Chronique | BVDK - Architecture of Future Tribes (album, 2017)


BVDK - Architecture of Future Tribes (album, 2017)

Tracklist:

01. Snatcher
02. Surreptitious Cluster
03. Nana Buluku
04. La Langue Sanglante
05. Bahir Dar
06. Jericho's Pride
07. Dar Es Salaam 
08. Psalm 32

Extrait en écoute: le clip de 'Jericho's Pride'


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Un playmobil calciné, prisonnier de ses chaînes et auréolé d'un néon rougeâtre. Les allures de saint martyr des temps post-modernes de ce curieux personnage ne nous préparent en rien au contenu du premier album de BVDK, disponible au format digital depuis avril 2017. Il faut dire que le groupe de "post-black industriel" est coutumier de l'anticonformisme esthétique, mais force est de constater que les musiciens lorrains ont poussé encore plus loin la démarche de leur premier EP dont l'imagerie était déjà plus qu'atypique. En revanche, au-delà de ce point commun, l'évolution musicale se fait rudement sentir.

Si l'aspect industriel avait été abondamment exploité dans Virgin Summer, le bien nommé Architecture of Future Tribes ne se limite pas à cela et incorpore des éléments rappelant la culture africaine, et ce dès le chant d'ouverture de 'Snatcher'. L'orient est aussi bien représenté dans l'harmonie des mélodies de guitare et des beats de 'Bahir Dar'. En fait, ces influences ethniques - sous une forme électronique - parcourent l'album de bout en bout, ce qui introduit une rupture assez conséquente dans la musique du quartette. Les musiciens allient traditions du monde et futurisme d'une manière assez radicale et, en dernière analyse, on peut dire que l'identité du groupe se renforce du fait de l'effet de surprise introduit par les passages folkloriques qui se marient efficacement aux textures industrielles. Cet album est en effet une réminiscence des cultes animistes et du voodoo africain, d'où les fréquents recours à des samples empruntés à des oeuvres elles-mêmes inspirées de ces thèmes (Bloodborne, par exemple).

Passé ce constat, on se rend tout de même compte que le post-black poignant et mélancolique est l'un des principaux attraits de cette oeuvre, 'Nana Buluku' se révélant l'un des titres phares de l'album de ce point de vue. Un chant screamo rappelant la quintessence qu'est Harakiri For The Sky en la matière, associé à de notables mélodies à la guitare, tout cela ne peut que nous enthousiasmer, bien que la scène soit actuellement saturée par ce style en vogue et que les véritables perles soient de plus en plus rares. On insistera par ailleurs sur les passages mélancoliques à l'acoustique comme le début de 'Dar es Salaam' et ses arpèges de guitare accompagnés d'une line de basse majestueuse, éléments auxquels se rajoutent un chant féminin aérien et tribal et la froideur des riffs de black metal. Parfois, on discerne chez BVDK un Black Metal posé qui lorgne vers l'atmo aux accents chamanistes dans l'esprit de Darkestrah (période Manas) et surtout de Drudkh/Astrofaes, comme c'est le cas dans 'Surreptitious Cluster'. Cet aspect, bien que plus discret puisqu'il ne concerne qu'un ou deux titres, contribue à donner une dimension nostalgique voire dépressive à l'album.

BVDK commence à disposer d'une patte vraiment personnelle. Cependant, même si le groupe cumule les traits distinctifs, son originalité porte davantage sur les choix esthétiques et les associations d'éléments entre eux plutôt que sur la manière d'exploiter chaque ingrédient. Les beats électro-ethniques pourraient par exemple être parfois plus diversifiés et moins prévisibles: on a parfois l'impression que le groupe aurait pu davantage travailler en profondeur certains passages, mais arriver à faire cela est loin d'être évident surtout lorsqu'on marie des univers radicalement différents (Zeal & Ardor ont commis l'exploit avec la Soul, le Blues et le Black Metal). Les musiciens pourraient faire preuve d'encore plus d'efficacité, et si l'EP était très dynamique - du fait de la durée qui s'y prêtait -, ils n'ont pas totalement su éviter les longueurs dans l'album: la répétition de certains motifs rythmiques ou mélodiques essouffle un peu les compos, comme c'est le cas dans le morceau d'ouverture qui contient néanmoins de bons passages pour cette entrée en matière.

Quoiqu'il en soit, l'univers décalé du groupe, associé à de très bonnes idées musicales qui ont un potentiel indéniable, sont la marque de ce premier album. À ce titre, le clip de 'Jericho's Pride', disponible depuis peu sur notre chaine Youtube, cumule à lui seul tout ce qui définit le style actuel des musiciens, dans une perspective visuelle aussi bien que musicale. On notera que cette visée hors-normes que BVDK cherche à donner à sa musique n'est pas sans rappeler l'influence de l'art insaisissable de David Lynch. Le rapprochement en terme de démarche n'est pas fortuit: les musiciens lui empruntent des extraits de ses films pour les inclure dans leur ultime morceau, 'Psalm 32', prière de pénitence en attendant la suite... Une suite qui sera sans doute en aussi nette rupture  qu'Architecture of Future Tribes ne l'est pour Virgin Summer.

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T.



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