du boulot de les manipuler. Je reviens de Berlin où j'ai
vu de la minimal de chez minimal, à très fort volume on y retrouve
les résonances que je cherche. Je vais peut-être essayer de
chercher par là, en enlevant un peu certaines couches, en taillant
encore plus.
Dans
mon processus de création, je suis tellement dans la boucle, qu'au
bout d'un moment je veux toujours en rajouter, ce qui est à double
tranchant. J’entends des mélodies et je me dis que je ne peux pas
passer à côté...
On trouve sur ton
album des titres issus de tes précédents EP comme "Here for
the thrills" (EP#01), "En secret" "La plage"
"I am the sun" (EP#02), "Étendard" (Once You
Get There) entre autres classiques, mais aussi "Call of duty"
"The dark one" "Back from an endless night"
issues de ta première démo...
Oui,
mais tous les titres ont été retravaillés et revisités. En fait il y a
des morceaux de ma démo que j'ai joués beaucoup de fois sur scène
et du coup ils se sont enrichis de l’énergie que m'a donnée le
public. Et puis j'ai appris beaucoup en technique aussi entre-temps,
c'est une quête sans fin mais c’était agréable de reprendre mes
pistes d'il y a trois ans et de me dire « Ah ben en fait, je
me compliquais la tête ! »
J'ai trouvé assez
étonnant de ne pas y voir "L'incandescence" ou "A
Great Theater", mais avec ses 15 pistes, "Among Noise"
est déjà assez dense. Comment s'est fait le choix des titres et
leur organisation sur l'album ?
Et bien tout ça c'était difficile ! Alors pour le cahier des
charges c'est Manic qui m'a un peu poussé à en mettre plein. Ils
m'ont dit : « franchement si tu peux en mettre 15 ou 16
ce serait top ». C'est ce qu'ils attendaient après que je
leur ai envoyé une vingtaine de morceaux.
J'ai
rencontré Rula entre-temps (Rula El Bahr, N.D.L.R.), qui est arrivée
en plein dans ce processus-là. C’est une réalisatrice, qui a fait
des études de cinéma et compagnie, son père est documentariste.
Elle m'a donné une astuce qui consiste à considérer l'album comme
un film et les morceaux comme des séquences. Et du coup de me faire
des post-it avec des morceaux, des intentions, des paysages que
j’imagine, etc... Puis tu assembles le tout pour raconter une
histoire.
Et comme
certaines chansons parlent de l'actualité, certaines sont encore
trop fraîches, trop dures, pour être intégrées à l'album.
Surtout qu'avec lui j'avais vraiment cette volonté de faire un
voyage. C'est comme le
titre « La Plage » qui a tendance à diviser les avis car il peut
être perçu comme très pop. Moi je ne me voyais pas ne pas la
mettre. C'est elle qui fait le pivot avec
deux trois morceaux parlant de ce genre d’événements (Attentats,
N.D.L.R.). J'ai vraiment ressenti cette montée. J'ai voulu faire
cette mise en abyme. C'est une espèce de tourbillon entre le temps
qui passe et la violence, le temps qui repasse, et re-violence ;
c'est un cycle sans fin. Comme l'énergie : du plus, du moins, du
plus, du moins, il n'y a rien sans l'autre.
Pourquoi le choix
du titre "Among Noise" comme nom pour le disque ?
En fait, c'est la piste
avec laquelle je m'amuse le plus, là où je me sens le plus libre
en fait.
En terme musical
pur, c'est une des plus sombres en fait avec "La Plage",
"Nothing At All".
Je vois vraiment "Among Noise" comme une libération.
« Shall We Dance ? »... comme une évidence.
Je me suis surpris, de faire une chanson avec des paroles aussi
simples...
Anglais, français,
tu mélanges les deux langues sur l'album alors que certains font le
choix de l'un ou l'autre.
J'en ai beaucoup parlé
autour de moi en fait, à mes proches. Et au final, ce qui en est sorti c'est qu'on s'en fout, c'est du spectacle. J'ai mis beaucoup
de temps à chanter en français... L'anglais il y a une espèce de
filtre, et c'est universalisé aussi. J'adore voyager. L'anglais m'a
beaucoup fait voyager. Mais maintenant j'essaie d'avoir une
meilleure maîtrise du français, mais parfois c'est là, quand tu
as trop de possibilités, que tu te retrouves enfermé. Là j'ai
réussi à ouvrir quelques portes et je crois que je vais me
faufiler par là. C'est une langue que j'adore à la base, tu peux
beaucoup plus jouer avec elle qu'avec l'anglais. Et comme nous
sommes dans un monde complexe...
