Live Report | 北漂团伙五周年 (Metal Music Festival) @ Pékin (Chine) 25/11/17



Le premier contact avec le milieu Metal chinois a été mitigé. Mon passage au "fameux" 666揺滾店 (666 Shop), magasin étant présenté comme une référence dans la recherche de Metal chinois, m'a laissé perplexe : quelques références chinoises sans vraiment de raretés ou de choix par rapport à l'international. Je repars avec quelques CDs mais c'est surtout le 北漂团伙五周年 (Metal Music Festival) que j'attendais, avec une affiche certes éclectique, mais regroupant certains de mes groupes cultes comme Dissident (异论), Bloody Woods, Deep Mountains (深山) et Zuriaake (葬尸湖).

Quelques jours plus tard. C'est bloqué entre un restaurant traditionnel à l'architecture chinoise aux couleurs rouge et or et des habitations qui rappellent les immeubles soviétiques gris et ternes que se trouve le bâtiment où je découvre le lieu du concert. Il dénote par son aspect minimaliste moderne et noir. Ouverture des portes, il est 15:30 : le festival devrait commencer. Les minutes passent pour devenir une heure. Le public est de plus en plus nombreux et s'impatiente. Finalement le concert commence après 1h de retard, mais dans une salle en bas. Il est temps d'aller voir, il s'agit d'un groupe de Metalcore originaire de Beijing.
Nower commence, le groupe a changé de chanteur en 2015 pour récupérer l'ancien chanteur du groupe de Black Death Metal mélodique et folklorique, Black Kirin (黑麒麟). Mais oubliez tout ça, ici c'est du metalcore tout ce qu'il y a de plus classique. Le groupe s'inspire de l'imagerie mongole mais rien ne transparait dans leur musique contrairement à un Ego Fall (颠覆M).

Il est temps de passer mon chemin. N’ayant pas prévu de faire de report à l'origine, les lignes qui vont suivre sont surtout le fruit de mes envies, des groupes que j'ai voulu voir et de mon expérience pour un premier concert / festival Metal en Chine. Un moyen de vous faire partager l’atmosphère si particulière de cet événement.




Au final je ne suis pas le seul, le public descendu écoute quelques morceaux avant de remonter et d'attendre devant la salle du haut qui accueillera les plus gros groupes de ce festival. En haut, le retard fait s’échauffer les esprits, un Punk commence à s'énerver contre le vigile qui refuse de donner des informations sur le retard et l'ouverture de la seconde salle. Les insultes fusent et ils sont séparés avant d'en venir au mains. L'atmosphère est tendue, une demi heure passe encore, les gens discutent, montent et descendent pour voir ce qui se passe sur les deux étages.

Les portes s'ouvrent enfin. Le groupe qui ouvre est Dissident (异论), un groupe de Thrash Metal aux influences Black Metal originaire de Shenyang, dans la province Liaoning.


L'atmosphère se détend lorsque le groupe commence à jouer, les pogos enchaînent même sur un wall of death. Le public est captivé. La salle, elle, est trois fois plus grande que celle du bas. Les groupes n'utilisent pas de backdrop, mais leur logo est projeté par rétro projecteur sur un écran avec des effets d'éclairs. Dissident (异论) délivre un Thrash Metal bien Old-School, qui fleure bon le Black Metal première vague. C'est puissant, prenant. Les anciens et nouveaux morceaux s'alternent, le groupe a sorti il y a peu son nouvel album et ils le défendent bien sur scène. Ils ont ouvert après plus d'une heure et demie de retard, ce qui n'est pas tâche aisée, mais ils ont assuré une prestation puissante qui a permis de lâcher la pression du retard, de quoi ravir les adeptes des vieux Kreator, Slayer ou encore Sepultura.




La prestation s'achève, le public descend, un autre concert a déjà commencé. Les prestations se chevauchent, ce qui rend difficile la gestion des groupes si les gens désirent voir deux groupes qui passent en même temps. Les groupes passent dans le désordre et à des horaires différents. L'organisation a décidé de faire passer les groupes qui auraient du jouer pendant l'heure de retard. Tout l'ordre de passage est changé et aucune information n'est donnée.

Dans la salle du bas, un groupe de Metalcore, je passe mon tour et remonte attendre la suite.

