Interview | Jonathan (MCCLANE) - octobre 2017


L'éclectisme. C'est ce que je me suis toujours efforcé de promouvoir dans Scholomance. Cette force déterminée qui permet à des styles diamétralement opposés de construire des tons et des ambiances exclusives, c'est pour moi la réelle richesse de la musique. L'artiste d'aujourd'hui se situe en plein dans ce créneau là, à la frontière des Rave DIY et des concerts de Crust crados, aux instrus mal accordés et improvisés. Armé de sa table de mix et de ses influences musicales, McClane s'efforce de repousser les frontières - qu'il maltraite dans ses productions -, entre Gabber et Black Metal par exemple. Nous reviendrons sur tout cela, et sur la Fête Triste, concept qu'il porte à la fois comme un drapeau et comme un fardeau, à l'occasion de la sortie de son premier EP.

Retrouvez le clip de "Fête Triste" en exclusivité dans l'interview!

01. Salut McClane ! Avant tout merci à toi d’avoir répondu présent à cette interview. Nous commencerons de manière relativement classique : peux tu te présenter, en dehors de ton projet, en précisant d’où tu viens musicalement, quel a été ton trajet artistique jusqu’à McClane, etc ?

Jonathan, 27 ans, j’habite dans la ville qui accueillera les J.O de 2024. J’ai « découvert » la musique à l’âge de 10 ans en piochant deux skeuds dans la disco de mon père. Le premier c’était Bomber de Motörhead et le second, le Volume 2 de la collection Thunderdome. J’étais mal barré… J’ai commencé à jouer de la batterie au collège. Un premier groupe de punk rock, ensuite un groupe de grindcore pour finir dans le Stoner. Je me souviens que l’on utilisait Guitar Pro avec mes premiers groupes, je m’amusais déjà à faire une espèce de techno toute nulle avec ce logiciel… J’ai ensuite acheté un contrôleur MP3 pour apprendre à mixer des morceaux sur Virtual DJ (et oui…). Je cherchais des sons électro sur Myspace à l’époque, c’est là que j’ai découvert Mustard Pimp, Blatta & Inesha, Huoratron etc. Cette musique m’a fait plonger dans les musiques électroniques. Les gars de Mustard Pimp portaient des t-shirts Marduk et Mayhem dans des clubs, à l’époque ça m’avait fait bugger. Dans le mix, le fait de pouvoir créer un voyage avec mes morceaux me parlait beaucoup. C’est donc comme ça que j’ai commencé à mixer et à découvrir plein de styles différents. En soi, la technique du mix est simple mais le plus important, et ce qui fait un bon Dj, c’est la sélection de ses morceaux et sa capacité d’adaptation lors de ses prestations. Dès le début je voulais mélanger des pistes en faisant des enchaînements improbables. C’est pour ça que les gens qui ont eu l’occasion de me voir sur scène on eu le droit à du Slayer/Scooter. Je ne fais pas ça pour passer pour un gogole de ‘métalleux beauf’, au contraire, c’est pour montrer que tout est possible ! Ce que je continue de faire dans mes mixtapes d'ailleurs, notamment la collection Manure qui verra sortir une nouvelle mixtape à la fin du mois.

 
Venons en à McClane. Pourrais tu nous présenter ton projet ?

McClane est mon projet de musiques électroniques, projet DIY pour le moment. Le nom "McClane" fait bien entendu référence à Bruce Willis dans la collection ‘Die Hard’, collection qui m’a accompagné les longs mercredis après midi quand j’étais gamin. J’aime le côté brut et sans limite de John McClane. Pour ma première date, on m’a demandé « Je met quel nom ? » j’ai répondu McClane pour rire, ça fait maintenant plus de 7 ans que c’est mon surnom… « Black Rave Synth » est le terme que j’utilise pour d’écrire ma musique. Un terrain de jeu pour y mélanger mes influences musicales. Je voulais créer un mélange assez bâtard de tout ce que j’écoute, car j’ai eu plusieurs groupes et j’aime énormément travailler avec d’autres personnes, mais là, il me fallait un projet perso dans lequel je peux faire ce que je veux. Le metal extrême et les musiques électroniques comme la techno et la gabber, sont des styles très liés. Que ce soit au niveau des fréquences utilisées, des structures, des tempos, de l’imagerie… C’est donc venu assez naturellement pour moi de vouloir mixer tout ça. Je n’aime pas me mettre de barrière, même si c’est risqué, comme le dit si bien Jazzy Bazz : « Ce n’est pas parce que tu ne comprends pas que c’est de la merde ».

