Chronique | ARKHON INFAUSTUS - Passing the Necromanteion (EP, 2017)


Arkhon Infaustus - Passing the Nekromanteion (EP, 2017)

Tracklist:

01. Amphessatamine Nexion
02. The Precipice Where Souls Slither
03. Yesh Le-El Yadi
04. Corrupted Épignosis

Extrait en écoute:


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  La re-formation d'Arkhon Infaustus dix ans après Orthodoxyn n'était pas prévue, mais leur signature chez Les Acteurs de l'Ombre n'était clairement pas non plus dans toutes les têtes. Pourtant, malgré son passé sans concession, la mythique formation francilienne, désormais réduite à son géniteur DevianT et au batteur SkVm récemment recruté, s'accorde plutôt bien avec l'identité de son nouveau label, qui nous a tout de même habitué à des choses un minimum recherchées dans le domaine du Metal Extrême. Passing the Nekromanteion incarne en effet un véritable tournant dans la discographie du groupe, sa violence se révélant moins franche mais au contraire plus insidieuse, rampante... On en sentait déjà les prémisses dans l'opus précédent, mais la rupture se révèle ici plus prononcée. Adieu donc l'orgie de blast beats, place à des compositions d'une qualité incomparablement meilleure. Il est évident que la décadence qui faisait la marque d'Arkhon Infaustus ne soit plus vraiment à l'ordre du jour et que, par conséquent, l'attrait de leur musique puisse être vue par certains comme diminué. Mais l'esprit pernicieux du groupe demeure, en témoigne le plan d'église en forme de seringue représentée dans le panneau gauche de l'intérieur du digipack... Le monstre a évolué, propageant ses nuisances selon d'autres méthodes. 

  L'EP en lui-même s'éloigne de la bestialité à mesure que les titres s'enchainent, le plus bourrin étant sans conteste 'Amphessatamine Nexion', sans bien sûr être moins développé et travaillé que les autres: l'introduction présage déjà des innovations conséquentes, sur fond de larsens et de dissonances soutenues par des rythmes de batterie massifs et une oraison démente, l'accélération se révélant très progressive. Par ailleurs, on notera la relative longueur des titres, aucun ne passant en-dessous de la barre des sept minutes parmi les quatre compositions qui nous sont proposées dans ce disque. L'alternance entre chants black et death metal est quelque chose qui d'autre part demeure constant dans l'histoire d'Arkhon Infaustus, et le groupe ne fait pas exception pour Passing the Nekromanteion. L'impression qui ressort de ce morceau d'ouverture réside ainsi dans la manière dont DevianT a su faire évoluer les principales caractéristiques de sa musique, donnant un ton plus cérémonieux et non moins blasphématoire à celle-ci. À ce titre, le morceau final 'Corrupted Épignosis' m'a un peu rappelé les atmosphères sulfureuses d'Ascension, en particulier l'album Consolamentum que j'apprécie énormément. La subversion se fait davantage dans les dissonances, les ambiances inquiétantes, que dans le déchainement des blast-beats, ce qui, par ailleurs, n'est absolument pas nouveau dans le paysage des sorties actuelles.  Dans cette perspective, la production, parfait compromis entre les deux périodes, sert tout à fait cet objectif. 

   On se demandera si le duo s'est, de la même façon, enfermé dans l'hermétisme artificiel que l'on retrouve de plus en plus aujourd'hui et dans beaucoup de styles, lequel, tout en se propageant sans grande innovation d'artiste en artiste, fait croire au consommateur qu'il écoute une musique exigeante et "intellectuelle". La surprise de la nouveauté de l'orientation du groupe est en effet de courte durée, et les éléments introduits dans cet EP sont des lieux communs sur lesquels il n'y a pas grand chose d'intéressant à dire si ce n'est qu'Arkhon Infaustus en est l'un des nouveaux utilisateurs. Passing the Necromanteion, au-delà de sa place de tournant musical pour le groupe, n'est malheureusement pas une oeuvre qui sort du lot parmi le flot des sorties actuelles et récentes, devenant à son tour l'un des nombreux exemples servant à nourrir le constat de base d'après lequel, actuellement, l'inspiration artistique ne brille pas au firmament.

   Je n'irais pas jusqu'à affirmer qu'Arkhon Infaustus se transforme en clone issu de cette vague spiritualisante et mysticisante dans laquelle une large frange du Black Metal s'engouffre aujourd'hui, l'ayant identifiée comme la voie du succès. Mais persiste l'impression que Les Acteurs de L'Ombre, avec des groupes comme Au-Dessus et Arkhon Infaustus, n'ont pas signé des artistes qui se distinguent vraiment des tendances actuelles, comme cela avait été le cas pour The Great Old Ones et Maïeutiste. Il sera sans doute de plus en plus difficile d'attirer l'attention des véritables passionnés de musique si ce qui nous est proposé, au delà de quelques maigres variantes, s'homogénéise et perd, par conséquent, toujours plus en audace. Mais cela n'est que le symptôme de dynamiques de création artistique dont la portée dépasse de loin l'horizon du Metal extrême, porte-parole inavoué du conformisme et du consumérisme derrière le voile de la subversion. 

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T.


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