Chronique | HARAKIRI FOR THE SKY - Arson (Album, 2018)



Harakiri for the Sky - Arson (Album, 2018)

Tracklist

01. Fire, Walk With Me
02. The Graves We've Dug
03. You Are the Scars
04. Heroin Waltz
05. Tomb Omnia
06. Stillborn
07. Voidgazer
08. Manifesto (Bonus Track)

Extrait en écoute




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Harakiri for the Sky, les petits protégés de la scène post-black, reviennent cette année avec Arson. Depuis Aokigahara, leur très remarqué deuxième album paru en 2014, les Autrichiens ont enchaîné les succès critiques : leurs rafales de longs riffs et de mélodies déchirantes leur ont assuré une place de choix dans le coeur de nombreux amateurs. Leur désormais avant-dernier album, III: Trauma, avait engagé il y a deux ans un virage vers une production bien plus propre, soutenue par une influence grandissante du post-rock dans le travail du groupe. Arson, leur nouvel opus qui sera disponible pour le grand public dans deux semaines (le 16 février, précisément), reste assez fidèle à cette nouvelle perspective d'évolution. 


Le lancement de l'album procure beaucoup de satisfaction au fan de Harakiri for the Sky. Ce son ardent si familier et cette plainte infatigable auxquels le groupe nous a habitués s'élancent avec force, avec cette même fièvre désespérée qui donne tout son caractère à la musique du duo. Les vocaux ont d'ailleurs repris un peu de corps par rapport à ceux de l'album précédent, qui se rapprochaient avec plus de simplicité du black metal ; sans atteindre la fureur du chant des débuts du groupe, les quelques lignes vocales de "Fire, Walk With Me" contribuent à une belle entrée en matière. 

À partir de là, votre niveau d'indulgence - ou peut-être simplement votre degré d'amour pour Harakiri - décidera du temps que durera cet enthousiasme des retrouvailles avec le groupe. Pour cause, cette même passion qui est toujours bien présente dans leur musique. Et justement : c'est exactement la même dont ils nous ont déjà fait faire le tour dans leurs opus précédents. Même passion, même formule, même démarche, même esprit, à quelques minces différences près. Par exemple, l'attention portée à la propreté du son, qui devient un peu excessive, lisse le tout d'une manière qui devient assez rapidement frustrante. L'ensemble paraît plus convenu. Difficile de dire s'il l'est fondamentalement, ou s'il l'est simplement devenu à cause du manque de renouvellement du groupe. 

Comme d'habitude, les mélodies dominent très largement les compositions d'Arson. On y trouve cependant moins de surprises, moins d'inspiration, moins d'acharnement qu'avant, probablement parce qu'elles sont de plus en plus isolées en avant de la rythmique. Elles peinent à donner de l'élan aux passages denses, qui ne reposent presque que sur le (beau) travail de la batterie ; on a régulièrement la désagréable sensation que le souffle de ces titres pourtant si émotionnels ne tient qu'à la présence de la double pédale, ce qui est somme toute un peu léger. De plus, les tempi varient bien peu, et augmentent encore la lassitude croissante qui nous gagne au fil du disque. En conséquence, les personnages principaux que sont les mélodies s'essoufflent davantage, deviennent poussifs. Il semblerait, finalement, que la rage sous-jacente qui les alimentait se soit un peu estompée, sans tout à fait disparaître. Il en reste juste assez pour rester accroché à l'écoute de l'album afin de guetter les délicieux instants où elle refait surface. 

Il faut toutefois bien chercher ces moments, parmi ces compositions de plus en plus prévisibles, où chaque changement arrive très exactement là où on l'attend. Les quelques surprises ne sont donc certes pas dans la structure des morceaux, mais dans l'instrumentation, où certains éléments nouveaux trouvent avec élégance leur place dans le son de Harakiri for the Sky. Le piano fait notamment l'objet d'un usage plus prononcé, et n'est pas cantonné à quelques introductions ou intermèdes. "You Are the Scars" est un bon exemple de cette intensification d'un clavier plus structurel, mieux intégré dans l'accompagnement. "Heroin Waltz" (en écoute ci-dessus), quant à elle, se hisse au rang de meilleur titre du disque grâce à sa guitare acoustique subtilement insérée dans la composition, où elle glisse même de discrets motifs aux résonances folk. 

Malgré ces quelques moments lumineux, la note de fin commence à se faire tristement désirer : Harakiri for the Sky a fait le pari d'allonger encore ses morceaux, ce qui donne tout de même un album qui dure une heure et six minutes (sans la piste bonus). C'est long, et risqué, ce que ne manque pas de faire sentir l'épuisement progressif de la recette du groupe. Les derniers titres de l'album sont une série de faux espoirs : "Stillborn", significativement plus lent que ses prédécesseurs, arrive un peu tard. En outre, à ce stade du disque, c'est un changement plus vivace qui aurait pu donner un nouveau souffle à Arson. En plus d'être trop long, force est de constater que ce dernier n'est pas idéalement organisé. L'ultime "Voidgazer" parachève l'amertume de l'auditeur : chacun de ses nouveaux élans et redémarrages conduisent au même ton pseudo-passionné, qui n'a en fin de compte plus grand chose de dramatique. Ce titre se pare même par moments d'un accompagnement assez mal senti, à savoir une arpège à la guitare avec une dissonance qui tombe totalement comme un cheveu sur la soupe dans un contexte qui manque autant de colère. 

La piste bonus "Manifesto", qui est une reprise des Graveyard Lovers (Post-Grunge - US), ne change pas grand chose à la donne. Son ouverture, avec un chant féminin bien rythmé suivi de magnifiques screams laissant passer de poignants soupçons de voix claire (réalisés par Leesa en guest vocals), débouche finalement sur un titre qui n'aurait été vraiment remarquable que si la voix de Silvi Bogojevic (la chanteuse ici invitée) ne l'avait pas aplati. Avorté... 


Il est facile de devenir un peu dur avec Arson, qui est sans doute, en soi, un assez bel album. Le grandiose de la musique de Harakiri for the Sky oblige cependant à en attendre beaucoup du groupe, qui n'a cette fois pas atteint le degré de renouveau que l'on pouvait espérer de lui. L'idée n'est sûrement pas de faire l'impasse sur ce disque, qui ouvre joliment cette année 2018 avec quelques moments d'impétuosité diablement efficaces. Les Autrichiens en sont cependant à leur quatrième album : là n'est pas le moment de se diriger vers la facilité, et de prendre l'habitude de recycler ou d'édulcorer ses efforts précédents.

Marion

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