Tu n'as pas de
chansons en allemand sur ton album... Pour le prochain peut-être ?
Peut-être
! J'ai rencontré des gens géniaux en Allemagne là, et ça me donne
vraiment envie de me nourrir de ça. Et puis j'ai étudié l’allemand
à la fac. Du coup oui, j'irais bien exploiter cette
littérature-là... M'enfin bon, déjà le français !
On retrouve sur
l'album des featuring, avec Boris Völt de Mode In Gliany et Rula El
Bahr de Kamekaz. Comment les as-tu rencontrés et comment se sont
passées ces collaborations ?
Boris, c'est par Remy
donc, et Rula, c'est par Thomas. Elle était de retour en France
après avoir vécu à Berlin. Thomas qui me dit « Je crois que
vous vous entendriez bien »... Il n'a pas eu tort ! Ce
sont deux univers qui se télescopent. Elle vient du monde de la
performance. Cinéma, performance scénique, une sacrée rencontre
et une bouffée d'air frais. Et une personne qui n'a pas froid aux
yeux.
On s'est bien
rencontré ! C'est un personnage. Et j'aime bien avoir cet
aspect-là d'un personnage qui vient sur mon projet, comme pour Mode
In Gliany. Tu vois on en revient encore à cette métaphore du film
en fait. Il y a ce héros-là, et l'on rajoute quelques personnages,
histoire qu'ils interagissent. C'est un peu le but de la vie en
général.
La présence
hypnotique de Rula El Bahr sur scène avec toi rajoute vraiment
quelque chose aux prestations. Elle a une aura vraiment
particulière, singulière. Faire de la scène est quelque chose
d'important pour Egoprisme ?
Pour moi oui, c'est un
projet de scène. C'était surtout pour ça à la base, faire de la
scène et voyager, de rencontrer des gens et de me nourrir de ce que
font les autres. C'est un peu ça Egoprisme. Je me programme des
moments plaisir en fait. Je sais que dans ce laps de temps là, tout
va se dérouler comme je l'ai prévu.
Ça c'est le côté
ego...
Et j'essaie de faire en
sorte que tout le monde puisse danser !
Et ça c'est le
côté ...prisme
Exactement !
Es-tu conscient du
petit effet que ton projet a eu au sein du milieu post-punk en
général et goth brestois en particulier ? Comment
l'expliques-tu ?
Absolument
pas. Bien apprécié sur Brest c'est sûr, il y a des aficionados, et
ça fait vraiment plaisir ! Alors si, quand même je sens qu'il y a
des retours très positifs, mais je ne m’en rends pas bien compte
car suis plutôt du genre à m'enfermer dans mon studio pour faire
mes petits trucs... Cette musique-là, je ne pensais pas pouvoir
voyager avec, ou même faire un album avec. C'était plus pour me
libérer moi. Et de voir que ça peut être partagé, c'est un vrai
bonheur.
Et c'est comme ça
que tu as découvert, comme on le disait au départ, tout le
mouvement post-punk et ce qui s'en rattache...
Ouais... Je ne suis pas
du tout original, je me suis retrouvé dans une veine où d'autres
ont creusé le sillon avant moi... Ce qui est rassurant aussi.
Et puis c'est bien
aussi pour quelqu'un ne vient pas de base de cette scène-là,
d'être accepté justement par cet univers et d'être adopté comme
ça... Ça fait penser un peu à Jessica93, qui vient du grunge à
la base...
Ça fait plaisir de ne pas être tout seul dans son désert...
Dans son délire.
De toute façon tout cet univers goth/post-punk aime délirer. C'est
un univers qui est très cinématographique du coup, on en revient à
cela ; très visuel, qui aime montrer des trucs très forts...
Très esthétique...
Je t'ai vu sur
scène au Vauban, et tu avais une certaine aura ; et je me
demandais si, plus jeune, tu faisais toi aussi parti de ces gens
très timides ; car j'ai toujours entendu dire que les gens sur
scène, se relâchent totalement ?
C'est
vrai, je t'avoue qu'une des questions que je me suis souvent posé
c'est : « Mais pourquoi tu t'infliges ça ? ».