Tu comptes le Black Metal et le Crust dans les influences de ton projet. Comment arrives tu a mélanger des styles aussi éloignés que le Black et la Gabber, et que veux tu faire en mélangeant tout cela?

Comme expliqué un peu plus haut, j’ai commencé avec, entre autres, du rock’n’roll et de la gabber, je pense que c’est logique pour mon inconscient de mélanger ça. (rires) Plus sérieusement, ce qui me parle le plus dans la musique, c’est la sincérité et malheureusement ça devient de plus en plus rare… La pose à toujours existé mais là j’ai l’impression que ça devient n’importe quoi. C’est dans le black metal que j’ai entendu les pièces les plus sincères et authentiques. (Attention, je ne dis pas que tout le Black Metal est sincère, il y aussi beaucoup de merdeSS, que ce soit les néo-nazis ou les selfies tour bus…) Le Crust, c’est pour le côté très cru des productions et également l’aspect sans concession qui casse la gueule. Il n’y à pas de secret, si ton morceau est nul, peu importe le master… Ensuite la culture Gabber possède une imagerie jusqu’au boutiste qui me fascine. Le publique est dedans à 200 % même si beaucoup de personnes trouvent ça ridicule, ils sont dans leur délire et le vive à fond… Et puis mince, cette danse est juste sensationnelle. C’est pour ça que j’ai composé "Thunder Dogme", c’est mon hommage à cette culture. J’ai donc composé cet EP en rassemblant ces trois valeurs qui sont très chères à mes yeux.

Tu as sorti un très bon EP nommé La Fête Triste. J’aimerais revenir dessus et connaître ta signification du terme sémantiquement antinomique « Fête triste ». D’où vient il et pourquoi l’avoir mis en musique?

Merci. J’ai écris ce chapitre, principalement pour décrire ma vision personnelle des soirées et de ce que j’y ressens. Je fais souvent la fête mais la plupart du temps je ne m'amuse pas vraiment, je suis dans mes pensées, j'analyse les gens, j'essaye de les comprendre mais bien trop souvent, ils me foutent la gerbe. Je suis nihiliste et je dois faire avec… (rires) En vrai, j’ai fait une overdose de fêtes, je n’arrive plus même plus à boire d’alcool. Les pistes de mon EP étaient composées depuis plusieurs mois, mais je n’étais pas prêt à sortir cet EP. Je savais qu’en le sortant, j’allais couper le cordon ombilical qui me connectait avec cet immense vide et à tout ces protagonistes ridicules. J’ai changé beaucoup de choses dans ma vie ces derniers temps, une page se tourne, ça fait du bien et c’est pour cela que je compose énormément. Pourquoi l’avoir mis en musique ? Pour moi, la musique est le moyen d’expression le plus fort qui puisse exister sur cette planète, donc je l’ai gentiment utilisé pour transformer cet ulcère en scarification. (Voir la Cover) Pour résumer, c’est un chapitre très personnel, c’est pour ça que je suis surpris par les réactions et retours des gens.


On voit rapidement l’éclectisme et la variété d’ambiances déployées dans tes différents morceaux. Comment gères-tu cela ? Comptes-tu te fixer une « ligne musicale » ?

