Chronique | TROUBLE FAIT' – The Black Isles (Album, 2016)



TROUBLE FAIT' – The Black Isles (Album, 2016)

Tracklist :

01. Beads of Esmerald 3:48
02. The Black Isles 5:30
03. Christiania 5:19
04. Sweet Perfumes 5:43
05. La Fille des Baies 3:37
06. Post Punk Night in Paris 3:50
07. The Silky Messager 5:24
08. Regeneracy 4:04
09. Heavy Tears 5:28
10. Tacheles 3:18

Extrait en écoute :



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En quelques années Trouble Fait' est devenu une des figures phare du post-punk hexagonal, un incontournable des soirées gothiques, de par sa musique tournant autour du rock alternatif, de la new wave et de la coldwave et de par son univers alternatif assumé.

Il aura fallu six années de réflexion et de préparation à Jicé, Babeth et Guillaume, entre Comet Camden et le nouvel opus intitulé The Black Isles. Si le premier disque, sorti sur le label Rumors It Way en 2010, contait les beaux (et mauvais) jours du fameux quartier contre-culturel de Londres, avec un accent coldwave-punk bien prononcé, le petit nouveau promet un changement de direction.

En effet, enregistré et mixé au Studio Midnight à Annequin et édité en 2016 sur le maintenant célèbre label post-punk Manic Depression, The Black Isles nous propose d’emblée un visuel fort différent. Adieu le concept du bout d'affiche déchirée sur un poteau et place à une pochette d'un noir profond. Une feuille d'arbre rouge sur de la boue couleur encre, une photographie de Nazaré Milheiro. Une illustration certaine des paysages miniers du nord de la France. Autant dire que je m'attends à quelque chose de bien plus visqueux.

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Dès les premières notes nous voici précipités dans l’abîme. On est loin de la coldwave de Comet Camden. "Beads of Esmerald" est un titre nerveux et sombre, situé entre post-punk énervé et rock gothique de haute volée, quasiment deathrock. Changement d’ambiance. Si le premier album narrait les souvenirs d'un temps parfois révolu, ici nous sommes dans un temps présent, sombre et inquiétant.

Et cela ne s'arrange pas avec le titre éponyme "The Black Ilses". Guitare haute, basse ronronnante et nappe de synthétiseur en mode theremin fantomatique, on se croirait musicalement revenu au temps du Pornography de The Cure. Indubitablement, les influences du groupe sont palpables.

"Christiana" s'inscrit exactement dans la même veine que les deux pistes précédentes. Le titre aux sonorités entêtantes est, pour moi, l'un des plus réussis et des plus marquants de l'album ; alliant parfaitement un côté ritournelle rock gothique à la The Sisters Of Mercy et une austérité griffue à la Christian Death.

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Avec "Sweet Perfumes" nous revenons aux acquis de Comet Camden, avec une coldwave appuyée et froide dans la même lignée que "Boys Of The Rain". Comet Camden s'était conclu sur cette dernière piste, composition aux accents peu joyeux. The Black Ilses en serait donc alors le prolongement naturel.

Place aux expérimentations avec "La Fille des Baies" et ses accents, n'en déplaisent à certains, façon Indochine. Une parenté probablement due au chant en français, qui donne cette impression. Cette piste est beaucoup plus intimiste, et ce n'est pas pour me déplaire. Mais généralement, je l'avoue, je ne l'écoute que d'une oreille, attendant avec une certaine impatience le titre suivant.

Pourquoi ? Parce que "Post-punk Night in Paris" est juste une tuerie. Pour moi c'est LA chanson. Ici nous somme en pleine immersion, au cœur même de cette bête fiévreuse qu'est la scène goth. La musique nous entraîne toute la nuit pour nous faire sautiller dans tous les coins de la capitale. Encore, et encore, et encore. On sue, on tremble, on chante approximativement les paroles à tu-tête, et on ne s’arrête qu'au petit matin. Et encore ce n'est pas dit. Ce titre, que l'on pourrait qualifier de post-punk pur, est d'une efficacité rare.

Et on remet cela directement avec "The Silky Messager", qui pourrait du coup être un "Post-punk Night in Paris - Part2" dans la musicalité. Ce qui fait de cet arrangement des titres un très bon combo pour l'album. Une sorte de cœur joyeux au sein de ce terril de ténèbres. La fameuse feuille d'arbre rouge.

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On revient après ce coup de sang à quelque chose de plus émotionnel avec "Regeneracy" qui, malgré son rythme soutenu, nous laisse glisser de sorte à donner à l'ensemble une saveur douce et mélancolique. Et en matière de vague à l'âme, "Heavy Tears" pointe son nez juste quand il le faut. Une chanson à mi-chemin entre les sonorités des Cure des années 90 et un Cocteau Twins bien senti.

L'album se conclut sur "Tacheles". On reprend les sonorités à la limite du deathrock du début, pour refermer la boucle. Froid, abrasif, poisseux, il y a quelque chose de dérangeant dans ce titre qui met mal à l'aise. Une conclusion parfaite en somme.

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The Black Ilse est une rupture avec Comet Camden autant que sa suite logique et directe. La musique y est plus énergique, plus rock, plus noire : plus gothique. Le premier album posait des questions, celui-ci en apporte les réponses. État catastrophique de la société, considérations écologiques, bilan actuel des scènes underground, craintes d'un avenir obscur et flou : la mélancolie d'un passé idéalisé est devenu une peur pour un futur probable.

« On plonge sans cesse dans une ambiance que personnellement je croyais perdue à jamais. On retrace, chanson après chanson, la lente agonie d'une utopie brisée ». Tels furent mes mots pour la chronique de Comet Camden, mots qui sont toujours valables ici. Une sorte de boucle sans fin.

The Black Isles s'inscrit dans une lignée d'albums post-punk actuels qui renouent avec une certaine noirceur et une certaine vision sombre du monde contemporain. Comme un écho, ou un reflet des difficultés que nous vivons actuellement. Parfois je me prends à penser que The Black Ilses est le Faith ou le Pornography de Trouble Fait', une utilisation de l'énergie du passé pour réveiller les consciences du présent.


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Aladiah



Commentaires

  1. Anonyme11:58

    Merci pour cette belle chronique !!! Le clip de Post Punk Night in Paris sublime le morceau, allez le voir sur la page Facebook du groupe ou YouTube ! ;-)

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