Je suis du genre à toujours vouloir me fondre dans le décor,
plutôt à observer qu'à agir. Et du coup je me suis retrouvé sur
scène, allez, c'est à moi... Et j'adore ça !
Ça fait partie de ces moments où tu contrôles tout
ton environnement. C'est aussi une forme de catharsis.
Maintenant que tu
es plongé dans Egoprisme depuis trois ans, te sens-tu plus proche
de cette scène post-punk du coup ?
Évidemment,
évidemment... Comme je t'ai dit, rencontrer des mecs comme QUAL,
Tropic Of Cancer,
Tristesse
Contemporaine,
Essaie Pas,
The Horrorist...
Le simple fait de se pencher sur l'esthétique de ces gens-là,
évidemment ça me parle. On apprend, on apprend chaque jour. Et si
on n'apprend pas, faut arrêter !
Là
j'ai écouté l'album quand je l'ai reçu, juste pour entendre si ça
sonnait comme je le voulais, et je ne l'ai plus ré-écouté depuis.
Là, maintenant, j'ai juste envie de faire de nouveaux morceaux.
Apprendre encore.
Tu as du mal à
écouter ce que tu as déjà fait du coup ?
Non, c'est
juste que j'ai eu l'impression là, pendant six
mois, j'ai été en boucle au lieu de
créer, à toujours revenir sur les choses : « Ah mais ça ce n'est
pas comme ça que je voulais le mettre... Ah mais si je fais ça, ça
ne va pas avec celui-là... »
Ça m'a fait me poser des questions. Je suis rentré dans de la
technique... Pendant trois ans j'étais dans la création :
« tiens, je m'ennuie, je vais faire un nouveau morceau... »,
C'est la théorie du chasse-neige : « C'est quoi la
suite ? C'est quoi la suite ? ». Et là c'était
plus dans l'optique de figer les choses. Et figer les choses c'est
un peu comme mourir. Tu graves dans le marbre quelque chose.
Le coup final c'est Christophe Galès qui me l'a donné. Il m'a
donné un gros coup de main sur la partie finale. Il m'a donné des
conseils pour le mixage et après il s'est occupé du mastering. Il
m'a dit : « viens dans mon studio, je te fais
écouter le mastering. Il te faut une oreille extérieure, fais-moi confiance ! ». Et cet homme-là a passé 2
jours à masteriser tout ça et aux petits oignons. J'étais en mode
« je ne suis pas sûr, je ne suis pas sûr »...
Il m'a amené dans sa voiture, il m'a fait faire trois
fois le tour de Brest en écoutant mon album : « Alors
tu me fais confiance ? ». « Oui,
d'accord. »... (rires)
Ce
fut moment de pur bonheur d'arriver à ce truc-là, quand il m'a
déposé devant chez moi. L'album était fini. Et en même temps
j’avais le sentiment que c’était surtout le début d'un nouveau
cycle.
Il faut vouloir
saisir plus qu'on ne peut étreindre... Les projets pour l'avenir du
coup, nouvel album ?
Ouais,
forcément. Évidemment ça me démange... Je ne sais pas, je suis
dans une espèce d'entre-deux ; entre le besoin de repos et la
frénésie de composer. J'ai appris plein de choses là en faisant
ce disque, et forcément j'ai plein d'idées. Je suis en train
d'essayer de construire une tournée de concerts qui commencerait au
début de l'été et qui se terminerait un peu avant la rentrée.
J'aimerais bien viser
les festivals, et c'est beaucoup de boulot aussi. J'ai des contacts
pour faire un clip aussi. Et puis les collaborations, continuer à
bosser avec Mode In Gliany, avec Rula, rencontrer d'autres
gens... Ce sont des bouffées d'air frais.
Pour conclure, une
anecdote de concert ou autres à raconter ?
J'en ai plein. Mais s'il
n'en faut qu'une ce serait mon tout premier concert au Klub à
Paris, avec plein de gens dansant les bras en l'air, alors que je
n'étais pas en confiance du tout... Première fois sur scène, on
m'a payé mon billet, on m'a payé pour être là, et en plus les
gens étaient contents. Ce fut un de mes moments de concerts les
plus forts.
_____________________
Merci à Jean-Marc
pour cette longue entrevue, ses réponses et pour ce bon moment passé
autour d'une bonne bière, au Tir Na N'Og.
Interview : Aladiah,
Olivier R
Photographies : Aladiah
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