A vrai dire je ne sais pas vraiment, j’aime mélanger mes influences. C’est pour cela que je me suis tourné vers les musiques électroniques. L’aspect infini et sans limite me correspond. Donc je vais te dire que non je ne compte pas me fixer de ligne musicale. Si je veux mettre de la trompette ou un sample du bruit de mes couilles quand je les pose sur la table, je le ferai (rires) La Fête Triste est un EP pilote, exposer ce qui va se passer par la suite. Ce sont des morceaux que j’ai depuis pas mal de temps, je ne voulais pas les sortir parce que je n’étais pas encore prêt diffuser ma musique. Les nouveaux morceaux sont plus violents et les structures plus complexes, j’ai vraiment hâte de finir tout ça et de le partager !

Parles nous un peu plus du concept du titre éponyme de « La Fête Triste », et de son spoken word blasé (génial néanmoins). Comment t’es venu ce concept ?

Le concept m’est venu tout seul (rires). Je voulais une fin d’EP efficace, et également que le message soit clair. Je n’aime pas chanter, mais j’aime faire parler mes morceaux par le biais de samples. Comme dans le titre "Mother", le sample à l’intérieur est tiré d’un documentaire sur une femme schizophrène qui fait souffrir ses enfants. (Coucou maman).



Là, je voulais vraiment une narration très explicite avec une progression qui suit la musique. Une fois de plus, j’ai voulu donner ma vision d’une Fête Triste. C’est la fête qui pleure à l’intérieur de cette piste, les gens lui font du mal. J’habite dans une rue pleine de bars, chaque soirs je regarde par la fenêtre et je peux te dire que l’on y voit une chose qui ressemble à la cour des miracles. J’ai demandé à Willow de poser sur ce morceau car j’aime sa voix et c’est un véritable artiste. Je suis très content de cette collaboration ! J’aime énormément ses projets, notamment sa piste « Descentes Acides » avec Worhs. Il m’a beaucoup surpris avec ce final chanté, c’est vraiment ce que je voulais ! De plus, il possède un tatouage la Fête Triste comme moi, c’était un signe (rires)

Scholomance Webzine : Tu nous as d’ailleurs dévoilé le clip de ce titre éponyme (trouvable en exclusivité Scholomance ici), comment l’as-tu construit par rapport au titre ? Parles-nous un peu plus des images du clip, de leur provenance et de leurs significations

Tout d’abord, pour mes vidéos, j’aime le principe de coller ma musique sur des images existantes. Un détournement qui m’amuse beaucoup, et qui permet également de montrer la puissance de la musique. Pour la ‘Fête Triste’ j’ai utilisé des images du court métrage de Rein Raamat Põrgu (l’Enfer), je pense que je ne pouvais pas trouver de meilleures images pour ce morceaux. Le texte de Willow colle très bien avec ce qui se déroule lors des fêtes dont je parle. J’aime énormément ce court métrage, regarde la version complète, c’est très puissant et les dessins sont fous.

Le clip en exclusivité sur notre chaine Youtube:



Après « La Fête Triste », qu’est ce qui est au programme ?

Ces derniers temps j’ai énormément composé, pour McClane et aussi pour un autre projet. Je viens de finir l’écriture du second EP qui sera nettement plus violent et plus rapide. Il s’appellera Pas De Veine, sur celui ci, les thèmes abordés sont plus glauques, ça parle des addictions aux drogues et de tout ce que cela provoque. J’ai commencé la recherche de featuring et autres guests instrumentaux. il y aura une vidéo pour chaque morceau de l’EP. Pour le moment je n’ai pas de date de sortie, je préfère prendre mon temps… Je pense que celui ci sortira début 2018. J’ai eu plusieurs connections avec des labels, mais je ne sais pas encore si cela m'intéresse… J’ai également commencé l’écriture du troisième EP Cheval Mauve qui sera nettement plus expérimental et ambient, sur celui ci, j’ai envie de faire participer des artistes de tout horizons pour créer une pièce unique. J’aimerais faire un morceaux avec le plus de guests possible !

Prévois-tu un jour de mélanger directement ta gabber à du Black ou du Crust ? Ou peut être un split avec une formation de ces styles ?

