Chronique | TIME LURKER - S/T (album, 2017)


Time Lurker - S/T (album, 2017)

Tracklist:

01. Rupture
02. Judgement
03. Ethereal Hands
04. Reborn 
05. No Way Out From Mankind 
06. Passage 
07. Whispering From Space

Extrait en écoute:



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Récemment arrivé sous la bannière des Acteurs de l'Ombre, Time Lurker est le fait d'une seule personne, Mick. Le musicien alsacien a entamé ce projet en 2014 et sorti un premier EP deux ans plus tard, en novembre 2016. À celui-ci s'est ajouté un second EP pour former un premier album homonyme paru en juin dernier aux formats CD, vinyle (LADLO) et cassette (Monotonstudio Records).


La première chose qui saute aux yeux est l'attention accordée à l'imagerie et à l'esthétique visuelle, en tout cas en ce qui concerne le Digipack. Celui-ci, une fois déplié, présente un triptyque aux éléments et symboles ésotériques, le fond de ciel étoilé donnant une aura résolument occulte à l'objet qui s'offre bientôt à nos oreilles. Toutes les illustrations ainsi que le logo ont été réalisés par Jo Mot Rot, et le moins que l'on puisse dire est que le rendu s'avère plus que correct: il donne envie d'entrer par le portique fumeux que nous évoquera la musique redoutable et diffuse de Time Lurker

Et en effet, cet album d'une cinquantaine de minutes ne nous laisse que peu d'instants de répit, comme semble le signifier son nom. Le rôdeur se tient derrière l'auditeur; dans l'obscurité, le temps est à l'oeuvre et ronge nos existences. Un Black Metal atmosphérique intensément glacial nous est proposé, avec pas moins de quatre invités issus de formations françaises (Paramnesia, Pyrecult, Rance, LMDA) assurant des vocaux diversifiés se diffusant dans un brouillard dépressif qui se fait le véhicule d'une haine et d'un désespoir insondables. Rythmiquement très riche, cet album est loin, très loin d'être monotone, chaque trouvaille insufflant une nouvelle dynamique aux longues compositions transcendantes du one-man-band. On note la qualité de la production, le travail d'enregistrement et de mixage ayant été effectué par Mick lui-même. L'artiste a été aidé pour le mastering par Jack Shirley, qui a collaboré avec de nombreux groupes de Post-Black Metal ces dernières années, comme Deafheaven et Bosse-de-Nage. 

Si certains n'hésitent justement pas à accorder l'étiquette "Post-Black Metal" à ce genre d'album aux structures progressives, qui nous réservent une écoute pleine de rebondissements, Time Lurker, au-delà de quelques passages éthérés et quelques chants typés Hardcore (surtout dans "Judgement"), ne s'éloigne pas des sentiers du Black Metal atmosphérique et me rappelle furieusement la scène californienne des années 2000, comme Weakling et surtout Leviathan. Time Lurker est le genre de projet à privilégier un Black Metal presque dépressif, aux vocaux déchirés, quelque part entre le désespoir de The Tenth Sublevel of Suicide et l'horreur de Massive Conspiracy Against All Life... des sonorités relativement rares en ce qui concerne la scène hexagonale, et qui ne sont pas pour me déplaire. Ce voyage sonique a la même faculté à nous tenir la tête sous l'eau pendant une durée conséquente et sans susciter de résistance de notre part. Les vocaux, tantôt plaintifs, tantôt menaçants voire haineux, glacent nos coeurs, aidés par des instrumentaux diversifiés qui se caractérisent soit par leur froideur stratosphérique, soit par leur lourdeur marquée par un tempo plus lent. 

La première écoute, encore une fois à l'image du visuel si évocateur de ce premier long format, souffre encore des séquelles de cette musique tortueuse qui n'est pas pour autant inaccessible. Time Lurker est un album qui se digère en plusieurs écoutes afin d'en extraire la substantifique moelle. Dès le premier essai, Mick a réussi à faire naitre une présence dans sa musique, une manifestation à la noirceur impénétrable qui ne rendra nos souvenirs que plus nébuleux encore. 

Time Lurker est un projet à suivre de toute urgence pour ceux qui aiment le Black Metal atmosphérique bien produit, aux ambiances cosmiques et mélancoliques qui assurent une véritable catharsis à ceux qui ont le bonheur de les subir. On signalera que le musicien a su rendre son art vivant, bien que les influences citées - dont il se réclame d'ailleurs - soient encore omniprésentes dans sa manière de composer et dont il faudra s'émanciper encore davantage pour évoluer. 

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T.



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