Ephemerality est une toute jeune formation pékinoise, ils ont sorti en septembre dernier leur premier EP éponyme. On retrouve une chanteuse à la tête du groupe et on vous rassure, elle n'est pas dans la programmation Goth / Sympho de la soirée. On est plus dans un Arch Enemy-like période Angela Gossow, tinté de Grindcore à la Obituary. Leur Death metal mélodique et moderne est aussi inspiré du Brutal Death à la Cannibal Corpse, le chant est violent et puissant, les riffs incisifs. Le set est court, le temps de jouer leur EP et de ne pas se lasser. 




Les groupes de Metal symphoniques à chanteuse s'enchaînent, de quoi faire une pause avant l'heure fatidique de Deep Mountains (深山) !


Une heure après l'heure prévue, soit 19h30. Après, les concerts vont s'enchaîner, puisque l'ordre de passage a repris comme sur l'affiche, et que suivent Bloody Woods et Zuriaake (葬尸湖)

Deep Mountains (深山) se mets en place. L'écran derrière affiche la pochette de leur album 忘忧湖 (Lake of Solace). Elle représente une peinture de femme, sur le dos on distingue son visage et le haut de son corps. Il s'agit d'une représentation d'un ghost bath, une façon de suicide qui consiste à laisser son corps être porté par l'eau et de se laisser se noyer. Les papillons de la pochette prennent vie sur l'écran et volettent autour du visage et de l'eau aux teintes vert/bleu. Le concert commence sur des samples de bruit d'eau.

La musique s’élève, délicate, avec le chanteur qui narre le début de l'album projeté. Les images continuent de bouger en fond. Le groupe délivre une musique entre Post-Black, Black Atmosphérique, Black Metal dépressif et Post-Rock. Le public écoute, hypnotisé par les rythmes languissants et éthérés. Le chant en chinois résonne et prend sa pleine mesure sur les parties en chant clair ou narré. Des montagnes, des arbres, ça défile sur une vue du haut, comme la vision que pourrait avoir un oiseau. Les image sont un parcours dans l'artwork du premier album, alors que la musique devient plus Black, moins Post, à la fois plus atmosphérique et violente, la batterie est plus rapide ainsi que les guitares, le chant plus violent. Après deux titres extraits de cet opus, le groupe enchaîne avec son titre '长涂岛 (Changtu Island)'. Le titre se reconnaît facilement par son introduction sur des bruits de vagues, le groupe projette en même temps le clip qui l'accompagne. La mer, une île au loin avec un phare et le brouillard qui enveloppe ce paysage maritime. La musique redevient plus Post-Black et joue sur des passages oniriques et mélancoliques. Le public est pris par la mise en scène et la musique, aucun pogo, la musique ne s'y prête pas. Deep Mountains (深山) fait défiler un voyage au travers des paysages projetés, entre clip et peinture traditionnelle, le tout reflétant visuellement leurs différents albums. Le frontman échange avec le public en chinois, des cris s’élèvent, il remercie tout le monde. La musique reprend, les idéogrammes du logo chinois du groupe apparaissent, ils sont sur une mappemonde au couleurs verte, bleu et blanche. Des nuages en fond, le logo est sur la Chine avant que la carte ne se déplace. Leur prestation se finira sur ce titre, le frontman remercie encore une fois, le public lui répond avant que les lumières de la scène ne s'éteignent et que celles de la salle  ne s'allument.





Là encore le logo est projeté, il s'agit du logo en chinois présent sur le dernier album du groupe The Laments : le logo est noir sur fond de neige. L'intro se fait à la flûte chinoise, le chant clair est en chinois également, un contraste se crée entre la tenue de scène inspirée de la Néo-Folk mais aussi des costumes médiévaux et la musique. Les trois premiers morceaux oscillent entre Black Metal, DSBM et musique folklorique chinoise, typée Néo-Folk. Après, le logo en fond change, un des membres du public sort un drapeau avec l'autre logo du groupe qui représente un Yggdrasil dans un cercle. La musique se fait plus festive, plus dansante, le public suit le rythme des flûtes celtiques, le Black Metal a fait place à du Folk Metal d'inspiration celtique et viking. Le set se finira comme ça, sous les applaudissements et les danses.

Un set court et encore plus court pour la partie chinoise, qui me laisse un peu sur ma faim même si les parties celtiques sont maîtrisées. Un groupe qui se cherche encore au niveau de l'identité entre les origines européennes de la néo-folk et une pratique plus chinoise. A découvrir sur album avant de s'aventurer en concert, pour ne pas être trop surpris.



Il est l'heure de la prestation de Zuriaake (葬尸湖), le concert se passe dans la grande salle du haut.