Un de mes rêves les plus chers, serait de sélectionner mes artistes préférés et d’aller tous ensemble en studio... Donc oui, j’aimerais énormément. Je suis pour les collaborations, mélanger les influences. Après il faut voir ce qu’il est possible de faire et avec qui. Sur le prochain EP un pote va chanter sur la track de clôture mais je ne peux pas t’en dire plus pour le moment… Et oui l’idée du split me plait énormément. D’ailleurs il n’y à pas longtemps, avec des potes, nous nous amusions à imaginer des splits de l’impossible : Micropoint/Sigur Rós, PNL/John Carpenter, Hans Zimmer/Craft… Je suis ouvert à toutes propositions pour des collaborations, remixes etc. (Donc toi qui lis ceci, si tu es chaud, ramène toi)

Tu as également fait le show d’after de la dernière date de Metal Venom Production à Nantes (avec Igorrr, Crackhouse et Treha Sektori). Qu’en est-il de la dimension live de ton projet ? Qu’envisages-tu ?

Alors… Disons que cette date était très particulière pour moi. J’ai été annoncé en tant que « DJset After », La salle n’était pas au courant qu’il y avait un after… J’ai fais le déplacement pour 20 minutes de set après Igorrr. Du coup c’était extrêmement rapide, surtout pour le public qui en voulait encore. Malheureusement, j’ai l’impression que la plupart des orgas s’en branle. « Ah c’est toi le DJ ?! », « Nous sommes cool, nous t’avons mis sur le catering », « Je ne m’occupe que des artistes, les animations ce n’est pas moi ! » (meilleur accueil de soirée ever). La vraie Fête Triste !!! C’est pour cela qu’une pause est nécessaire, à moins que la soirée me parle vraiment, je ne veux plus faire de Djset. (Sauf si c’est pour un B2B avec Dj Loxic, c’est une véritable discothèque à chaque fois). Evidemment, il n’y a pas que du négatif. J’ai rencontré des personnes géniales sur la route et j’ai eu l’honneur de jouer sur des affiches importantes. Je pense par exemple à Pertubator et Ado, des artistes que j’admire énormément. Et j’ai surtout vécu des afters de folie avec des gens magiques, avec le de crew Biffty, qui ont littéralement cassé Nantes (rires) Vu que les Djsets c’est en stand by pour l’instant, j’ai naturellement commencé à réfléchir à présenter un live. Pour le moment je ne sais pas si je serai seul… ou avec des guests mais en tout cas je veux entendre ma musique très fort dans des salles de concerts. Par contre, je ne veux pas faire de la scène pour faire de la scène, car j’ai l’impression que beaucoup de gens font des concerts pour changer de photos de profil…

Nous arrivons à la fin de l’interview. Comme à mon habitude, une simple question pour terminer : Quel est ton top 5 des albums essentiels selon toi ? (Tu peux, si l’envie t’en prend, également faire un top de tes écoutes actuelles)

5 ? C’est très compliqué (rires) J’écoute vraiment beaucoup trop de choses différentes alors ça va être marrant :

1 - Pink Floyd - Meddle (1 fois par jour minimum)
2 - Cradle Of Filth - Cruelty and The Beast
3 - Between The Buried And Me - Colors
4 - Ulver - Perdition City
5 - Funeral Mist - Maranatha
(Bonus) 6 - Cult Of Luna - Somewhere Along the Highway

Sinon voilà une playlist de ce qui tourne chez moi :

Ancient Methods - Built On Scars
Les Vilars - Demission
VAMPIRE - Howl From The Coffin
Deformer - Counter Carnage (Akira Remix)
Eggs of Gomorrh - Rot Prophet
FAT32 - Hard Drive
Twista - Stackin Paper
Four Tet - SW9 9SL
The Boy Will Drown - Suis La Luna
Stalled Minds - Underground
Treha Sektori - Tentureh
JAMBINAI - Connection …

Merci beaucoup à toi pour cette interview, et j’espère que nous verrons vite plus de sorties de ta part pour continuer dans cette excellente lancée !

Merci à vous pour les questions et de vous intéresser à mon projet et de diffuser mon nouveau clip. J’ai hâte de vous faire écouter le prochain EP et de partager mes actus.

Interview réalisée par DopeLord

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