Les lumières s'éteignent. Un sample de chant d'oiseau résonne, un clavier aux sonorités chinoises lui fait suite. Les cinq membres du groupe entrent sur ces notes. Tous sont vêtus de noir, coiffés d'un chapeau traditionnel avec un voile là aussi noir qui couvre leurs visages cachés par du tissu. Sur l'écran du fond apparaît le logo de Zuriaake (葬尸湖) en écriture Black Metal noir et en idéogramme chinois blanc avec le nom du premier album, 弈秋 (Afterimage of Autumn). Puis, « 10th Anniversary », le groupe fête les dix ans de leur premier album et vont l’interpréter dans son intégralité.

Le groupe commence à jouer un Black Metal atmosphérique aux inspirations naturelles et chinoises, puisant son inspiration dans les paysages d'une Chine antique. Les images en fond alternent en estampes et paysages automnaux. Au fur et à mesure que le chanteur déclame ses paroles en chant guttural les paroles apparaissent sur l'écran, en chinois et en anglais en dessous. Le concert se déroule sans communication avec un public transcendé par la prestation. La salle est quasiment pleine. Le public ne hurle pas, il écoute. Le frontman prend une fiole blanche, la présente au public avant de faire un geste sec et projette son contenu sur les premiers rangs ; il s'agit d'eau. La prestation continue et le chanteur part, il revient avec un drap blanc taché de rouge comme pour rappeler le sang. Il décompose ses mouvements pour exposer le drap qui couvre un objet, au bout du drap est accroché une vajrakilayaa, dague rituelle bouddhiste. La musique continue, il recommence à chanter et ses mouvements deviennent languissants. À la fin du morceau il découvre l'objet, il s'agit d'un bol tibétain blanc nacré. Il tape trois fois dessus et un nouveau morceau commence. Les images continuent d'illustrer les morceaux, les arbres aux couleurs automnales font place à des cours d'eau ou des paysages en noir et blanc.


Le concert prend fin. Le groupe quitte la scène sans un mot et les applaudissements se font entendre de plus en plus, le public hurle pour la première fois du concert. C'était transcendant, une parenthèse magnifique et unique pour un des albums qui m'a fait découvrir le Black Metal chinois. Zuriaake (葬尸湖) impose réellement son statut de groupe culte de la scène chinoise. Le groupe propose une vision fantasmée et idéalisée des temps anciens, le tout avec un Black Metal atmosphérique aussi précis et délicat qu'une estampe. Les nombreux moments gestuels du frontman nous plongent dans des moments ritualistes où le temps n'existe plus. Pour les avoir vu à Paris, c'était un avant goût, sur leurs terres, Zuriaake (葬尸湖) est tout autre et prend la place qui lui est due. 


Quand on commence à s’intéresser à la scène chinoise et Folk Metal on tombe rapidement sur The Samans. Le groupe est originaire de Changchun, dans la province de Jilin. Ils délivrent un mélange de Metal industriel et de musique folklorique « asiatique ». Le groupe pioche allègrement dans les sonorités japonaises et chinoises. Musicalement on est entre du Metal industriel à la Rammstein ou encore Pain avec des samples instrumentaux asiatiques, une esthétique musicale qui rappelle les génériques d'animes. Le groupe se lâche complètement pour cette dernière prestation, le public bouge, danse, marquant ainsi la fin du festival.



Le 北漂团伙五周年 (Metal Music Festival) fût donc ma première expérience en matière de concert en Chine. Le premier d'une longue série. On passera sur la gestion aux limites du catastrophique pour l'organisation et le passage des groupes. Les groupes ont pu tous passer et le festival a fini tard mais les prestations étaient au rendez-vous. Les salles ont une qualité de son vraiment bonne, et les jeux de lumières posent l’atmosphère des groupes. Une première pour moi de voir des projections sur le mur. Si Dissident (异论) et Bloody Woods en ont limité l'utilisation, Deep Mountains (深山) et Zuriaake (葬尸湖) montrent clairement le potentiel d'une telle technologie dans les concerts.

L'affiche éclectique - et 100% chinoise - permet à tout le monde de se retrouver et de faire son programme avec un dosage assez bien équilibré même si la scène Metalcore était la plus présente. On a eu le droit à deux des groupes de Black Metal les plus incontournables de la scène chinoise : de quoi me faire oublier le reste.

Auteur: Morgan
Photos: Eléna. P

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